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LA NEUVIÈME ERREUR DU FONDAMENTALISME FINANCIER : CROIRE QUE LE SURPLOMB D’UNE PLUS GRANDE DETTE ANNULERAIT LES EFFETS STIMULANTS ET BIENFAISANTS D’UN DÉFICIT BUDGÉTAIRE

William Vickrey, Prix Nobel d’Économie en 1996

5 0ctobre 1996

L’effet négatif qui résulterait du poids d’une dette plus grande pourrait annuler, déclare-t-on, l’effet stimulant d’un déficit budgétaire. Cette déclaration grandiloquente provient d’une incapacité à analyser la situation en détail.

La réalité analytique se présente comme suit. La thèse de l’ « équivalence Ricardienne », bien que signalée par Ricardo, n’a pas été, en fin de compte, souscrite par lui. De toute façon, sa validité dépend essentiellement du système de taxation susceptible d’être utilisé pour financer le service de la dette.

À un extrême, dans une économie Géorgienne, faisant usage exclusif d’une «taxe unique» sur la valeur des terres et où l’on escompte que la valeur des terres va évoluer dans la même proportion au cours du temps, toute dette devient en effet une hypothèque collective sur les parcelles de terre. Tout accroissement de la dette du gouvernement, pour contrebalancer une réduction de taxes, déprécie la valeur marchande des terrains d’un montant égal, mais la richesse individuelle agrégée reste non affectée. L’équivalence Ricardienne est complète et une politique fiscale pure est sans puissance. Néanmoins, une plus grande dette peut quand même être désirable, pour profiter des taux d’intérêt plus faibles applicables à la dette gouvernementale par rapport aux taux applicables aux hypothèques individuelles surtout si on dote la propriété, d’un système intégré, permettant d’assumer l’hypothèque la grevant pour faciliter le financement des transferts. Et il y aurait encore une possibilité de stimuler l’activité économique par des dépenses financées par des taxes qui redistribueraient les revenus en faveur de ceux qui ont une plus forte propension à dépenser.

Dans un autre scénario, si la taxe principale en est une sur tous les immeubles et non seulement sur les terrains, comme cela est habituel dans les finances locales américaines, l’effet est drastiquement différent. Dans ce cas, tout investisseur érigeant un immeuble assume de ce fait, sur le moment du moins, une part de la dette gouvernementale, ce poids pouvant être pris en charge, éventuellement, par d’autres constructions. Non seulement cela décourage la construction mais si le surplomb de la dette est trop grand, la perspective que d’autres prendrons en charge une part du fardeau pourrait s’évanouir soudainement et toute l’activité de la construction aboutir à un arrêt mortel. La Dette devient alors un important inhibiteur de la croissance. Bien que ce résultat parait ressembler à celui prédit par la théorie de l’encombrement ( crowding out theory) la mécanique n’est pas, une, de déplacement mais, une, de dissuasion, de non incitation.

Avec un système de taxation principalement basé sur les ventes ou sur la valeur ajoutée et non sur les terrains et les immeubles, un déficit budgétaire en provenance d’une réduction des taux de taxation, n’aurait aucun effet dépressif sur la valeur des actifs et aurait au contraire sur eux un effet stimulant par le canal de la hausse de l’offre globale des actifs (offre des titres représentatifs de la dette) qui serait renforcée, fort probablement, par des dépenses anticipées motivées par la perspective d’une hausse future des taxes pour financer le service de la dette. Il n’y aurait alors aucun effet d’équivalence Ricardienne ; plus probablement, le fait d’anticiper des taxes futures plus élevées, encouragerait des dépenses immédiates, ce qui s’ajouterait au stimulus d’une offre de titres accrue.

Le système de taxation fédéral est dominé par l’impôt sur le revenu lequel subit des effets intermédiaires entre ceux que subit un système de taxation basé sur l’épargne et un système de taxation basé sur la dépense. En pratique, peu d’individus ont une idée claire des taxes qui pourraient être imposées dans le futur, du fait de l’existence d’une dette plus grande et l’on peut dire, sans risque de se tromper, qu’aucun phénomène d’équivalence Ricardienne pourrait intervenir, bien qu’il existerait, un malaise, chez les spectateurs inquiets, pouvant provoquer l’auto réalisation de leurs prophéties.