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C'est la Banque Centrale des États-Unis, la « Federal Reserve », qu’il faut blâmer, pour la crise des liquidités de septembre 2008.
Par : André Gouslisty

Octobre 2008

C’est Ben Bernanké, l’actuel président de la « Federal Reserve » et, avant lui, Alan Greenspan, qu’il faut blâmer, pour la pénurie massive de liquidités, pour avoir assécher l’économie américaine de ses liquidités monétaires, et pour avoir étranglé et les débiteurs et les créanciers, au lieu de l’inonder de liquidités, comme on tente de le faire aujourd’hui, non pas à la petite cuillère, ni à la cuillère à soupe, mais, à la louche, c’est à dire, par milliers de milliards de dollars.

Pourquoi ?

Pour les raisons, les motifs et les commentaires suivants :

1. Pendant des années, pendant des décennies, la politique monétaire a consisté, sous prétexte de lutter contre l’inflation, à absorber des liquidités. Pour cela, la Réserve Fédérale vendait des titres, des obligations, de son portefeuille de titres, et encaissait des liquidités. Cela avait pour effet de hausser le taux d’intérêt, de freiner la dépense des ménages, des entreprises et des administrations publiques.

Sans doute, l’inflation à de mauvais effets, mais, elle a aussi de bons effets, comme celui de hausser la valeur monétaire des actifs immobiliers, dont les maisons des ménages américains. Une certaine inflation au-delà des 2% ou 3% tolérés, aurait transformé les prêts hypothécaires des banques, à l’origine accordés avec beaucoup de libéralité (subprime), en prêts acceptables, suffisamment garantis.

De toute façon, si l’on n’avait pas prêter en fermant les yeux sur la qualité des emprunteurs, on aurait eu une crise économique avec un stock de maisons invendu.

Une certaine inflation, au de-là des limites fixées par les Banques Centrales aurait eu pour effet d’augmenter les revenus monétaires des ménages ce qui leur auraient permis d’honorer leurs engagements envers les banques au lieu de les laisser saisir leur maison. Une saisie ne donne aux banques aucune liquidité immédiatement, ni même après la saisie, quand les biens saisis sont invendables.

Il n’a donc servi à rien d’avoir asséché l’économie américaine, comme d’ailleurs l’économie européenne, s’il faut aujourd’hui de toute urgence, l’inonder de liquidités, après une crise de confiance, qui a quand même eu l’avantage de faire ressortir au grand jour l’incompétence des dirigeants des institutions financières, y compris les dirigeants des Banques Centrales.

2. On peut reprocher aussi à la Banque Centrale de n’avoir pas compris que le Produit intérieur brut, le fameux Pib, ne peut être racheté par ceux qui ont concouru à le réaliser sans du crédit d’un montant égal à la valeur du Pib.

Supposons que le Pib des États-Unis, pour une certaine année, ne soit composé que d’un seul article, une maison d’habitation pour un ménage, valant 500.000$.

Si une seule personne a concouru à sa construction, elle est censée avoir reçu à titre de revenu 500.000 $ et elle peut, en simplifiant beaucoup, acheter la maison.

Si 2 personnes ont concouru, d’une façon égale, à la construction de la maison, chacune d’elle est censée avoir reçu à tire de revenu 250.000$ mais aucune d’elle ne peut acheter la maison construite sauf si l’une d’elle obtient un prêt de 250.000$.

Si 5 personnes ont concouru d’une façon égale à la construction de la maison chacune d’elle est censée avoir reçu à titre revenu 100.000 $ et aucune d’elle ne peut racheter la maison à moins que l’une d’elle n’obtienne un prêt d’un montant égal à 400.000$.

Si 10 personnes ont concouru à la construction de la maison, d’une façon égale, chacune d’elle est censée avoir reçu à titre de revenu un montant égal à 50.000$ et aucune d’elle ne peut acheter la maison à moins que l’une d’elle n obtienne un prêt d’un montant égal à 450.000$.

Comme on peut le constater plus le nombre de personnes participant à la construction de la maison est grand plus le crédit à obtenir pour son achat est grand et, à la limite, doit être égal à la valeur de la maison.

A partir de là on peut généraliser et dire que pour racheter le Pib d’une année, après l’avoir réalisé, il faut du crédit d’un montant égal à la valeur de ce Pib.

3. On peut reprocher encore à la Banque centrale de n’avoir pas compris que pour rembourser les prêts obtenus pour racheter le Pib d’une année et payer les intérêts, il faut que le Pib de l’année subséquente soit supérieur à celui de l’année précédente d’un montant égal au moins à celui du taux d’intérêt, que nous supposerons être représenté par le « prime rate », et en oubliant pour le moment le problème de l’amortissement des prêts, car on ne voit pas d’où viendrait le supplément de revenu nécessaire au paiement des intérêts.

4. C’est donc à la croissance du Pib, en termes monétaires et pas nécessairement réels, que la Banque Centrale doit consacrer ses efforts et non à la maîtrise de l’inflation.

5. On peut reprocher à la Banque Centrale de n’avoir pas compris que c’est le taux de croissance du Pib, en termes monétaires, qui doit déterminer le taux d’intérêt, le taux du « prime rate »

Si le taux de croissance du Pib est de 1% et que le taux d’intérêt est de 5%, on ne voit pas comment ceux qui ont emprunté pour acheter le Pib peuvent payer les intérêts. Ils seront nécessairement dans le trouble et entraîneront dans le trouble les créanciers.

Par contre si le taux de croissance du Pib est de 10 % et que le taux d’intérêt est de 10% les emprunteurs pourront payer les intérêts sur leurs emprunts.

Si le taux de croissance du Pib est de 10 % et le taux d’intérêt est de 7% cela serait encore mieux puisque les emprunteurs pourront non seulement payer les intérêts mais il leur restera quelque chose de plus dans les poches, pour l’amortissement.

Il ne faut pas oublier que le taux du « prime rate » est fixé par les banques 3% au-dessus du taux des fonds à 1 jour, c’est à dire du taux des « fed funds », ce dernier étant fixé par la Banque Centrale à partir du taux d’inflation alors qu’elle devrait le fixer à partir du taux de croissance du Pib.

6. C’est donc toute la politique monétaire de la Banque Centrale qu’il faut revoir si l’on ne veut pas être obligé d’injecter ( du latin injectare = introduire sous pression un liquide, un gaz dans un corps ) dans l’économie tous les 5 ou 10 ans les milliers de milliards de $, que l’on aura absorbé, ponctionné, prélevé, systématiquement pour lutter contre l’inflation.

7. Nous pensons que la Banque Centrale des États-Unis, tout comme d’ailleurs les autres Banques Centrales à travers le monde, devrait reconnaître la loi économique suivante :

Le taux d’intérêt, le taux du « prime rate, doit :

- jamais, être supérieur au taux de croissance, en dollars courants, du Pib;
- parfois, exceptionnellement, égal au taux de croissance du Pib
- toujours, être inférieur au taux de croissance du Pib, d’un montant égal à environ 3 %

8. La crise des liquidités actuelle ayant été engendrée de toute pièce par les Banques Centrales, il faut laisser aux Banques Centrales la charge de résoudre le problème. L’État n’a pas à se mêler de l’affaire. D’ailleurs les liquidités nécessaires existent déjà. Ils sont dans les coffres des Banques Centrales. Elles ont été accumulées au cours des ponctions faites à l’occasion des politiques anti-inflationnistes.

9. Les liquidités qui vont être injectées pour le rachat des mauvaises créances des banques commerciales, vont certainement provoquer une certaine inflation. Si on ne laisse pas aux Banques Centrales le soin de résoudre le problème du manque de liquidités, si l’on ne force pas les Banques Centrales à ramasser elles-mêmes les mauvaises créances et à donner des liquidités en contrepartie, il est très probable qu’elles se remettront à ponctionner des liquidités, au nom de l’inflation, au nom de la stabilité des prix.

10. Il n’est pas nécessaire de faire du taux d’inflation une variable autonome du Pib.

Le Pib, évalué en $ courants, comprend l’inflation.

Un Pib de 10% par exemple, commanderait un « prime rate » de 7% et pour les fonds à1 jour, un taux de 4%.

Une telle politique monétaire serait suffisamment anti-inflationniste sans étouffer et étrangler le taux de croissance du Pib.

11. On peut comparer une économie nationale à une vaste entreprise qui fabrique des biens et des services pour les vendre.

Quel est la capitaliste rationnel qui emprunterait à 5% pour investir dans une entreprise dont le taux de croissance des ventes et de 1% ?

Par contre, il serait très avantageux d’emprunter à 5% pour investir dans une entreprise dont les ventes augmentent annuellement de 10% .

12. Si le 11 septembre 2001 on a vu les deux tours jumelles du World Trade Center de New-York s’effondrer, on peut dire qu’en septembre 2008, ce sont les principes et la pratique de la politique monétaire aux État-Unis qui se sont s’effondrés.

13. En date du 8 octobre 2008 nous avons pour les États-Unis les données suivantes :

Taux annuel effectifs

( 1 ) Pib, II è trimestre 2008, en $ courants 4,60%

( 2 ) Pib, II è trimestre 2008, en $ constants 3,30%

( 3 ) Indice implicite des prix 1,30%

( 4 ) Prime rate 4,50 % (Taux suggérés 1,60%)

( 5 ) Fed funds 2,24 % (Taux suggérés 0,25%)

( 6 ) Marge bénéficiaire pour les Banques (4) – (5)= 2,26%.

Nous ne voyons pas qui peut être intéressé à emprunter à 4,50% pour investir dans une économie qui ne croit que de 4,60%. Cela ne vaut pas la peine. La Banque Centrale des États-Unis doit abaisser de beaucoup le taux des fonds 24 heures, le taux des fonds du marché monétaire, comme nous le suggérons, si elle veut vraiment
Résoudre les problèmes actuels.

Si les banques et autres institutions financières sont en difficultés c’est parce que ce sont les ménages qui sont en difficultés, c’est parce que des millions de ménages n’arrivent à payer leurs hypothèques et tout ce que l’on a trouvé comme solution c’est de renflouer les banques. Cela va marcher un certain temps, mais le problème réel va resurgir à très court terme. Pour nous, c’est dans la croissance du Pib en $ courants, que réside la solution à long terme de la crise.

14. Et si, malgré les taux suggérés de la section précédente, le taux de croissance du Pib en $ courants ne bondit pas, que faudra-t-il faire ?

Il appartiendra alors à la Banque Centrale de suggérer au Gouvernement des mesures comme la baisse des impôts ou un programme des Grands travaux.

16. Quant au Canada, la crise actuel devrait être pour lui une occasion d’avoir un peu plus de cervelle, et de permettre la déductibilité des intérêts des hypothèques du revenu imposable des contribuables, comme c’est le cas aux États-Unis.

17. Au Canada, en date du 12 octobre 2008, on a les données suivantes :

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Canada

!2 octobre 2008

Taux annuel

(1) Pib, II è trimestre de 2008, en $ courants 4,70%

(2) Prime rate 4,25% (Taux suggérés 2,95%)

(3) Taux cible du financement à un jour 2,50% (Taux suggérés 0,75%)

(4) Marge bénéficiaire des banques ( 2) - (3) = 1,75%

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Quel est le fou qui emprunterait à 4,25% pour investir dans une affaire qui rapporterait 4,75%, pour faire un minable bénéfice de 0,50% ?

Par contre, emprunter à 2,95% pour investir dans une affaire qui rapporterait 4,70%, pour une marge bénéficiaire de 1,75% semble être un comportement acceptable puisque c’est celui des banques canadiennes, bien que nous le trouvons plutôt minable, comme le sont d’ailleurs les banques canadiennes.