LA RICHESSE DES CANADIENS AMPUTÉE
DE 358 G EN 2003 GRÂCE À PAUL MARTIN.
André Gouslisty, 25
mai 2003
Ancien Professeur de
Sciences Économiques
Faculté
d’Administration
Université de
Sherbrooke
Il n’est pas facile de
faire des profits. Il faut pour cela avoir quasiment du génie. Faire des
profits implique, d’abord, la création d’un bien ou d’un service, puis, sa
vente à un prix supérieur au coût et ce, sans arrêt, constamment,
impitoyablement. L’homme d’affaires subit deux importantes pressions. D’abord,
la pression de la concurrence, qui l’empêche d’augmenter ses prix et sa
recette. Ensuite, la pression de la main-d’œuvre, qui l’empêche de réduire ses
coûts. L’homme d’affaires se tient sur le fil d’un rasoir avec deux précipices,
l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Un rien peut le faire basculer. C’est
alors la faillite. On comprend donc pourquoi l’homme d’affaires prospère, comme
un général victorieux, se comporte avec orgueil et arrogance. Cet orgueil et
cette arrogance sont justifiés.
Pour qu’un ancien
livreur de lait, et videur de boîte de nuit, d’une province canadienne ,
l’Alberta, comme M. Bernard Ebbers, transforme, en 17 ans, une petite compagnie
de téléphone à rabais, en WorldCom., la seconde société d’interurbains en
importance aux Etats-Unis, il faut, sans aucun doute, avoir du génie, le génie
des affaires, comme d’autres peuvent avoir le génie de la musique ou des
mathématiques.
Mais beaucoup d’hommes d’affaires n’ont pas de génie ou encore, le génie peut les quitter après les avoir habité. Ils ont alors recours à la tricherie , à l’escroquerie, à la falsification des états financiers, pour faire sur le papier les profits qu’ils sont incapables de faire sur le terrain. Cela a été le cas des dirigeants d’Enron ( un courtier en électricité ), de WorldCom , et de beaucoup d’autres qui ne se sont pas fait prendre encore. C’est la moralité douteuse de beaucoup d’hommes d’affaires, mise en évidence par les scandales d’Enron , de WorldCom et d’autres encore et pour se prémunir contre elle, qu’a été promulguée, en 2002, aux États-Unis, la loi Sarbanes-Oxley. Cette loi impose aux dirigeants des entreprises, d’authentifier personnellement les états financiers et de constituer au sein du conseil d’administration un comité de vérification composé de personnes indépendantes des dirigeants et des principaux actionnaires.
Mais, aussi génial que
puisse être un homme d’affaires, aussi honnête qu’il puisse être aussi, rien ne
le qualifie pour la gestion économique et financière de l’État, parce que l’État
se gère à partir d’autres principes que le profit.
Pour avoir confié, en
1993, leurs intérêts économiques et financiers à un homme d’affaires, Paul
Martin, les Canadiens se retrouvent au début de 2003 moins riche de 40% à ce
qu’ils auraient dû avoir. Comme le produit intérieur brut (pib) a été, de 1993
à 2002, de 895 milliards de $ en moyenne par an, c’est 40 % de ce montant soit
358 milliards de $ qui manquent aux actifs des Canadiens pour être ce qu’ils (
les actifs ) auraient dû être.
Un tel résultat n’a rien d’étonnant parce que l’État n’est pas une
entreprise commerciale, l’État n’est pas une business.
Il existe une grande différence entre l’État et l’entreprise. La grande différence, c’est que l’État peut créer la monnaie, au coût minime de l’encre nécessaire à écriture comptable, alors que l’entreprise doit la gagner en vendant un bien ou un service, qu’elle doit concevoir et fabriquer d’abord, et ce à un prix supérieur au coût,. Tout cela est loin d’être facile et exige de la part de l’homme d’affaires presque du génie, génie qui ne le qualifie cependant pas pour la gestion de l’État.
L’État n’a pas besoin
de recettes monétaires tirées du public pour fonctionner contrairement à
l’entreprise. L’État peut fonctionner sans impôts et sans emprunts puisqu’il
peut créer, à partir de presque rien, la monnaie dont il a besoin. Si l’impôt
existe, c’est qu’il a pour rôle, non pas d’assurer des recettes à l’État comme
le vulgaire le croit, mais de donner une valeur à la monnaie que l’État émet.
La monnaie que l’État émet prend un début de valeur aux yeux d’un citoyen que
lorsque ce dernier doit payer à l’État, et en sa monnaie, un impôt sur quelque
chose, sa tête, sa fortune ou son revenu. Il se met alors en quête de cette
monnaie en offrant à l’État des biens et des services. L’État et sa monnaie ne
peuvent alors exister que si l’État est perpétuellement demandeur de biens et
services et distributeur de monnaie ce qui fait de lui, par destin, par
nécessité, le plus gros entrepreneur de la Nation et son plus gros
constructeur.
Nous avons montré,
dans un article intitulé «Les faux surplus du ministre Martin», daté du
9 septembre 2002, et paru dans notre site internet, www.gouslistyandre.com, que M.Martin,
en arrivant au ministère des finances canadiennes en 1993, et en excellent
homme d’affaires qu’il était, et qu’il est encore aujourd’hui, constatant que
l’État ne faisait pas de profit, s’est mis à réaliser des surplus budgétaires.
Ces surplus budgétaires furent financés par la Banque du Canada et par des
remboursements de la dette nationale. Un surplus budgétaire constitue une
ponction de liquidités et une perte de réserves pour les banques. Pour ne pas
engendrer une hausse du taux d’intérêt il, ( le surplus budgétaire ), doit être
compensé par une injection de liquidités sous forme d’achats de titres de la
part de la Banque du Canada ou sous forme de remboursement de la Dette. Comme
l’État c’est le Trésor + la Banque Centrale + l’Administration de la Dette,
c’est donc en puisant dans la poche gauche de l’État que l’on a pu réaliser les
surplus de la poche droite. C’est loin d’être particulièrement génial. Tout
cela s’étant fait aux grands applaudissements de la Banque du Canada et de son
pauvre gouverneur.
« Life
is short, but it does last more than a day. Measures of the economy must
include not only current consumption but also saving – provision for future
consumption. Since today’s bread quickly goes stale, to provide for future
consumption we must provide for future production. That, in turn, requires
well-trained and well-equipped future workers in future jobs. To have more
tomorrow we must devote more today to the accumulation of capital, public and
private, tangible and intangible, physical and human. That capital accumulation
we call investment » , Robert Eisner, The Misunderstood Economy, Harvard Business
School Press, Boston, Massachusetts, 1994, p. 4.
C’est à la lumière des
propos précédents, tenus par un des plus respectés économistes américains que
nous nous proposons, dans le présent article, de porter un jugement sur la
gestion financière de Paul Martin, ministre des finances du Canada de 1993 à
2002 et voir s’il a été l’homme d’État et le bon père de famille qui enrichi ses enfants et évite de les
ruiner ou simplement un homme d’affaires dangereux et ruineux pour le peuple et
le pays.
L’Épargne
d’aujourd’hui, c'est-à-dire la Richesse de demain, est égale à
l’investissement plus le surplus du commerce extérieur plus le déficit
budgétaire, autrement dit on a l’équation suivante :
Épargne =
Investissement + Surplus du Commerce Extérieur + Déficit Budgétaire.
Le tableau I montre
les investissements au Canada durant les dix années ayant précédées l’arrivée
de Paul Martin aux affaires de l’État et durant les années Martin.
Tableau I – Les
investissements au Canada de 1982 à 2002 en millions de $
Source- Statistiques bancaires
et financières de la Banque du Canada
Le tableau II montre quelle
a été l’épargne au Canada de 1982 à 2002 .
Tableau II – L’épargne
au Canada en % du PIB ( en millions de $ )
Source : Statistiques bancaires et financières de la Banque du Canada
Il ressort nettement du
tableau II précédent :
Suite aux constatations précédentes on peut se poser deux questions.
La première question est celle de savoir comment se fait-il que le Canada, quand il a été géré par des avocats comme Pierre Trudeau, Jean Chrétien ( première version ), Brian Mulroney etc.. s’enrichissait à la cadence de 25,49 % du PIB, par an, alors que sous la gestion de Martin, homme d’affaires, le Canada ne s’est enrichi qu’à la cadence de 21,41 % du PIB?
La réponse à cette question est, probablement dans le fait que les avocats et avocaillons, étant obligés, très tôt dans leur carrière, de vivre comme le loup de la fable de Jean de La Fontaine, dans un monde où rien n’est assuré, où il n’y a pas de franche lippée, où tout doit être gagné à la pointe de l’épée, ceux-ci, en arrivant à la tête de l’État, et réalisant qu’il possède deux grands et immenses pouvoirs, celui de créer la monnaie et celui de taxer, ne se sont pas inquiétés, avec raison, des déficits budgétaires et de la dette publique en $ canadiens. Ce faisant, ils ont favorisé l’enrichissement des Canadiens mieux que ne le fera par la suite l’homme d’affaires Martin.
La seconde question qui se pose est celle de savoir comment se fait-il
que le Gouverneur de la Banque du Canada n’ait pas tenu , à M.Martin, à peu près, le langage suivant :
« Monsieur le ministre, l’État n’est pas une business. La notion de profit n’est
d’ aucun secours dans la gestion financière et économique de l’État. Oubliez
cette histoire de surplus budgétaires. Ne vous inquiétez pas outre mesure de la
dette nationale, et surtout de celle en $ canadiens. Inquiétez-vous de la
richesse des Canadiens et de sa croissance. Si vous avez besoin d’argent
nous sommes là pour vous aider. L’impôt n’a pas pour fonction d’assurer des liquidités
à l’État, mais de donner un début de valeur au dollar canadien, notre monnaie
nationale. L’emprunt n’a pas pour but d’assurer des liquidités à l’État mais,
et surtout avec les obligations d’épargne, de procurer aux citoyens ordinaires
un moyen de se constituer des actifs productifs de revenus ( imposables ) sans
avoir à risquer de tout perdre en prêtant à des hommes d’affaires comme vous »?
La réponse à cette question est, possiblement, dans le fait que le
Gouverneur actuel de la Banque du Canada en sait beaucoup moins sur la nature
profonde de la monnaie que les premiers
Gouverneurs de la Nouvelle Angleterre ou de la Nouvelle France qui devaient se
débrouiller avec une poignée de soldats mais aussi avec le pouvoir ce créer une
monnaie et de taxer. Il est évident que l’actuel Gouverneur de la Banque du
Canada et son service d’études économiques, en savent beaucoup moins sur la
nature profonde de la monnaie, que le Gouverneur Louis de Buade, comte de
Frontenac et son intendant Jean Bochart de Champigny, qui devaient créer, en
1690, la monnaie de cartes, pour parer à la rareté de la monnaie métallique.(
Entre parenthèse, Paul Bremer, l’actuel gouverneur américain de l’Irak, a, à sa
disposition, trois puissants moyens pour gouverner : l’armée, le pouvoir
de créer une monnaie et de la distribuer contre des biens et services et le
pouvoir de taxer, mais il ne semble pas réaliser cela et a intérêt à revoir,
dans les livres d’histoire, comment les premiers gouverneurs de la Nouvelle
Angleterre se démenaient ).
Une autre réponse à la question précédente est dans le fait que le Gouverneur de la Banque du Canada a
intérêt, comme tous ceux de la Haute fonction publique, d’accréditer l’idée que
l’État est une business, pour réclamer et exiger d’être rémunéré comme les
dirigeants d’entreprises privées, qui encaissent des primes de rendement même
quand les rendements sont négatifs. Il devient, en effet, de plus en plus de
notoriété publique , que la haute fonction publique n’est plus au service de
l’État, mais au service d’hommes d’affaires sans talents avec qui elle espère
faire main basse sur les actifs de l’État. C’est l’enrichissement de l’ancienne
haute fonction publique soviétique et communiste, convertie au capitalisme, qui
semble être le modèle suprême à imiter, pour la haute fonction publique des
démocraties occidentales et libérales avec l’aide de certains partis politiques
qui préconisent la réduction de la taille de l’État. Les hommes d’affaires
talentueux , comme par exemple Bill Gate, de Microsoft, n’ont pas besoin pour
faire de l’argent de s’acoquiner avec de hauts fonctionnaires ou des ministres
( quoiqu’en disent certains tribunaux, il a fallu certainement, cela saute aux
yeux, l’intervention d’un ministre, félon à l’État et à la Couronne, pour faire,
à la fiducie familiale des Bronfman, une remise d’impôt de 750 millions de $),
ni de voler leurs associées, les autres actionnaires, ni d’escroquer leurs
employés en forçant leurs fonds de pension à investir dans l’entreprise qu’ils
gèrent en sachant que celle-ci est en
déconfiture.
Les hommes d’affaires, surtout ceux qui sont sans talent, cherchent à se
faire sacraliser pour mieux faire de l’argent. Ils utilisent pour cela des associations patronales, comme, au
Québec, le Conseil du patronat. Ce serait une erreur pour les partis politiques
de les sacraliser.
Les hommes d’affaires talentueux s’enrichissent en
enrichissant les autres. Les hommes d’affaires non-talentueux s’enrichissent en ruinant les autres. Talentueux ou pas, un homme d’affaires, qui
a pris goût au profit, n’aura jamais les réflexes d’un homme d’État. Les
surplus budgétaires de Paul Martin le prouvent.
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