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Commentaires sur la politique monétaire aux États-Unis et au Canada en date du 7mai 2002

  Par André Gouslisty, 7 mai 2002

 

Au 7 mai 2002, la situation économique aux États-Unis et au Canada pouvait se résumer comme suit :

 

Situation au 7 mai 2002 1

États-Unis

Canada

1. PIB en $ courants    1t2002

6,70 %

 ?

2. PIB en $ constants   1t 2002

5,80 %

4,50 % estimé 2

3. Inflation globale  1t2002 ( lignes 1 – 2 )

0,90 %

 ?

4. Fedfunds ou taux cible

1,81 %

2,25 %

5. Prime rate

4,75 %                  

4,00 %

 

1.Sources : Pour les États-Unis, Bureau of economic research . Pour le Canada, Statistique Canada et Rapport sur la Politique Monétaire de la Banque du Canada d’avril 2002.

2.Estimation de la Banque du Canada.

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Cette situation au 7 mai 2002 appelle les commentaires suivants.

 

1. Pour les États-Unis, on constate que le prime rate est inférieur au taux de croissance du PIB. C’est là une condition absolument nécessaire pour qu’il y ait croissance économique. Lorsque le prime rate est plus petit que le taux de croissance du PIB, qui fait fonction de taux de rendement interne pour l’ensemble de l’économie, il vaut la peine, en principe, d’emprunter à 4,75 % pour investir et gagner 6,70 %.

 

2. Mais est-ce que le différentiel entre le taux de croissance du PIB et le prime rate, soit 1,95 % ( 6,70 % – 4,75% = 1,95 % ), est suffisant ?

 

Si on compare le différentiel entre le PIB et le prime rate, soit  +1,95 %, avec le différentiel entre le taux des fedfunds de 1,81 %  et le prime rate  de 4,75 %,  soit +2,94 %, on est obligé de constater que M. Alan Greenspan traite mieux les instituions financières que les entreprises, les ménages et les administrations publiques, en leur assurant une marge bénéficiaire minimale de 3 %, le taux des fedfunds représentant le coût des fonds pour les banques et autres institutions financières.

 

On ne voit pas pourquoi ce qui est bon pour les institutions financières ne serait pas bon pour les entreprises et les ménages. Nous pensons que cela irait beaucoup mieux aux État-Unis si la Fed établissait le taux des fedunds à 1 %. Dans un tel cas le taux du prime rate se situerait à 4% et le différentiel entre le prime rate et le taux de croissance du PIB à 2,70 %. Grosso modo, il vaudrait la peine, aux Etats-Unis, d’emprunter à 4% pour investir à 6,70 % et empocher 2,70% au lieu de 1,95 % actuellement. Une telle politique pourrait être menée jusqu’au moment ou le taux d’inflation deviendrait inquiétant.

 

3. Pour le Canada, il n’est pas possible de faire une analyse semblable à celle que nous venons de faire pour les États-Unis. La raison, c’est que Statistique Canada traîne les pattes et est incapable de fournir les informations statistiques nécessaires avec la même diligence que les instances en charge des statistiques aux États-Unis.

 

Il résulte de cette carence de Statistique Canada, que la Banque du Canada doit faire des estimations sur le PIB et sur le taux d’inflation. Or, la Banque du Canada est une institution politique dont les estimations ne sont pas plus crédibles que les estimations du ministre des finances canadiennes, sans parler du goût de Statistique Canada et de la Banque du Canada pour des statistiques en termes réels alors que les statistiques en $ courants sont encore plus importantes que les statistiques en $ constants. Toute la théorie et la pratique du cash flow se fait en $ courants et le cash flow est au centre de la gestion financière et de la décision d’investir et de dépenser, aussi bien pour les entreprises, que pour les ménages et les administration publiques.

 

4. A première vue, il semble que les banques canadiennes soient moins gourmandes que les banques américaines, à en juger par le différentiel ente le taux cible du financement à un jour de 2,25% et le prime rate de 4 %, soit +1,75 %. Mais cela n’est qu’une apparence, par ce que le prime rate est au Canada plus théorique que pratique en comparaison avec les États-Unis.

 

5. Au Canada, les ménages sont bien moins traités que les ménages aux États-Unis, au point de vue déductibilité des intérêts des emprunts. Permettre une telle déductibilité, pour les ménages, au Canada, aurait l’avantage de créer un nouvel stabilisateur économique. Dans le cas d’un contribuable imposé à 50 % de son revenu, une hausse du taux d’intérêt de 1 % équivaudrait en fait, après impôt, à une hausse de 0,50 %. Une baisse du taux d’intérêt de 1 % équivaudrait, après impôt, à une baisse effective de 0,50 %. Les stabilisateurs économiques sont des garde-fous. Ils protègent le public des dérapages des autorités monétaires et fiscales.

 

6. Les dépenses des ménages au Canada représentent près de 60% du PIB, les autres dépenses étant les dépenses des entreprises, des administrations publiques et du monde extérieur. Il y a donc le plus grand intérêt à promouvoir les intérêts de cette catégorie économique au Canada qui a  soutenue l’activité économique au cours de la récente récession. Malheureusement, ni le ministre des finances, en persistant à vouloir considérer les intérêts des emprunts des ménages comme non déductibles du revenu imposable, ni la Banque du Canada, en ne cherchant pas à convaincre le ministre des finances de la nécessité de cette déductibilité dans l’intérêt de la politique monétaire, ne réalisent tout l’avantage qu’il y a à soutenir les dépenses des ménages, notamment dans le domaine du logement et des biens durables connexes.

 

7. Conclusion.

 

À la lumière de ce qui se passe au État-Unis et, à la lumière du faible éclairage fourni par les statistiques canadiennes disponibles, la hausse du taux cible du financement à un jour, de 2 % à 2,25 %, décrétée le 16 avril 2002, par la Banque du Canada, peut être considérée comme une erreur, une nuisance pour l’économie canadienne, qui s’ajoute à la longue liste de ses nuisances, depuis 1980.

 

On juge l’arbre à ses fruits et la valeur d’une monnaie n’est que le reflet de la compétence de ceux qui la gèrent.