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LA  DÉDUCTIBILITÉ  GÉNÉRALISÉE  DES INTÉRÊTS  DU REVENU IMPOSABLE : UNE  NÉCESSITÉ INCONTOURNABLE

André Gouslisty

Docteur en Droit
Diplômé d’Études Supérieures d’Économie
Professeur Retraité de Sciences Économiques de la Faculté d’Administration de l’Université de Sherbrooke
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques  

1  MARS  2002

SOMMAIRE  

I.       Introduction

II.      L’iniquité de la double imposition et sa nocivité économique.

III .  Tous les emprunts sans exception aident à investir.

IV.    Les fonds propres coûtent comme les fonds empruntés.

V.      La Loi sur les impôts, au Canada et au Québec, ignore le rôle du compte « cash » dans l’entreprise, la mécanique des affaires et la comptabilité des particuliers.

VI.    Le multiplicateur de la dépense et ses effets bienfaisants.

VII.   Deux contribuables identiques doivent payer le même impôt.

VIII.  La déductibilité des intérêts du revenu imposable aux Etats-Unis.  

IX.    Hypothèque et prêts auto deviennent indirectement déductibles de l'impôt.

X.     Le régime de la déclaration du revenu par le contribuable et de l’autocotisation.

XI.       Les lois s’interprètent.

XII.   Les tribunaux canadiens et la déductibilité des intérêts.

XIII. Analyse critique de l’arrêt du juge en chef Dickson de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Bronfman Trust c . La Reine.

XIV.  Conclusion.

I. INTRODUCTION.

Dans la présente étude, nous nous proposons, non seulement de montrer, mais sutrtout de démontrer, que le fisc et la Cour suprême du Canada, n'ont qu'un seul choix, celui de reconnaître de bon gré et de bonne grâce, au contribuable, le droit de déduire de son revenu imposable, les intérêts, tous les intérêts de tous ses emprunts, sans exception, et ce pour différents motifs, dont les  principaux sont les suivants:

1. Un emprunt n'a qu'un seul et unique but, celui d'alimenter le compte « cash », en fonds liquides. Les écritures comptables sont là pour le prouver. Dans le compte cash, les fonds liquides en provenance des diverses sources se mélangent et, quand on puise des fonds du compte cash, pour payer l'acquisition d'un actif, il n'est plus possible d'attribuer un actif quelconque à un source précise de fonds liquides. De plus, c'est le compte cash qui est responsable du paiement des intérêts et du remboursement du principal et non un actif  précis qui aurait été soi-disant acquis avec les fonds empruntés.

2. La non déductibilité des intérêts constituerait une double imposition d'un des grands revenus de l'économie nationale, l'intérêt, une première fois entre les mains du créancier qui l'encaisse et une seconde fois entre les mains du débiteur qui le paie. La double imposition, étant odieuse du point de vue équité et nocive du point de vue économique, il y a lieu de l'éviter purement est simplement.

3. Deux contribuables, identiques en termes de ressources et d'emplois, doivent payer le même impôt. Le fait de commencer par employer les fonds propres pour acquérir des actifs productifs de revenus, au lieu de les acquérir avec des fonds empruntés, ne constitue pas une différence telle qu'elle justifie la non déductibilité des intérêts.

4. Tous les emprunts, même ceux contractés pour l'acquisition d'actifs non productifs de revenus aident à l'acquisition d'actifs productifs de revenus, par ce qu'il dégagent des fonds propres pour l'acquisition d'actifs à revenu. On ne peut plus dire que les emprunts non pas servi à l'acquisition d'actifs à revenu.

5. L'oposition à la déductibilité des intérêts du revenu imposable, réduisent les recettes de l'État et ne les augmente pas comme semble le croire le fisc. Les recettes de l'État sont fonction du revenu et de la dépense des agents économiques. Tout ce qui entrave la dépense et la création de revenus imposables comme le paiements des intérêts des emprunts et la dépense du principal, réduisent les recettes de l'État. 

6. Quel que soit l'angle à partir duquel on étudie le problème de la déductibilité, du revenu imposable, des intérêts payés sur des emprunts, on arrive à la conclusion que cette déductibilité est incontournable et que les administrations fiscales ainsi que les tribunaux, doivent se plier à cette nécessité dans l'intérêt économique de la Nation.

7. Tout contribuable serait justifié, d’un point de vue économique comme d’un point de vue juridique, de déduire de son revenu, lors de sa déclaration annuelle, non seulement les intérêts des emprunts effectués pour soi-disant gagner un revenu, mais les intérêts de tous les emprunts sans exception, que ces emprunts aient été effectués pour gagner, à première vue, un revenu ou qu’ils aient  été effectués pour, apparemment, ne pas gagner un revenu.

8. On peut même aller plus loin et dire qu’un contribuable serait, d’un point de vue économique, non seulement justifié de déduire de son revenu les intérêts payés sur ses emprunts mais, même s’il n’a pas d’emprunts mais des actifs productifs de revenus, un coût d’opportunité annuel, égal au taux d’intérêt qu’il aurait perçu si, au lieu de garder son actif il l’avait liquidé en début d’année fiscale et avait placé son argent en banque pour un an ou avait acheté des obligations gouvernementales.

Un contribuable serait justifié de déduire de son revenu tous les intérêts de tous les types de ses emprunts, pour les raisons et les motifs que nous évoquerons dans les lignes qui suivent.

II. L’INIQUITÉ DE LA DOUBLE  IMPOSITION ET SANOCIVITÉ ÉCONOMIQUE.  

Le premier motif justifiant la déductibilité des intérêts des emprunts, de tous les emprunts, effectués pour gagner ou ne pas gagner un revenu, réside dans  le principe de  l’iniquité de  la double imposition, de son aberration économique et du fléau qu ’elle constitue.

L’étude des lois fiscales, du traitement fiscal des revenus, ainsi que l’étude des conventions fiscales internationales conclues par le Canada, permettent d’affirmer que le Législateur, au Canada comme au Québec, a horreur de la double imposition.

Si le Législateur a horreur de la double imposition, on ne voit pas pourquoi, les Administrations Fiscales, soit Revenu Québec et Revenu Canada, appuyés en cela par la Cour suprême du Canada, organiseraient, de leur propre chef, une espèce de marché noir de la double imposition.

Il appartient aux Tribunaux de protéger le contribuable et de réprimer les tentatives administratives d’organiser le marché noir de la double imposition.

Il existe, du point de vue économique, 4 grands revenus :

-         le salaire, le revenu du travail ou encore le revenu du capital humain ( habiletés et connaissances ) ;

-         l’intérêt, ou encore, le loyer de l’argent, le revenu du capital monétaire ;

-         la rente, dans le sens anglais du terme, c’est à dire dans le sens qu’il a dans les affiches « For Rent » ou « A Louer »  et qui est le loyer, le revenu de la location des biens immeubles et meubles ;

-    le profit, qui est le revenu de l’entrepreneur, de celui qui combine les facteurs de production.  Les facteurs de production n’ont pas la propriété de s’agglutiner, de se combiner spontanément ensemble  pour faire des combinaisons intelligentes capables de produire des biens et des services. Ils ont besoin d'un chef d'orchestre. C'est l'entrepeneur.

Si l’on examine chacun des revenus précédents du point de vue imposition on constate ce qui suit :

-         le salaire, n’est taxé qu’une fois, entre les mains de celui qui le reçoit, le salarié. Et c’est parce que le salaire est taxé entre les mains du salarié qu’il est déductible du revenu de celui qui le paie. Si le salaire, une fois imposé entre les mains de celui qui le reçoit, n’était pas déductible du revenu de celui qui le paie, on serait en présence d’une double imposition, une première fois entre les mains de celui qui le reçoit et, une autre fois, entre  les mains de celui qui le paie. Ce serait non seulement une aberration économique mais une authentique catastrophe économique ;

-         la rente, le loyer, le revenu de la location des biens meubles et immeubles, est taxé entre les mains du propriétaire et non entre les mains du locataire. Si c’est l’entreprise qui est locataire elle pourra déduire de son revenu les dépenses de location. Dans ce cas le principe de la non double taxation est sauf. Si c’est un professionnel, avocat, notaire, arpenteur-géomètre, comptable, architecte etc. ou si c’est un petit commerçant comme épicier, boutiquier, il pourra aussi déduire de son revenu le loyer qu ’il paie, et là encore le principe de la non double taxation est sauf. Mais là où cela se gâte, c’est lorsqu’il s’agit du pauvre petit salarié. Ce dernier ne peut pas déduire de son revenu, le loyer qu’il paie au mépris du principe de la non double taxation. Pourquoi ? On ne sait au juste pourquoi. On oppose au locataire une série d’arguments dont aucun ne tient. L’argument que le loyer du salarié ne sert pas à gagner un revenu ce qui est le cas du professionnel, ne résiste pas à une analyse élémentaire et de bonne foi. L’argument que le loyer est une dépense que la salarié aurait encourue de toute façon pour gagner ou ne pas gagner un revenu est plus sérieux, mais alors on sort du domaine de la taxation du revenu pour entrer dans un autre domaine, celui de la taxation de la dépense qui est un autre système de taxation. Tant qu’on est dans un système de taxation du revenu, le principe de la non double taxation d’un revenu doit être respecté.

-         le profit est taxé entre les mains de l’entrepreneur ou de l’entreprise quand l’entrepreneur est une corporation. Un crédit d’impôt est prévu en faveur de l’actionnaire lorsque la corporation distribue les bénéfices c’est à dire le profit. Le principe de la non double taxation est sauf.

-         l’intérêt, le revenu du capital monétaire, est taxé entre les mains de celui qui le reçoit. Il est même taxé au maximum possible quand il est taxé entre les mains des institutions financières. C’est parce qu’il est taxé entre les mains de celui qui le reçoit que l’intérêt est déduit du revenu de l’entrepreneur individuel ou du revenu de l’entreprise corporative qui le paie. Le principe de la non double taxation est sauf.  Mais comme dans le cas du loyer  les ennuis pour le contribuable commencent  quand il s’agit d’un particulier. Revenu Québec et Revenu Canada opposent au particulier, par opposition à l’entrepreneur qui emprunte pour gagner un revenu, l’argument que ce n’est pas toujours pour gagner un revenu qu’il encourt des dépenses d’intérêt. Cet argument ne tient pas du tout et n’a aucune pertinence puisque nous sommes sur le terrain de la double taxation. En vertu du principe de la non double taxation, l ’intérêt payé doit être déductible du revenu de celui qui le paie, qu’il soit payé pour gagner un revenu ou qu’il soit payé pour ne pas gagner un revenu, et ce, du seul fait que l ’intérêt est taxé entre les mains de celui qui le reçoit. 

III. TOUS LES EMPRUNTS, SANS  EXCEPTION,AIDENT À INVESTIR.  

Le second motif qui justifierait le contribuable à déduire de son revenu les intérêts de ses emprunts, de tous les types de ses emprunts, c’est que les distinguos que font Revenu Québec et Revenu Canada entre :

-         les intérêts des emprunts des corporations qui sont déductibles du revenu ;

-         les intérêts des emprunts des particuliers pour gagner un revenu, qui sont déductibles du revenu ;

-         les intérêts des emprunts effectués par des particuliers pour autre chose que gagner strictement un revenu, qui ne sont pas déductibles du revenu ;

sont des distinguos qui n’ont aucun fondement économique et qui procèdent d’une mauvaise  analyse des choses. A vrai dire, tous les emprunts, sans aucune distinction, aident à faire des investissements productifs de revenus, si  l'on prend soin d  ’examiner le bilan économique du contribuable.

Un bilan économique se présente de la façon suivante :  

Bilan Économique

Ressources   

Emplois

Fonds propres  

xxxx 

Emplois productifs     

xxxx

Fonds empruntés   

xxxx 

Emplois non productifs

xxxx

Total    

xxxx  

Total     

xxxx

Il ressort nettement du bilan précédent, que chaque fois qu’un contribuable emprunte, il augmente la totalité de ses ressources. En empruntant par exemple pour l’achat d’une maison qu’il habitera ou pour l’achat d’une voiture ou même simplement pour une croisière, il dégage des fonds propres pour investir et gagner un revenu. On ne peut plus dire alors que les emprunts n’ont pas servi pour gagner un revenu.

Soit le bilan économique suivant, d’un contribuable : 

Ressources

Emplois

Fonds propres

$ 100.000

Résidence 

$ 100.000

Fonds empruntés  

$ 100.000

Actions et obligations

$ 100.000

Total  

$ 200.000   

Total      

$ 200.000

Lorsque le contribuable précédent emprunte 100.000 $ pour acheter sa résidence qui en principe ne lui donnera aucun revenu monétaire supplémentaire, il dégage des fonds propres pour acquérir des actions et des obligations. Sans l ’emprunt pour acquérir la résidence, notre contribuable n’aurait pas pu acquérir les actifs rentables composés d’actions et d’obligations.

On ne peut donc pas dire que l’emprunt pour acquérir la résidence sans revenus, n’a pas servi à acquérir les actifs à revenus.

Il est par conséquent normal de déduire les intérêts des emprunts, les intérêts de tous les emprunts, mêmes les intérêts des emprunts pour acheter une automobile ou pour faire une croisière, parce les emprunts ont servi à faire des investissements rentables avec les fonds propres.

IV. LES FONDS PROPRES COÛTENT TOUT COMME LES FONDS EMPRUNTÉS.  

Dire que seuls les fonds empruntés coûtent et que les fonds propres ne coûtent rien, c’est méconnaître un concept fondamental de la science économique et de la finance, le concept du coût d’opportunité, concept qui est à la base de la décision d’investir.

Lorsqu’un contribuable affecte 100.000 $ de ses fonds propres à l’achat d’actifs rentables comme d’ailleurs d’actifs apparemment non rentables, il encourt un coût d ’opportunité, c’est à dire qu’il perd le rendement ou l’intérêt qu’il aurait gagné en plaçant, sans risques, son argent en banque ou en achetant des obligations gouvernementales.

Il en résulte que la distinction entre :

-         d’une part, le cas où il y a investissement avec des fonds propres, sans intérêts à payer et par conséquent sans intérêts à déduire ;

-         et d’autre part, le cas où il y a investissement avec des fonds empruntés, avec   intérêts à payer et par conséquent avec des intérêts à déduire ;

est une distinction sans fondement réel.

« There is no free lunch ». Tout a un coût. La vision juridique qu’il n’y a de coûts que lorsqu’il y a contrat signé en bonne et due forme est une vision superficielle et non réaliste des choses.

Tout contribuable qui détient et entretient des actifs doit pouvoir, en toutre logique économique, déduire de son revenu le coût d’opportunité que ces actifs engendrent et qui correspondrait grosso modo au taux d’intérêt moyen des obligations gouvernementales à un an. Par exemple si au début de l’année fiscale 2000, le taux des obligations gouvernementales était de 5 %, le contribuable qui détient des actifs de 100.000 $ serait justifié de déduire de son revenu 5 000 $, représentant son coût d’opportunité tout comme le contribuable qui aurait emprunté 100 000 $ pour acheter des actifs. Le coût d’opportunité ne diffère en rien du coût juridique.

Comme on le voit,  on peut opposer facilement aux finasseries juridiques de Revenu Québec des réalités économiques incontournables.

Ici encore les tribunaux devront choisir et décider qu’est-ce qui va prédominer, les finasseries juridiques des Administrations Fiscales ou les réalités économiques invoquées par le contribuable.  

V. LA LOI SUR LES IMPÔTS, AU CANADA ET AU QUÉBEC, IGNORE LE RÔLE DU COMPTE «CASH », DANS L’ENTREPRISE, LA MÉCANIQUE DES AFFAIRES ET LA COMPTABILITÉ PERSONNELLE.  

L’article 160 de la loi sur les impôts du Québec stipule, en substance, que si un contribuable emprunte pour gagner un revenu, il peut déduire de son revenu les intérêts des emprunts.

Or, cette opération décrite par l ’article 160 n’existe tout simplement pas dans la réalité des choses.

Dans la réalité des choses, ce qui existe, c’est deux opérations distinctes l’une de l’autre. C’est d’abord l’emprunt pour augmenter le cash, et les écritures comptables sont débit banque X par le crédit de « cash ».   C’est ensuite l’achat d’actifs rentables en puisant dans son « cash », et les écritures comptables sont,  crédit actif X par le débit de « cash ».  Il n’existe pas une opération qui se traduirait par débit banque X par le crédit de actif X. Dans ce dernier cas c’est l’actif qui serait débiteur envers la banque, ce qui serait une aberration et juridique et économique.

Lorsque le contribuable emprunte d’une banque son compte auprès de cette banque, son compte « cash », est crédité du montant de l’emprunt et, lorsque le contribuable achète un actif, rentable ou non, qu’il paie par chèque, son compte « cash » est débité du montant de l’achat. La relation entre l’emprunt et le l’investissement, qu’on le veuille ou non,  disparaît  nécessairement. On ne peut plus dire que c’est l’emprunt qui a engendré l’investissement mais, ce que l’on peut dire avec preuves comptables à l'appui, c’est que c’est le « cash » qui a engendré l’investissement.

Mais qu’est-ce que le « cash » au juste ou mieux, à quoi sert le « cash » ?

Le cash c’est l’oxygène. Le cash c’est la vie. C’est avec le cash qu’une entreprise paie ses employés. C’est avec le cash qu’une entreprise paie ses fournisseurs. C’est avec le cash que l’on ferme la boîte à ses créanciers, que l’on évite l’insolvabilité et la faillite. C’est avec le cash qu’une entreprise paie des dividendes à ses actionnaires. C’est avec le cash que les entreprises et les particuliers financent leurs investissements. Bref, le cash c’est le commencement et la fin de tout. C’est même avec le cash que l’on paie ses impôts.

Il existe dans la littérature financière anglaise un axiome, « Cash - Not Profits – Is King », qui résume très bien ce que représente le cash dans la vie économique de tous les jours.

Le tableau suivant montre comment le cash est formé et alimenté et comment il est réduit et vidé.

Source : Keown, Scott, Martin, Petty, McPeak, Basic Financial Management, Prentice Hall Canada, 1997, p.635

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Même le prêt hypothécaire qui, à première vue, semble lier un prêt à un investissement, n’échappe pas en  fait à cette réalité implacable qu’il est impossible d ’attribuer un investissement à une source de financement précise.  En effet un prêt hypothécaire est formé des 3 opérations distinctes suivantes :

-         un prêt qui alimente le compte cash avec les écritures comptables  débit banque X par le crédit de cash;

-         achat d’un actif immobilier payé en puisant dans son cash avec les écritures comptables  débit cash par le crédit actif Y

-         inscription hypothécaire sur l’actif Y, mais, qui aurait bien pu être sur un autre actif, l’actif X ou Z.

Quand donc Revenu Québec ou  Revenu Canada, demandent à un contribuable, pour preuve de son emprunt pour gagner un revenu, un contrat d’emprunt avec mention dans le contrat que le prêt est accordé pour l ’achat de l’actif susceptible de donner un revenu, la preuve demandée n’en est pas une, parce que tous les emprunts du contribuable ont contribué à acquérir l’actif, avec mention ou sans mention du but de l’emprunt. Demander une telle preuve c’est faire montre d’ignorance des mécanismes de l’activité économique et du rôle que joue le cash dans ceux-ci.  

VI. LE MULTIPLICATEUR DE LA DÉPENSE ET SES EFFETS BIENFAISANTS.

Dans son excellente introduction à la macroéconomie intitulée « L’Économie globale », Élijah M. James , professeur à l’Université Concordia de Montréal, écrit, à la page 233 et aux pages suivantes, à propos du multiplicateur de la dépense, les lignes qui suivent :

« Une approche intuitive

Si une compagnie étrangère décide de s’établir au Canada et investit 100 millions de dollars en bien d’équipement pour construire son usine, cet investissement  entraînera la création de nouveaux emplois pour fabriquer ces biens. Les travailleurs embauchés  dépenseront à leur tour une partie de ce nouveau revenu pour l ’achat d’une nouvelle voiture, d’une maison, de vêtements, etc. Cela créera une demande accrue de ces biens, ce qui procurera de l’emploi à de nouveaux travailleurs, et ainsi de suite. C ’est le fameux principe des retombées économiques.

Une approche arithmétique

Reprenons notre exemple d’augmentation des dépenses d’investissement de 100 millions de dollars. Ces dernières reviendront à certains sous forme de revenu. Ainsi, le revenu global augmentera de 100 millions de dollars initialement, et les bénéficiaires de ce revenu en dépenseront une partie.

Supposons maintenant que la propension marginale à consommer de l ’économie demeure constante à 0,80 . Autrement dit, les agents économiques dépensent 80 % du nouveau revenu gagné. Donc en vertu de notre hypothèse, il y aura une seconde phase de dépenses de 80 millions de dollars ( 0,80 de 100 millions ). Ces dépenses additionnelles entraîneront une  

Tableau 12.3 – Effet multiplicateur

Dépenses ( en M $ )   

 

Revenu généré ( en M $ )

Hausse initiale des dépenses 

= 100,00  

100,00

2e phase de dépenses = ( 0,80 x 100 )  

=   80,00 

80,00

3e phase de dépenses = ( 0,80 x  80 )

=   64,00  

64,00

4e phase de dépenses = ( 0,80 x 64 )

 

 =   51,20

 

51,20

 

5e phase de dépenses = ( 0.80 x 51,20 )    

=   40,96

40,96

6e phase de dépenses = ( 0,80 x 40,96 )    

=   32,77 

32,77

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total ( ensemble des phases )      

 

500,00

autre augmentation du revenu, laquelle occasionnera des dépenses additionnelles, et ainsi de suite. Le processus est illustré au tableau précédent. Étant donné que l  ’investissement initial de 100 millions de dollars se traduit par un revenu global de 500 millions de dollars, le multiplicateur est de 5.

Remarque : Nous vous présenterons sous peu  une formule  de calcul du revenu total.

Ainsi, une augmentation des dépenses autonomes ( du revenu ) de 100 millions de dollars amène une hausse du revenu d’équilibre de 500 millions de dollars. L’ État a alors tout intérêt à encourager l’investissement de façon à profiter de l ’effet multiplicateur engendré par la hausse  des dépenses globales. Il peut augmenter ses propres dépenses pour stimuler l’économie ou aider les entreprises à la faveur de subventions ou de crédit d’impôt. On parlera alors des  retombées économiques favorables de tel ou tel projet.

La relation entre le multiplicateur, la propension marginale à consommer (PmC) et la propension marginale à épargner ( PmÉ ).

… le multiplicateur est l ’inverse de la propension marginale à épargner, soit :

Multiplicateur = 1  / Propension marginale à épargner

Étant donné que Propension marginale à consommer + Propension marginale à épargner = 1, la Propension marginale à épargner  = 1 – Propension marginale à consommer, et l’on peut exprimer le multiplicateur de la manière suivante :

Multiplicateur = 1 / ( 1 -  Propension marginale à consommer )

Par exemple, étant donné une propension marginale à consommer de 7/9, la propension marginale à épargner sera :

1 – ( 7/9) = 2/9

et le multiplicateur : 9/2 = 4,5.

Plus la propension marginale à épargner est faible, plus le multiplicateur est élevé.

Un multiplicateur plus réaliste

Jusqu’à présent, nous avons présumé que l’épargne constituait le seul retrait du flux revenu- dépenses. En réalité, comme nous l'avons vu au chapitre 11, les taxes et les importations sont aussi des retraits. Lorsque nous en tenons compte, l   ’équation du multiplicateur doit être modifiée, de sorte que l ’équation  simple ( 1 /  Propension marginale épargner ) ne tient plus. On peut qualifier la fraction du revenu additionnel allouée à l’épargne, aux taxes et aux importations de  propension marginale à retirer ( PmR ), que l’on exprime ainsi :

Propension marginale à retirer = Variation du Retrait / Variation du Revenu National

L’équation de ce multiplicateur plus réaliste, appelé   multiplicateur généralisé ou multiplicateur d ’une économie ouverte, est :

1 / Propension marginale à retirer.

Étant donné qu’une partie du revenu sera appliquée aux taxes et aux importations, le multiplicateur généralisé sera inférieur au simple multiplicateur.

Le multiplicateur du Canada

Au Canada, la propension marginale à consommer est d’environ 0,60. Puisque les importations représentent près de 30 % du Produit Intérieur Brut ( PIB ), on peut donc se servir de cette donnée pour estimer le multiplicateur généralisé. La propension marginale à retirer est alors de 0,70. Étant donné que le multiplicateur est la réciproque de la propension marginale à retirer, on peut estimer le multiplicateur du Canada ainsi :

1 / 0,70 = 1,43  

Tableau 12.4. Estimation du multiplicateur du Canada

Composante

Propension marginale à épargner 0,40

Plus :

Propension marginale à importer 0,30                    

Égalent :

Propension marginale à retirer     0,70

Multiplicateur = 1 / 0,70 = 1,43 »

( Voir Élijah M. James « L’Économie Globale », 3e édition, Beauchemin, Laval, 1996, pages 

233 à 236.)

Des propos précédenst, il ressort que  la dépense, que ce soit celle de l'État, celles des entrepreneurs ou celles des ménages, est bienfaisante. Et comme les recettes de l'État sont fonction des dépenses, la dépense des agents économiques est particulièrement bienfaisante à l'État

On peut aussi tirer des propos précédents, que l'emprunt est, par lui-même, suffisamment créateur de revenus imposables ( paiements des intérêts, dépense du principal ), qu'on ne voit pas pourquoi la déductibilité des intérêts devrait être conditionnée, en plus, à l'augmentation du revenu de l'emprunteur après l'emprunt.

Jusqu'au développement du crédit sous toutes ses formes, c'était l'épargne qui engendrait l'investissement. Aujourd'hui, grâce au crédit, c'est l'investissement qui fait  l'épargne. Quand un contribuable emprunte pour acheter une résidence, ou des appareils ménagers etc., il y a investissement d'abord, puis l'épargne suit sous forme de paiement des intérêts et de remboursement du principal. Toute mesure, comme la non déductibilité des intérêts des emprunts du revenu imposable, nuit à l'investissement et à l'épargne.  Le Législateur, au Canada, en rédigeant la loi sur l'impôt, n'a certainement pas voulu cela. Il faut donc interpréter les articles de la loi de l'impôt, relatifs à la déductibilité des intérêts, dans le sens le plus favorable à l'investissement et à l'épargne. Seule une déductibilité générale de l'intérêt de tous les emprunts du revenu imposable serait favorable à l'investissement et à l'épargne nationale et, en fin de compte, aux recettes de l'État.

 VII. DEUX CONTRIBUABLES IDENTIQUES DOIVENT PAYER LE MÊME IMPÔT.

C’est l’évidence même. Et pourtant Revenu Québec est insensible à cet argument. Soit le bilan des deux contribuables A et B suivants. 

Bilan du contribuable A

Ressources

 

Emplois

 

Fonds propres

$ 100 000

Résidence

$ 100 000

Fonds empruntés

$ 100 000

Actions et obligations

$ 100 000

Total

$ 200 000

Total 

$ 200 000

  Bilan du contribuable B

Ressources

 

Emplois

 

Fonds propres

$ 100 000

Résidence

$ 100 000

Fonds empruntés

$ 100 000

Actions et obligations

$ 100 000

Total

$ 200 000

Total

$ 200 000

Un examen attentif des deux bilans ci-dessus, montre, qu’il n’y a aucune différence  entre les deux bilans. Les deux contribuables A et B sont identiques.

Mais pour Revenu Québec ils ne sont pas nécessairement identiques. Cela dépend de la façon dont les fonds ont été utilisés.

Si le contribuable A, a  affecté ses fonds propres à l’achat de la résidence et les fonds empruntés à l’achat des actions et des obligations, il pourra déduire de son revenu, les intérêts de ses emprunts. Par contre, si le contribuable B a affecté les fonds empruntés à la résidence et les fonds propres à l’achat d’actions et d’obligations, il ne pourra pas déduire de son revenu les intérêts des emprunts. Et pourtant les deux contribuables sont fondamentalement identiques.

Autrement dit le contribuable A, avec le bilan suivant et les affectations des ressources indiquées par les caractères en italiques, en gras et en rouge, pourra déduire de son revenu les intérêts de ses emprunts, 

Contribuable A

Ressources

 

Emplois

 

Fonds propres 

$ 100 000

Résidence

$ 100 000

Fonds empruntés

$ 100 000

Actions etobligations

$ 100 000

 Contribuable B

Ressources

 

Emplois

 

Fonds propres

$ 100 000

Résidence

$ 100 000

Fonds empruntés

$ 100 000

Actions et obligations

$ 100 000

alors que le contribuable B, avec le bilan et les affectations des ressources indiquées par les caractères en italiques, en gras et en rouge,  ne pourra pas déduire de son revenu les intérêts de ses emprunts.

Pour Revenu Québec, deux juges identiques en termes financiers, ne paieront pas le même impôt, selon que l’un porte sa toge en commençant par la manche droite et que l’autre l’a porte en commençant par la manche gauche.

Pour pousser la caricature un peu plus loin, pour Revenu Québec, si deux contribuables sont identiques en termes de ressources et d’emplois, mais que l’un est gaucher et que l’autre est droitier, il y a là une différence suffisante pour que l’un paie des impôts et que l’autre ne paie pas.

Cela frise le ridicule pour ne pas dire la mauvaise foi.  

VIII. LA DÉDUCTIBILITÉ DES INRÉRÊTS, DU REVENU IMPOSABLE, AUX ETATS- UNIS.

« Interest deductibility is an area in which Canadian tax law has differed sharply from that in the United States. Mortgage interest for the purchase of up two residences is deductible in the United States up to a limit of $ 1 million.

Also deductible is interest on a home equity loan  – a loan for which the home serves as collateral and whose proceeds can be used to finance any purchases. For example, one can obtain a home equity loan and use the money to buy a car. In effect, then, the law allows home-owners to deduct interest on consumer loans, but denies this privilege to renters. However, deductible interest on home equity loans is limited to $ 100.000. Since 1986 tax reform in the United-States interest on consumer debt is not generally deductible in calculating taxable income » Voir Rosen, Boothe, Dahlby, Smith, Public Finance in Canada, McGraw-Hill, Ryerson Ltd, Toronto, !999, page 538.

Comme on le voit, la déductibilité des intérêts est, en général et aux États-Unis, plus conforme à la rationalité économique, que c'est le cas au Canada.

IX. INTÉRÊTS SUR PRÊTS HYPOTHÉCAIRES ET PRÊTS AUTO DEVIENNENT INDIRECTEMENT DÉDUCTIBLES DE L'IMPÔT AU CANADA.

François Riverin, journaliste financier, dans un article intitulé « Hypothèques et prêts auto deviennent indirectement déductibles de l'impôt »  paru dans Les Affaires du 3 novembre 2001 écrit : 

« Deux récents jugements de la Cour suprême permettent aux contribuables de convertir plus facilement des emprunts à intérêts non déductibles, comme des prêts automobiles ou des hypothèques, en emprunts à intérêts déductibles.

C'est ce que soutient Alain Kradolfer, porte parole du Groupe de fonds AIC, une société de gestion de fonds communs. « Les contribuables qui ont tiré partie de la populaire startégie d'échange de créances peuvent pousser un soupir de soulagement : leurs frais d'intérêts seront déductibles d'impôt .» 

Aic préconise, pour certains profils d'investisseurs, des stratégies de surinvestissement et d'échange de créances. Le surinvestissement consiste à emprunter pour investir et tirer profit de la déductibilité des frais d'intérêts dans un tel cas. L'échange de créances consiste à vendre des placements ( hors REER ) en vue de régler des dettes non déductibles d' impôts. Par exemple, il est préférable d'utiliser un placement de 10 000 $ qui vient à échéance pour rembourser son hypothèque et de réemprunter 10 000 $ pour investir. Les intérêts de ces derniers 10 000 $ sont déductibles, ce qui n'est pas le cas du prêt hypothécaire.

Jusqu'à récemment, le fisc avait tendance à refuser la déduction des intérêts dans un tel cas, surtout lorsque les transactions d'investissement et de consommation se faisaient plus ou moins simultanément.

Maintenent, les jugements coincent le fisc. Selon M.Kradolfer, les juges ont statué que ce qui était permis pour les personnes morales ( compagnies ) doit aussi l'être pour les contribuables.

Les deux cas sont les suivants. Dans l'affaire  Singleton,  un avocat a emprunté 300 000 $ pour contribuer au capital de son cabinet, opération qui permet normalement d'en déduire les intérêts. Ensuite, M. Singleton a retiré 300 000 $ de son cabinet en guise de retrait de capital libre d'impôts, montant qui a été utilisé pour l'achat d'une maison. Le fisc lui a refusé la déduction des intérêts en soutenent que la réaliré économique du contribuable était telle que le motif de l'emprunt était l'achat de la maison.

Selon M. Kradolfer, la Cour suprême a rejeté la notion de réaliré économique invoquée par le fisc qui ne peut plus se baser sur une série d'opérations du contribuable pour refuser la déductibilité des intérêts d'une opération en particulier.

Un autre jugement, rendu également fin septembre, va dans le même sens.  Ludco est une société qui a emprunté des fonds pour acheter des actions de compagnies ouvertes en visant une croissance du capital à long terme.

Puisque les intérêts étaient plus élevés que les revenus du placement et que la situatuion pouvait durer plusieurs années, le fisc a refusé la déduction des intérêts sous pétexte que l'investissement n'avait pas pour but de gagner un revenu.

Les juges de la Cour suprême ont rejeté les prétentions du fisc en statuant que le contribuable pouvait s'attendre de façon raisonnable à tirer un revenu de son placement à un momemt ou un autre dans le temps.

Selon M.Kradolfer, la Cour a determiné que le motif pour permettre une déduction des intérêts doit être de toucher un revenu d'un bien, et non de gagner un revenu net, c'est- à-dire un revenu après la déduction des intérêts tel que le soutenait le fisc.

Désormais, le seul risque de la stratégie d'échange de créances, c'est que le gouvernement change la loi. »

Comme on le voit, les tribunaux canadiens réalisent intuitivement et de plus en plus, l'irrationalité de la non déductibilité des intérêts du revenu imposable.

X. LE RÉGIME DE LA DÉCLARATION DE REVENU PAR LE CONTRIBUABLE ET DE L’AUTO-COTISATION.

Nous vivons au Canada sous le régime de la déclaration de revenu par le contribuable et de l’autocotisation.

Cela signifie que, non seulement c’est le contribuable qui déclare son ou ses revenus, mais encore qu’il fait cette déclaration en fonction de ses connaissances, de ses convictions et de ce qu’il pense être l’intérêt général de la société à laquelle il appartient en tant que citoyen.

Il n’y a pas que le ministre des finances ou les fonctionnaires de Revenu Québec qui sachent ou est l’intérêt général. Le contribuable peut aussi et doit avoir une idée de cet intérêt général.

Sans doute nul n’est censé ignorer la loi. Encore faut-il que la loi soit claire. On ne peut pas demander à un contribuable moyen de connaître la loi de l’impôt et les 2000 pages des bulletins d’interprétation, des circulaires d’information et des décisions anticipées qui accompagnent cette loi. À l’impossible nul n’est tenu.

De ce que nous venons de dire, il découle qu’un contribuable, s’il est convaincu que les intérêts qu’il a payé sur ses emprunts, au cours d ’une année fiscale, sont déductibles, notamment pour les motifs indiqués dans la présente étude, peut le faire en toute conscience.

Il appartiendra, à notre avis, au tribunaux de statuer dans le sens de la rationalité économique, en cas de contestation de la part de Revenu Québec ou de Revenu Canada.

XI. LES LOIS S’INTERPRÈTENT.

La question concrète qui se pose maintenant est de savoir que doit faire le juge lorsqu’il est en présence :

-    d’un coté, d’un contribuable qui déduit de son revenu le loyer de son logement et les intérêts de ses emprunts au nom de l’iniquité de la double imposition 

-      de l’autre côté, d’une Administration fiscale qui conteste la déduction en vertu d’une série d’arguments qui n’ont rien à voir avec celui de l’iniquité de la double imposition, de son aberration économique et du mal qu’elle cause à l’économie nationale.

Un juge, doit avoir présent à l’esprit avant de prendre une décision ou de disposer de l’argument du contribuable les considérations suivantes :

-         ce sont les bureaucrates du gouvernement qui rédigent les lois, de plus en plus mal  et des députés, qui votent les lois, de plus en plus machinalement. Les Lois n’ont rien de sacré. Dès qu’elles sont votées et deviennent exécutoires elles se figent, vieillissent, alors que la vie continue et évolue ;

-         au dessus des lois écrites par l’homme il y a les lois de la Physique, de la Chimie, des Mathématiques, de l’Économie  etc., que le juge doit respecter encore plus. Si les Sciences Économiques disent que la double imposition est nocive pour l’économie nationale,  le juge ne peut l’ignorer ;

-         les gardiens de l’intérêt public ce ne sont pas seulement les fonctionnaires du gouvernement, ni Revenu Québec, ni Revenu Canada, mais aussi chaque contribuable et chaque magistrat. La double imposition est contraire à l’intérêt national. Chaque personne consciente de cet intérêt national doit combattre la double imposition dans la mesure de ses moyens ;

-         les lois s’interprètent;

-    tout juge qui a de sa fonction une haute considération doit constamment se rappeler la  harangue du brillant et expérimenté juge français, Oswald Baudot, à des magistrats qui débutent et que nous citons intégralement :

« Vous voilà installés et chapitrés. Permettez-moi de vous haranguer à mon tour, afin de corriger quelques unes des choses qui vous ont été dites et de vous faire entendre d' inédites.

En entrant dans la magistrature, vous êtes devenus des fonctionnaires d' un rang modeste. Gardez-vous de vous griser de l’honneur, feint ou réel, qu’on vous témoigne. Ne vous haussez pas du col. Ne vous gargarisez pas des mots de « troisième pouvoir », de « peuple français », de « gardien des libertés publiques »,etc. On vous a dotés d  ’ un pouvoir médiocre : celui de mettre en prison. On ne vous le donne que parce qu ’il est généralement inoffensif. Quand vous infligerez cinq ans de prison au voleur de bicyclette, vous ne dérangez personne. Evitez d' abuser de ce pouvoir.

Ne croyez pas que vous serez d’autant plus considérables que vous serez terribles. Ne croyez pas que vous allez, nouveaux saints Georges, vaincre l ’hydre de la délinquance par une répression impitoyable. Si la répression était efficace, il y a longtemps qu  ’elle aurait réussi. Si elle est inutile, comme je crois, n  ’entreprenez pas de faire carrière en vous payant la tête des autres. Ne comptez pas la prison par années, ni par mois, mais par minutes et par secondes, tout comme si vous deviez la subir vous-mêmes.

Il est vrai que vous entrez dans une profession où l'on vous demandera souvent d'avoir du caractère mais où l'on entend seulement par là que vous soyez impitoyables aux misérables. Lâches envers leurs supérieurs, intransigeants envers leurs inférieurs, telle est l  ’ordinaire conduite des hommes. Tachez d’éviter cet écueil. On rend la justice impunément : n 'en abusez pas.

Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d   ’être plus sages que la cour de cassation, si l ’occasion s’en présente. La justice n’est pas une vérité arrêtée en 1810. C’est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N ’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition.

La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu ’elle dise. Sans changer un iota, on peut, avec les plus solides « attendus » du monde, donner raison à l  ’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi.

D’ailleurs vous constaterez qu’au rebours des principes qu’elle affiche, la justice applique extensivement les lois répressives et restrictivement les lois libérales. Agissez tout au contraire. Respectez la règle du jeu lorsqu ’elle vous bride. Soyez beaux joueurs, soyez généreux : ce sera une nouveauté !

Ne vous contentez pas de faire votre métier. Vous verrez vite que pour être un peu   utile, vous devez sortir des sentiers battus. Tout ce que vous ferez de bien, vous le ferez en plus. Qu’on le veuille ou non, vous avez un rôle social à jouer. Vous êtes des assistantes sociales. Vous ne décidez pas que sur le papier. Vous tranchez dans le vif. Ne fermez pas vos cœurs à la souffrance ni vos oreilles aux cris.

Ne soyez pas de ces juges soliveaux qui attendent que viennent à eux les petits procès. Ne soyez pas des arbitres indifférents au-dessus de la mêlée. Que votre porte soit ouverte à tous. Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité, ou que de cultiver cette orchidée, la science juridique.

Ne soyez pas victime de vos préjugés de classe, religieux, politiques ou moraux. Ne croyez pas que la société soit intangible, l ’inégalité et l ’injustice inévitables, la raison et la volonté humaine incapables d'y rien changer.

Ne croyez pas qu’un homme soit coupable d’être ce qu’il est ni qu’il ne dépende que de lui d’être autrement. Autrement dit, ne le jugez pas. Ne condamnez pas l ’alcoolique. L’alcoolisme, que la médecine ne sait pas guérir, n ’est pas une excuse légale mais c’est une circonstance atténuante. Parce que vous êtes instruits, ne méprisez pas l  ’illettré. Ne jetez pas la pierre à la paresse, vous qui ne travaillez pas de vos mains. Soyez indulgents au reste des hommes. N’ajoutez pas à leurs souffrances. Ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances.

Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l ’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l ’ouvrier contre le patron, pour l ’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.

Ayez un dernier mérite : pardonnez ce sermon sur la montagne à

Votre collègue dévoué »

Nous pensons que chaque juge, qui a de sa fonctions une haute opinion, devrait faire sien le credo de l'éminent juge Baudot.

En conclusion, nous soutenons la logique suivante. Lorsque dans une société on constate qu’une chose est nuisible, que c’est un fléau, tout le monde doit combattre le fléau. Une fois que l’on sait que la fièvre aphteuse est une calamité, un fléau, tout le monde doit combattre ce fléau, chacun selon ses moyens. C’est ce que le gouvernement fédérale invite à faire, dans ses annonces publicitaires, dans les journaux du samedi 7 avril 2001 par exemple. « Nous avons besoin de votre aide, déclarent ces annonces, pour que le Canada demeure exempt de la fièvre aphteuse »

La double taxation est un fléau pire encore que la fièvre aphteuse en ce sens que, s’il est moins visible, il n’est que plus nocif à long terme pour l’économie nationale. 

Une fois que l’on sait que la double taxation est une calamité nationale , tout le monde doit la combattre, le législateur tout comme les administrations fiscales, le contribuable ou la magistrature, chacun selon les moyens dont il dispose. Quand Revenu Québec ou Revenu Canada ne participent pas à la lutte contre la double taxation, elles travaillent carrément contre l’intérêt national. Tout comme il serait complètement fou de ne pas lutter contre la fièvre aphteuse par ce que la loi ou la jurisprudence l ’interdit, il serait également complètement fou de ne pas lutter contre la double taxation parce que la loi ou la jurisprudence l’interdit.

XII. LES TRIBUNAUX CANADIENS ET LA  DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS.

Nous avons procédé à une recherche, sur internet, sur la déductibilité des intérêts.

L’excellent site géré par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada  ( www.canlii.org/recherche.html ) nous a servi sept jugements. Ces jugements sont ceux des honorables juges suivants :

-         A.A. Sarchuk, J.C.C.I. dans la cause R. c. C.R.B. Logging Co. Ltd du 19 février 1999.

-         P.R. Dussault, J.C.C.I. dans la cause R. c. Audet du 11 février 1999.

-         Gordon Teskey, J.C.C.I. dans la cause Lewisporte Holdings Limited c. La Reine, du 23 septembre 1998.

-         T.P. O’Connor, J.C.C.I. dans l’affaire Sybron Canada Limited c. La Reine du 4 juin 1999

-         D.G.H. Bowman, J.C.C.I. dans l’affaire Gagnon c. La Reine du 22 octobre 1999.

-         D.E. Taylor, J.S.C.C.I. dans l’affaire Cascone c. La Reine, du 12 novembre 1999.

-         D.W. Beaubier, J.C.C.I. dans l’affaire Danserau c. La Reine, du 19 novembre 1999.

En étudiant et en analysant tous ces jugements nous avons constaté que les juges précédents  accordent au jugement du juge en chef de la Cour Suprême, le juge Dickson, dans l’affaire Sa Majesté La Reine c. Phyllis Barbara  Bronfman Trust, de 1987, une grande importance et paraissent s’y soumettre avec beaucoup de conviction, pour ne pas dire, avec beaucoup de servilité.

L’indépendance de la magistrature, c’est sans doute l’indépendance vis à vis le pouvoir politique, c’est sans doute l’indépendance vis à vis Revenu Canada ou Revenu Québec, c’est l’indépendance vis à vis le pouvoir de l’argent, mais c’est aussi l’indépendance vis à vis le pouvoir judiciaire, en particulier vis à vis les arrêts de la Cour Suprême.

Un jugement vaut par la qualité de son analyse et non par la qualité du ou des juges qui l’ont rendu, même quand il a été rédigé par le juge en chef et approuvé par les autres juges de la Cour Suprême.

Comme l'arrêt du juge Dickson semble être la base de tous les autres jugements en matière de déductibilité des intérêts c’est sur ce jugement que nous allons nous concentrer. Nous allons montrer qu’il est farcie d’erreurs et qu’il fait montre d’une telle méconnaissance des mécanismes de la vie économique et des pratiques et principes financiers qu’il remet en cause, non pas nécessairement le mode de nominations des juges de la Cour Suprême, mais certainement leur mode de formation et suggère la nécessité de créer une École Supérieure de la Magistrature.  

XIII. ANALYSE CRITIQUE DE L’ARRÊT DU JUGE EN CHEF DICKSON, DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA, DANS L’AFFAIRE BRONFMAN TRUST c. LA REINE, DE 1987.

Dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine, les administrateurs de la fiducie ont emprunté de l’argent pour se donner les moyens de verser à la bénéficaire de la fiducie un certain montant d’argent, au lieu de liquider des actifs. Revenu Canada s’est opposé à la déduction des intérêts de l’emprunt, du revenu de la fiducie. L’affaire a abouti devant la Cour Suprême qui a donné raison, à tort à notre avis, à Revenu Canada.

1. Au paragraphe 1 de son arrêt de 1987, le juge Dickson écrit :

«Dans le calcul de son revenu pour une année d ’imposition, un contribuable peut déduire l’intérêt payé sur de l’argent emprunté et « utilisé en vue de tirer un revenu d ’entreprise ou d’un bien ». En l’espèce, les fiduciaires ont choisi, comme ils en avaient le pouvoir de faire des prélèvements sur le capital de la fiducie pour les verser à Phyllis Barbara Bronfman en 1969 et 1970. Au lieu de liquider des biens immobilisés pour effectuer ces versements les fiduciaires ont jugé avantageux de conserver temporairement les placements de la fiducie et de financer les versements en contractant des emprunts auprès d’une banque »

Ce premier paragraphe du jugement appelle les commentaires suivants :

i) Dès le premier paragraphe de son jugement le juge Dickson fait montre d’une méconnaissance totale des mécanismes financiers.

ii) On ne prélève pas sur le capital pour faire des versements. On puise dans l’encaisse, dans le compte cash, pour faire des versements.

iii) On ne liquide pas des biens immobilisés pour effectuer des versements. On liquide des actifs pour alimenter le compte cash.

iv) On ne finance pas des versements en contractant des emprunts. On emprunte pour alimenter le compte cash. On puise ensuite dans le compte cash pour faire des paiements.

2. Au paragraphe 2 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« La question est de savoir si l'intérêt que la fiducie a payé sur ces emprunts est déductible aux fins de l’impôt sur le revenu; plus particulièrement, l’intérêt ne peut-il être déduit que lorsque l’emprunt est utilisé « directement »pour produire un revenu ou y a-t-il également lieu à déduction lorsque, bien que son utilisation directe puisse ne pas produire de revenu, il est possible de considérer l’emprunt comme un moyen de conservation  de biens productifs de revenu qui auraient pu sans cela être liquidés. Un aspect subsidiaire est de savoir si la réponse à cette question dépend de la situation du contribuable en tant que société, fiducie ou personne physique ».

Commentaires.

i) Le juge Dickson commet ici une erreur qui sera fatale à tout le reste de son jugement.

ii) En effet, avant de permettre ou d’interdire l’usage du tabac, il faut d’abord savoir si la fumée de tabac est nocive ou non pour la santé. Et ce n’est ni la loi, ni la jurisprudence, ni la doctrine qui va permettre de savoir cela, mais la science en général et la science médicale en particulier.

iii) Avant donc de chercher à savoir s’il faut permettre ou non la déductibilité des intérêts, il faut avoir une idée très précise de ce qu’est l’intérêt et ici encore ce n’est ni la loi, ni la jurisprudence, ni la doctrine qui va permettre de le savoir, mais la science économique.

iv) Avant de se demander si l’intérêt est déductible, le juge Dickson aurait dû se demander c'est quoi, au juste, l'intérêt ?

v) Pour la science économique et non pour le créancier ou l ’usurier, l’intérêt est un des quatre grands revenus dont bénéficie une économie.

Il existe quatre grands revenus dans une économie, chacun d’eux venant rétribuer le travail ou le service rendu par les quatre grands facteurs de production.

Il y a le salaire qui est le revenu du facteur de production travail ou encore le revenu du capital humain ( habiletés, connaissances ).

Il y a la rente, le loyer, le revenu de  la location de biens mobiliers et immobiliers.

Il y a l’intérêt ou encore le loyer de l’argent, qui est le revenu  du capital monétaire.

Il y a enfin le profit, qui est le revenu de l’entrepreneur, c’est à dire le revenu de la personne ou de l’équipe de personnes intelligentes, qui combinent les autres facteurs de production, parce que les autres facteurs de production ( ouvriers, machines, terre ) n ’ont pas la propriété de s’agglutiner, de se combiner ensemble, spontanément, pour créer des biens et services. C’est ce qui reste au chef d’entreprise après avoir payé les autres facteurs de production y compris son salaire en tant que travailleur de l ’entreprise.

vi) Tous ces revenus, ( salaire, rente, intérêt, profit ) sont taxés, généralement entre les mains de ceux qui les perçoivent et sont déduits du revenu de ceux qui les paient.

vii) L’intérêt, le loyer de l’argent, est un revenu taxé entre les mains du créancier, généralement une institution financière, et il est même taxé au taux maximum de l’impôt sur les sociétés.

viii) En taxant l’intérêt entre les mains de celui qui le perçoit, les administrations fiscales, en particulier Revenu Canada, prennent la juste part qui leur revient.

  ix) Mais quand Revenu Canada conteste à un contribuable la déduction des intérêts qu’il a payé sur ses emprunts, cette administration tente d’imposer une seconde fois le même revenu, entre les mains de celui qui l'a payé.

x) Le juge Dickson avait donc à trancher entre deux parties :  

-         d’une part, Revenu Canada, qui cherche plus que la part qui lui revient  dans le revenu que constitue l’intérêt, qui cherche l’indu, en taxant deux fois l’intérêt, une fois entre les mains du créancier, de celui qui le reçoit et une seconde fois entre les mains de celui qui le paie, opération nocive et contraire au bon fonctionnement de l’économie nationale.

-         et d’autre part, une contribuable, une fiducie, qui, pour des motifs de bonne gestion, a emprunté de l’argent pour alimenter son encaisse de fonds disponibles, pour, par la suite, pouvoir distribuer un revenu à la bénéficiaire de la fiducie, revenu qui sera lui aussi taxable entre ses mains et qui, en payant des intérêts sur ses emprunts, se trouve distribuer encore un revenu taxable entre les mains du créancier.

xi) Face à cette situation, et sans aller plus loin, le juge Dickson avait déjà suffisamment de motifs pour débouter Revenu Canada au profit de la fiducie et, au delà de la fiducie, au profit de l’économie nationale, c’est à dire au profit de tout le monde même et y compris le gouvernement, dont les intérêts ont été mal défendu par Revenu Canada.

3. Au paragraphe 3 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Par un acte de donation enregistré  à Montréal le 7 mai 1942, feu Samuel Bronfman a constitué une fiducie au bénéfice de sa fille, Phyllis Barbara Bronfman (« la bénéficiaire» ) et ses enfants. Aux termes de cet acte, la bénéficiaire a droit à 50 p.100 des revenus de la fiducie. De plus, les fiduciaires sont habilités, « dans l  ’exercice de leur pouvoir discrétionnaire exclusif et illimité », à verser à la bénéficiaire une somme prélevée sur le capital de la fiducie s’ ils le jugent « souhaitable pour quelque but que ce soit ». La bénéficiaire n’a pas d’enfants et, dans l’hypothèse où elle mourrait sans postérité, les avoirs restants seraient affectés au bénéfice de ses frères et sœurs. »

Commentaires

i) Dans ce paragraphe 3, le juge Dickson paraît ne pas se représenter correctement les mécanismes financiers.

ii) En effet, sauf dans le cas d’un paiement en nature, on ne prélève rien du capital de la fiducie. Pour faire un paiement on prélève soit de l’encaisse c’est à dire des avoirs liquides, soit on procède à la liquidation des actifs non liquides c’est à dire qu’on les vends pour alimenter l’encaisse en fonds liquides et faire par la suite un paiement.

4. Au paragraphe 4 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« L’actif de la fiducie se compose de titres en portefeuille dont le prix de base dépasse les 15 000 000 $. À la fin de 1969, la valeur marchande de l ’actif de la fiducie se situait à environ 70 000 000 $. Mis à part une sculpture de Rodin, les avoirs de la fiducie à l’époque en cause consistaient en des obligations et des actions, biens qu  ’on peut d’une manière générale qualifier de productifs de revenu. Je dois toutefois ajouter que le rendement du portefeuille de la fiducie était faible : en 1969, 1970 et 1971 les revenus se chiffraient à 325 469 $, 293 178 $ et 213 588 $ respectivement, soit d ’un demi d’un pour cent de la valeur marchande du portefeuille. Certains placements de la fiducie, quoique pouvant produire des revenus à long terme, n ’ont en réalité rien rapporté au cours de la période pertinente. Les états financiers de la fiducie révèlent, par exemple, que ses actions privilégiées de deuxième classe de Cemp Investments Ltd.( une société fermée familiale ), dont le prix de base était de 3 300 000 $, n ’ont produit aucun revenu en 1969, 1970 et 1971. Les politiques de placement de la fiducie paraissent avoir été axées plutôt sur le gain en capital que sur le revenu. Par conséquent, l ’impôt sur le revenu frappant l’actif très important de la fiducie demeurait modeste : d ’après les déclarations d ’impôt sur le revenu que la contribuable a produites pour les années 1970 et 1971, l  ’impôt fédéral exigible se chiffrait à 12 107,99 $ et 15 687,98 $ respectivement, et en 1972 ( quand les gains en capital qui ont été réalisés étaient, pour la première fois, imposables ) l'impôt fédéral revenait à 31 878 $.

Ce paragraphe 4 appelle les commentaires suivants :

i) Le juge Dickson ne sait pas calculer le rendement d’un portefeuille.

ii) Il existe une formule pour calculer le rendement d’un portefeuille, que l’on trouve dans n’importe quel livre traitant de la gestion des investissements. La formule est la suivante :

Rp           = (MV1 – MV0 + D) / MV0 

ou, Rp    = le rendement du portefeuille.

MV1      = la valeur marchande du portefeuille à la fin de la période d’évaluation .

MV0      = la valeur marchande du portefeuille au début de la période d’évaluation.  

D            = les encaissements comptants en argent par le titulaire du portefeuille au cours de la période d’évaluation  

iii) Si nous appliquons cette formule avec les valeurs marchandes  mentionnées dans le paragraphe 4, nous obtenons le résultat suivant :

  Rp          = ( 70 000 000 $  -  15 000 000 $  +  D ) /  15 000 000 $ =  367 %  

iv) Comme la fondation a été constituée en 1942 et que la période d’évaluation s’arrête en 1969, le nombre d’années de la période d’évaluation est de 1960 – 1942 = 27 années.

v) Si l’on divise par 27 le rendement du portefeuille de 367 %, on obtient pour rendement annuel moyen  367 / 27 = 13,59 % par an.

vi) Comme on peut le constater le chiffre de 13,59 % est très supérieur au ½ % calculé par le juge Dickson .

vii) De plus, nous n’avons pas tenu compte des dividendes encaissés au cours de la période d’évaluation qui s’échelonne de 1942 à 1967,  parce que nous n'en connaissons pas les montants et que le juge Dickson ne les mentionne pas dans le texte de son arrêt. Tout ce que nous savons, parce que le jugement les mentionne, ce sont les dividendes des années 1969, 1970 et 1971 et qui ont été de :

324 469 $ en 1969;

293 178 $ en 1970;

213 588 $ en 1971.

Si nous avions ajouté les dividendes encaissés de 1942 à 1969, le rendement du portefeuille de la fiducie Bronfman aurait été très supérieur au taux de 13,59 % que nous avons calculé en utilisant les règles de l’art en la matière, et donc beaucoup plus élevé encore que le taux de ½ % calculé par le juge Dickson.

5. Au paragraphe 5 de son jugement le juge Dickson écrit :

« Le faible rendement du portefeuille de la fiducie pésentait certainement des inconvénients pour la bénéficiaire du point de vue du montant qu ’elle pouvait tirer en vertu de son droit à 50 p.100 des revenus provenent de la fiducie. Peut-être pour atténuer ces inconvénients, ou peut-être pour une raison tout à fait différente, les fiduciaires ont choisi de verser à la bénéficiaire des sommes pélevées sur le capital, soit 500 000 $  US  le 29 décembre 1969 et  2 000 000 $  CAN le 4 mars 1970. La fiducie ne prétend pas que ces pélèvements visaient de quelque manière à améliorer le taux de rentabilité de la fiducie. Au contraire, la conséquence inévitable était la diminution de sa rentabilité, aussi bien pour le court terme que pour le long terme, en raison de la réduction de son capital. »

Dans ce paragraphe 5  le juge Dickson tient des propos incohérents et difficiles à suivre.

Retraçons les opérations qu’ont dû effectuer les gestionnaires de la fiducie.

Ils souhaitaient, en décembre 1969 et en mars 1 970, faire des versements en argent de 500 000 $ US et de 2 000 000 $ CAN à la bénéficiaire. Pour cela :

 

i) ils ont vendu des actifs dont on ignore le coût d'acquisition parce que le juge Dickson ne s'interesse pas à la chose, pour une valeur marchande de 500 000 $  US et 2 000 000 $ Can.

ii) le compte Actif, évalué au prix du marché, a été réduit de 500 000 $ US et de 2 000 000 $ CAN.

iii) puis en puisant dans le compte CAISSE,  les gestionnaires ont versé à la bénéficiaire 500 000 $ US et  2000 000 $ CAN.

iv) en agissant de la sorte, ils ( les gestionnaires ) n’ont réduit l’actif de la fiducie, évalué au prix du marché, à 170 000 000 $, que  de 3,57 %.

v) à partir de là on ne peut tirer aucune conclusion et surtout pas la conclusion qu’en tire le juge Dickson à savoir « que la conséquence inévitable était la diminution de sa rentabilité aussi bien pour le court terme que pour le long terme, en raison de la réduction de son capital ».

vi) la rentabilité d’un portefeuille dépend sans doute du montant du portefeuille mais aussi du taux de rendement. Une baisse du volume du capital peut-être compensée par une hausse du taux de rendement.

vii) Enfin, dernière remarque, selon les « principes comptables généralement  acceptés », les actifs sont inscrits au bilan au coût d'achat et non au prix du marché. Tant qu'un actif n'a pas été réalisé, la valeur au prix du marché reste une valeur hypothétique.

6. Au ¶ 6 de son jugement le juge Dickson écrit :

« Pour financer les prélèvements sur le capital, la fiducie a emprunté à la Banque de Montréal le 29 décembre 1969 la somme de 300 000 $ US et, le 9 mars 1970, la somme de 1 900 000 $ CAN. Versées dans le compte de la fiducie, les sommes empruntées ont été utilisées pour payer à la bénéficiaire les montants prélevés sur le capital. La fiducie est allée chercher dans les revenus non placés les 300 000 $ environ qui restaient à remettre à la bénéficiaire. Il n ’y a aucune contestation concernent l ’usage immédiat et direct qu’on a fait des fonds empruntés. On s’en est servi pour payer à la bénéficiaire les montants prélevés sur le capital et non pour acheter des biens productifs de revenu ».

Dans ce paragrahe 6, le juge Dickson nous paraît complètement embrouillé.

i) Pour payer quelque chose à la bénéficiaire il faut puiser dans le compte CAISSE.

ii) Pour alimenter le compte CAISSE ( le compte « cash ) la fiducie pouvait ou vendre des actifs ou emprunter à la banque.

iii) Le compte CAISSE est un réservoir alimenté par plusieurs sourcesde fonds. Lorsque l ’on puise dans le compte cash pour faire un paiement on ne peut attribuer à une source précise le paiement.

iv) Lorsque le juge Dickson écrit : « Pour financer les prélèvements sur le capital la fiducie a emprunté à la Banque de Montréal la somme de …………..», il décrit une opération incompréhensible et inexistante dans la pratique des affaires.

v) Il est impossible de payer à quelqu’un un montant quelconque, 100 000 $ par exemple, en vendant des actifs pour 100 000 $ et en même temps en empruntant à la banque 100 000 $. C’est ou l’une ou l’autre opération et non les deux en même temps.

7. Au ¶ 7 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« En première instance, l’unique témoin cité fut M.Arnold Ludwick, comptable, vice-président et directeur de Cemp Investments et de Claridge Investemnts. Claridge Investments gérait les affaires commerciales de la fiducie-contribuable, sous réserve évidemment du droit de décision ultime des fiduciaires. Le témoignage de M. Ludwick porte sur les motifs des emprunts . Il a témoigné que, mis à part différentes contraintes auxquelles était soumise la négociabilité d ’une partie des placements de la fiducie 

[TRADUCTION] « il aurait certainement été possible de liquider des placements d  ’une manière ordonnée » pour financer les prélèvements sur le capital. Les fonds ont été empruntés parce qu’il aurait été inopportun du point de vue commercial de se départir ainsi d’éléments d’actif. Comme l’a dit M. Ludwick :

[TRADUCTION]…le raisonnement sur  lequel je me suis fondé alors [en 1969] vaut encore aujourd’hui, c’est à dire que le moment précis de la vente de placements doit être fonction de la nature du placement et non pas d ’un besoin immédiat d’argent comptant qui peut se faire sentir à un moment donné, qu’il s’agit essentiellement de gérer l ’actif indépendamment du passif et du capital.

Au surplus, la plupart des placements n ’étaient pas facilement réalisables à l ’époque, en partie à cause des contraintes imposées par la loi sur les valeurs mobilières et en partie aussi à cause de la baisse de la valeur des titres négociables que détenait la fiducie. Les fiduciaires ont donc estimé que ce n ’était pas le moment de les vendre; il leur paraissait plus avantageux de conserver les titres en question et d ’ emprunter à la banque.

Ce paragraphe appelle les commentaires suivants :

i) Les termes « financer des prélèvements sur le capital  » utilisé par le juge Dickson sont totalement  incompréhensibles. On finance un paiement :

-  soit par liquidation d’actifs entrant dans la composition du capital;

-  soit en empruntant.

Financer un financement, financer une liquidation d’actifs, est une opération qui n’éxiste pas.

ii) Ce qui importe au Gouvernement c’est que l’on ait des actifs rentables productifs de revenus imposables. Pour détenir et posséder, à un moment donné, des actifs susceptibles de produire des revenus imposables :

- ou on emprunte pour les acquérir;

- ou on les détient déjà (les actifs) et l’on emprunte pour ne pas les vendre.

Si un contribuable emprunte pour acquérir des actifs susceptibles de produire des revenus imposables, la loi de l’impôt l’autorise à déduire de son revenu les intérêts des emprunts. Si un contribuable emprunte pour ne pas vendre des actifs susceptibles de produire des revenus imposables il semble que, pour Revenu Canada, il n’a pas le droit de déduire de son revenu les intérêts de ses emprunts.

Le juge Dickson n’a pas perçu ici ni l’irrationalité, ni l’arbitraire, de la position de Revenu Canada.

8. Au ¶ 8 du jugement de la Cour Suprême du Canada dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine, du 29Janvier 1987, le juge en chef Dickson écrit :

« La preuve n’établit pas avec certitude les montants exacts des remboursements à valoir sur les emprunts ni leurs dates, mais il est clair que dès 1972 les dettes avaient été acquittées intégralement. En 1970, la fiducie a tiré 1 9666 284 $ et en 1972, 1 026 198 $, de la vente d’actions de Gulf Oil Canada Ltd. Une partie du produit de ces ventes a été utilisée pour rembourser les emprunts bancaires. Les emprunts ont donc différé, sans pourtant la supprimer, la necessité de réduire tôt ou tard les immobilisations de la fiducie. En attendant, des intérêts de 110 114 $ en 1970, de 9 802 $ en 1971 et de 1432 $ en 1972 ont été payés sur les dettes contractées auprès de la Banque de Montréal. C’est la déduction des intérêts ainsi payés du revenu de la fiducie qui est contestée en l’espèce ».

Commentaires :

i) Dans ce paragraphe , le juge Dickson, semble ne pas réaliser que, lorsque la fiducie a payé des intérêts s’élevant à 110 114 $ en 1970, à 9 802 $ en 1971 et à 1 432 $ en 1972, elle a distribué des revenus imposables entre les mains du créancier, la Banque de Montréal. Revenu Canada a donc perçu la part légitime qui lui revient dans la création de ce revenu par la fiducie. En contestant la déduction des intérêts, Revenu Canada cherche à imposer une seconde fois les intérêts, cette fois-ci entre les mains de celui qui les a payés. On est donc en présence d’une double imposition d’un revenu ( les intérêts ) une fois entre les mains de celui qui le reçoit et une seconde fois entre les mains de celui qui le paie et le crée.

Le Juge Dickson après avoir relevé le fait que l’on est en présence d’une double imposition, ce qu’il n’a pas fait, aurait dû se demander si une double imposition est justifiée et si elle est équitable et surtout si elle est dans l'intérêt économique du pays.

 

ii) L’impôt est considéré par la Science Économique  comme une fuite qui réduit le multiplicateur de la dépense. La science économique considère la dépense ( paiement des intérêts, paiement à la bénéficiaire de la fiducie ) comme un acte bienfaisant, qui engendre non seulement un revenu ( imposable ) entre les mains du bénéficiaire de la dépense initiale, mais encore une série de revenus (toujours en principe imposables ) dont la somme est un multiple de la dépense initiale, c’est à dire un montant égal à plusieurs fois le montant de la dépense initiale. Les économistes appelle ce phénomène « le multiplicateur de la dépense  »( Voir section VI page 10 de la présente étude ).

Un étudiant de première année, non pas en Sciences Économiques, mais simplement en Administration, est censé savoir cela, parce qu’on le lui enseigne. Est-ce qu’un juge ne devrait pas le savoir? Est-ce qu’un juge à la Cour Suprême du Canada ne devrait pas le savoir? Est-ce que le Juge en Chef de la Cour Suprême du Canada, en l’occurrence le Juge en chef Dickson, n’aurait pas dû le savoir ? 

Si le juge Dickson avait eu ces connaissances élémentaires, il aurait vite saisi, ce qu’il y a d’odieux et de nuisible pour l’économie, dans la démarche de Revenu Canada.

Passer de la Loi, à la Jurisprudence, puis de la Jurisprudence à la Doctrine, c’est bien mais, comme on le voit, c'est, carrément, insuffisant.

9. Au 9 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« La fiducie fait valoir que, même à supposer que les emprunts aient été affectés au paiement des prélèvements sur le capital, ils ont été utilisés aussi en vue de tirer un revenu d’un bien en ce sens qu’ils ont permis à la fiducie de conserver des placements productifs de revenu afin qu’on puisse en disposer au moment propice. La fiducie soutient que les opérations en cause ont abouti au même résultat que celui qui aurait été obtenu si les fiduciaires avaient vendu des éléments d ’actif afin d’effectuer les prélèvements sur le capital et avaient ensuite emprunté de l ’argent pour les remplacer, auquel cas, prétend-on, l’intérêt aurait été déductible. Sa Majesté, par contre, affirme que les fonds empruntés ont été utilisés pour effectuer les versements à la bénéficiaire, que les montants d’intérêt réclamés à titre de déductions ne constituent pas des intérêts sur de l  ’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d ’une entreprise ou d’un bien et qu’en conséquence ils ne sont pas déductibles » .

Dans ce paragraphe le juge Dickson imagine très mal la succession des opérations.

i) D’abord on emprunte pour alimenter et garnir le compte « Caisse » .

ii) Ensuite on puise dans le compte « Caisse » pour faire des paiements.

iii) Le compte « Caisse » peut-être alimenté par un grand nombre de sources de fonds, dont l’emprunt.

iv) Le compte « Caisse » est un réservoir dans lequel  s’accumule de l’argent et dans le quel l’argent d’une source se mélange à l’argent d’une autre source.

v) Il est impossible d’attribuer, objectivement, à une source précise de fonds, un paiement précis, comme il est impossible d’attribuer à un fleuve précis, qui se jette dans la mer, une quantité d’eau puisée dans la mer.

vi) Sa Majesté et le juge Dickson vont s’accrocher à cette histoire « d’utilisation des fonds empruntés » sans se rendre compte, du fait d’une méconnaissance des mécanismes d’une opération d’emprunt, que cette position est totalement indéfendable.

10 . Au 10 et au 11 de son arrêt le juge Dickson cite les textes législatifs qu’il aura à appliquer, mais qu’il aura aussi à interpréter, ce qu’il ne fera pas ou fera mal.

Au 10 le Juge Dickson écrit :

« Pour les années d’imposition 1970 et 1971 les dispositions législatives pertinentes sont l’al. 12(1)a) et le sous-al. 11(1)c)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148. Ces dispositions se lisent ainsi :

12.(1) Dans le calcul du revenu, il n ’est opéré aucune déduction à l’égard

a)    d’une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure où elle l ’a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d  ’une entreprise du contribuable.

11.(1) Par dérogation aux alinéas a), b) et h) du paragraphe (1) de l ’article 12, les montants suivants peuvent être déduits dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

c) un montant payé dans l’année, ou payable à l’égard de l’année ( suivant la méthode employée régulièrement par le contribuable dans le calcul de son revenu ), aux termes d’une obligation juridique de payer des intérêts sur

(i) un montant d’argent emprunté et utilisé aux fins de gagner le revenu provenant d  ’une entreprise ou de biens ( autre que l ’argent emprunté et utilisé pour acquérir des biens dont le revenu serait exempté ou pour acquérir un droit portant sur une police d’assurance-vie) …

11. Au 11 se son arrêt le juge Dickson écrit :

« Ces dispositions ont été adoptées de nouveau dans S.C. 1970-71-72, chap. 63. L ’alinéa 18(1)a) et le sous-al. 20(1)c)(i), qui s ’appliquent pour l’année d’imposition 1972, portent :

18.(1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) un débours ou une dépense sauf dans la mesure où elle a été faite ou engagée par le contribuable en vue de tirer un revenu des biens ou de l’entreprise ou de faire produire un revenu aux biens ou à l’entreprise ;

20.(1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d ’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s’ y rapportant :

c) une somme payée dans l’année ou payable pour l’année ( suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu ), en exécution d’une obligation de verser des intérêts sur

(i) de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d ’une entreprise ou d’un bien ( autre que l’argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré d’impôt ou pour prendre une police d’assurance-vie) …

Les paragraphes 10 et 11 de l’arrêt du juge Dickson appellent les commentaires suivants 

i) On n’emprunte pas pour acheter un actif, un immeuble par exemple, on emprunte pour alimenter son compte « Caisse ». Les écritures comptables de la banque qui a prêtée et du contribuable qui a emprunté confirment, d’une façon très nette, cela . Quand donc la loi parle d’emprunts, effectués et utilisés en vue de tirer un revenu, elle mentionne une opération qui n’existe tout simplement pas dans la réalité des opérations financières.

ii) Sans doute, il existe une relation entre les ressources d’un contribuable et ses emplois, mais cette relation est très générale et il n’est pas possible d’attribuer à un actif précis un emprunt précis.

iii) Le juge Dickson aurait du profiter de cette incongruité de la loi pour 

l ’interpréter dans un sens non seulement utile à la société, mais ce faisant, dans un sens utile aux intérêts de l’État, qu’il défend mal en prenant le parti de Revenu Canada. Sa Majesté ne sait pas toujours où sont ses intérêts. Et elle attend de ses serviteurs, fonctionnaires de Revenu Canada, juges, qu’ils sauvegardent ceux-ci. Nous verrons que Revenu Canada et le juge Dickson ont failli à cette tâche. 

iv) Les textes législatifs relatifs à la déductibilité des intérêts, le juge Dickson avait à les interpréter, non seulement à la lumière du fait qu’il est impossible d’attribuer l’acquisition d’un actif à une source précise de fonds, mais aussi à la lumière d’éléments comme :

-  la malfaisance de la double imposition;

-   la bienfaisance de la dépense du fait du multiplicateur de la dépense;

-   le fait qu’un emprunt quel qu’en soit le but ultime, seul connu de l’emprunteur, dégage des fonds pour investir;

-    les concepts de fonds propres et de fonds empruntés etc…

Malheureusement, le juge Dickson, ne le fera pas du fait de la pauvreté de ses connaissances en économique, en finances corporatives et en finances publiques, ce qui est carrément inadmissible pour un juge à la Cour suprême du Canada et juge en chef de surcroît.

12. Au ¶ 12 de son jugement , le juge Dickson, écrit :

« Les avocats n’ont pas prétendu que la légère modification apportée au texte du par. 20(1) ait une incidence quelconque sur les questions soulevées par le présent pourvoi»

Ici, notre commentaire est que les avocats de la fiducie Bronfman auraient eu intérêt à consulter des économistes, des experts en finances corporatives et des experts en finances publiques et d’intégrer à leur pourvoi leurs avis.

13. Du ¶13 au ¶ 18 de son jugement le juge Dickson passe en revue les jugements des instances inférieures qui ont été saisies du recours judiciaire de la Fiducie Bronfman relatif à la déductibilité des intérêts du revenu imposable.

Au ¶ 13, le juge Dickson écrit à propos de la Commission de révision de l ’impôt :

« Monsieur Guy Tremblay a souligné au début de ses motifs de jugement qu’il  appartenait à la fiducie de démontrer l ’inexactitude des cotisations . Il a ajouté :

Ce fardeau de la preuve lui incombe non en vertu d ’un article précis de la  Loi de l’impôt sur le revenu , mais d’après une nombreuse jurisprudence, dont l’arrêt Johnston v. Minister of  National Revenue,3 DTC 1182, (1948) C.T.C. 195 rendu par la Cour suprême du Canada.

Monsieur Tremblay a examiné la jurisprudence, en particulier l’arrêt Trans-Prairie Pipelines Ltd. v. Minister of National Revenue, 70 D.T.C. 6351 rendu par le président Jackett de la Cour de l’échiquier, sur laquelle la fiducie  a fondé principalement ses prétentions. Dans cette affaire, la société-contribuable voulait financer par des émissions d’obligations l’expansion de son entreprise. Elle a toutefois découvert que, en raison du fonds d’amortissement rendu nécessaire par les actions privilégiées qu ’elle avait émises, il était pratiquement impossible d' émettre des obligations sans avoir préalablement racheté ses actions privilégiées. Par conséquent, la contribuable a emprunté 700 000 $ dont 400 000 $ ont été affectés au rachat des actions privilégiées et les 300 000 $ restant à l’expansion de son entreprise. Le président Jackett a déclaré déductible l  ’intérêt payé  sur la totalité de l ’emprunt de 700 000 $. D’après lui, les fonds empruntés servaient à [TRADUCTION] «  combler la perte laissée par le rachat ». Il dit à ce propos, à la p.6354 :

[TRADUCTION] Il faut sûrement déduire de l’alinéa 11 (1) c) que les intérêts sont déductibles à l’égard des années pendant lesquelles le capital emprunté a été utilisé pour les fins de l’entreprise et non qu’ils le sont pendant la durée de l ’emprunt pourvu qu’ils aient servi d’abord à l’entreprise.

À l’arrêt Trans-Prairie, Sa Majesté a opposé principalement la décision  Sternthal c. La Reine, 74 D.T.C. 6646 (C.F.D.P.I.)  Dans l’affaire Sternthal, un contribuable dont l’actif dépassait largement le passif a emprunté la somme de 246 800 $. Le même jour, il a consenti à ses enfants des prêts sans intérêts totalisant 280 000 $. Le contribuable a soutenu qu’il avait le droit  d’utiliser ses éléments d ’actif pour consentir des prêts à ses enfants et d’emprunter pour « compenser » les sorties de fonds. Par conséquent, a-t-il prétendu, à condition que les éléments d ’actif qui ont rendu l’emprunt possible aient été utilisés pour produire un revenu, l ’intérêt sur l’argent emprunté était déductible. Le juge Kerr a rejeté cet argument. D’après lui, le contribuable avait utilisé les fonds empruntés pour faire des prêts sans intérêts à ses enfants, non pas pour en tirer un revenu. Le contribuable a choisi d ’obtenir par voie d’emprunt les fonds destinés aux prêts et l’emprunt a été contracté essentiellement dans le but de consentir ces prêts ».

Commentaires :

i) M. Guy Tremblay, de la Commission de révision de l’impôt, avant de fouiller dans la jurisprudence, aurait eu intérêt à lire un livre élémentaire, un livre de base, en gestion financière. Une telle lecture est tellement simple, tellement enrichissante, qu’il est difficile de croire, qu’un fonctionnaire de Revenu Canada, chargé de surcroît de rendre des jugements en matière d’impôts, ne l’ait pas entreprise spontanément. Il est encore plus difficile de croire que Revenu Canada, se soit à ce point désintéressée, de la compétence de ses agents .

ii) On emprunte pour augmenter ses ressources et garnir et alimenter son compte «Caisse » son compte « Cash ». Puis on puise dans son encaisse, dans son cash, pour effectuer l’opération que l’on désire, acheter des actifs, faire des prêts à ses enfants et…Il n’existe aucune relation précise entre un emprunt donné et un emploi donné. En transitant par le compte « Caisse »,  l’emprunt perd  la trace de son origine précise et son individualité. On ne peut plus dire, lorsque l’on puise dans le grand réservoir que constitue le compte « Caisse », que les fonds utilisés viennent de telle source ou d’une autre. C’est là une preuve impossible. Aucune écriture comptable ne peut faire cette preuve.

iii) À partir de là, tout le problème est de savoir s ’il est dans l’intérêt de l’activité économique et, par conséquent, dans l’intérêt de l’État et de ses recettes fiscales, de considérer la déductibilité des intérêts des emprunts comme devant être une règle et non une exception. Les arguments en faveur d’une telle  règle sont nombreux et sont mentionnés dans la première partie de notre analyse.

14. Au ¶ 14 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Monsieur Tremblay a estimé en l ’espèce que les faits s’apparentaient davantage à ceux de l’affaire Sternthal qu’à ceux de l’affaire Trans-Prairie. Il a souscrit au raisonnement du juge Kerr dans l’affaire Sternthal et a conclu qu’en déterminant si la dépense au titre d’intérêts a été  « utilisé[e] en vue de tirer un revenu d ’une entreprise ou d’un bien »,il devait tenir compte de l ’objet visé par cette dépense, d ’un point de vue pratique et commercial. Quand il a essayé d ’appliquer ce critère aux faits, M. Tremblay n ’était pas convaincu que la preuve établissait clairement la manière dont le revenu de la fiducie a été augmenté par suite des emprunts.  À son avis, la politique des fiduciaires consistant à séparer l’administration de l’actif d’avec l’administration du passif aurait pu constituer « une bonne explication sur le plan administratif ». Ce n ’était toutefois « pas suffisant pour qu’on permette à la fiducie de déduire les intérêts payés sur tous les emprunts qu  ’elle a contractés dans le but de faire une attribution de capital à la bénéficiaire ». La preuve apportée était incomplète. Par conséquent, l ’appel a été rejeté».

Commentaires:

i) M. Tremblay a voulu adopter un point de vue pratique et commercial.

ii) D’un point de vue pratique et commercial, et « comptable », il est impossible de lier un emprunt précis à une utilisation précise. Un emprunt augmente les ressources d’un contribuable, il augmente le solde du compte « Caisse ». L’emprunt, en transitant par le compte « Caisse », se mélange au solde du compte «Caisse» et perd son origine. On puise ensuite dans la «Caisse » pour faire des paiements, comme payer le prix d’une acquisition. Tout ce qu’il est possible de faire, c’est d’attribuer l’ensemble des emprunts, l’ensemble du passif, à l’ensemble des actifs, et par conséquent, l ’ensemble des intérêts payés à l’ensemble du revenu.

15. Au ¶ 15 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« La fiducie s’est adressée à la Division de première instance de la Cour fédérale et sa cause a été entendue de novo par le juge Marceau ( [1980] 2 C.F. 453 ). La fiducie a continué à soutenir que même si les montants empruntés à la banque ont réellement été utilisés pour verser à la bénéficiaire les prélèvements sur le capital, on doit néanmoins considérer ces montants comme ayant été « utilisés en vue de tirer un revenu.....de biens » au sens où l'entend la Loi, puisque leur utilisation à permis à la fiducie de conserver des titres qui produisaient un revenu et dont en outre  la valeur a augmenté avant le remboursement des emprunts. Le juge Marceau a dit à la p. 454 : « La défenderesse [ c.-à-d. Sa Majesté ] n’est pas du même avis et j’estime qu’elle a raison. » Des preuves plus détaillées ont été produites  relativement à l’actif de la fiducie. Néanmoins le juge Marceau a rejeté l’appel. Tout comme M. Tremblay de la Commission de révision de l’impôt, il a retenu le principe selon lequel on doit prendre en considération la conséquence réelle d’une opération ou d’une série d’opérations plutôt que leur aspect « juridique » ou apparent. Si les opérations en cause avaient simplement changé la composition du capital productif de la fiducie par la liquidation d  ’une dette et la substitution d’une autre, alors le juge Marceau aurait accepté le point de vue suivant lequel le but réel de ces opérations était de tirer un revenu de la fiducie. Il a conclu toutefois que, en définitive, les actes des fiduciaires ont eu pour effet de réduire d  ’environ de 2 500 000 $ le capital de la fiducie. Le juge Marceau a fait remarquer, à la p. 456 :

… la décision sollicitée en l ’espèce par la demanderesse aurait pour conséquence de permettre à la fiducie de soustraire à l ’impôt une partie de son revenu sans qu’il soit besoin pour elle de faire quoi que ce soit ni pour augmenter la valeur de son capital ni pour changer la composition de ses avoirs.

De l’avis du juge de première instance, la déduction au titre d  ’intérêts [ prévue dans la loi] était destinée à favoriser l ’accroissement du total des capitaux productifs d’impôts [ appartenant au contribuable qui déduit les intérêts ]  Les opérations de la fiducie en l’espèce n’ont rien ajouté au capital. Il s ’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé les déductions.

Commentaires :

i)  Si l’on doit prendre  « en considération la conséquence réelle d’une opération ou d’une série d’opérations que leur aspect juridique ou apparent »  comme le déclarent M. Tremblay, de Revenu  Canada et le juge Marceau, de la Cour fédérale de l’impôt, avec raison, la conséquence réelle de l’emprunt est d’augmenter les liquidités contenues dans le compte «Caisse». A partir de là, les fonds empruntés se mélangent aux fonds déjà existants et il n’est plus possible lorsqu’on puise dans le compte « Caisse» pour faire un opération, de savoir d’où viennent les fonds exactement.

ii) Lorsque le juge Marceau déclare que « la décision sollicitée en l ’espèce par la demanderesse aurait pour conséquence de permettre à la fiducie de soustraire à l’impôt une partie de son revenu …» , il aurait dû préciser qu’il s’agissait de soustraire « à un double impôt », pas à un simple impôt, le revenu de la Fiducie. En effet, les intérêts, qui sont un revenu pour ce lui qui les perçoit, seraient alors taxés 2 fois. Une fois entre les mains du créancier qui les encaisse, et une seconde fois entre les mains du débiteur qui les paient.

iii)Les Sciences économiques montrent, et surtout démontrent, que la dépense est bienfaisante. Une dépense initiale, comme le paiement des intérêts par la fiducie sur ses emprunts ainsi que, les paiements du principal à la bénéficiaire, engendrent une série de revenus (imposables) suivis à leur tour de dépenses, dont le total est un multiple de la dépense initiale, c’est à dire, dont le total est supérieur au montant de la dépense initiale.

Accepter la déductibilité des intérêts est une mesure qui reconnaît le phénomène du multiplicateur de la dépense, phénomène que ni Revenu Canada ni les juges des Cours de justice canadiennes ne peuvent ignorer pas plus qu’ ils ne peuvent ignorer la loi de la gravitation .

Accepter  la déductibilité des intérêts, est une mesure qui favorise la dépense. Elle inciterait le contribuable, c’est à dire pratiquement tout le monde, à acquérir par exemple une maison, acquisition qui serait un grand facteur de stabilité sociale ainsi qu’un facteur de soutien et de développement de l’importante industrie de la construction. Quand le bâtiment va tout va bien dit un adage économique.

iv) Pour payer des impôts, il faut posséder, entre autres choses, des actifs productifs de revenus. On possède des actifs productifs de revenus, soit en empruntant pour les acquérir, soit, si on les possède déjà, en empruntant pour ne pas les vendre. On ne voit pas en quoi emprunter, pour ne pas vendre des actifs, n’a pas pour effet d’augmenter, relativement, le total des actifs.

v) Lorsque le juge Marceau semble reprocher aux gestionnaires de la fiducie de  n ’avoir pas augmenté d’une façon absolue et non relative le total du capital de la fiducie en empruntant, il leur reproche par la suite leurs actes qui ont amené la diminution du capital de la fiducie de 2 500 000 $ . La seule façon d’éviter cette diminution du capital de la fiducie, constatée par le juge Marceau, aurait été d’emprunter. Mais alors le juge Marceau n’aurait pas accepté la déduction des intérêts.

16. Au ¶ 16 le juge Dickson écrit :

« En résumé, le juge Marceau paraît avoir conclu que le facteur décisif était l  ’utilisation, direct ou indirecte, des emprunts pour réaliser une réduction du capital de la contribuable »

Commentaires :

i) Les propos du juge Dickson sont ici confus. Lorsque le juge Dickson  parle de « réduction du capital » il faut que le lecteur comprenne qu’il s’agit « de  faire un paiement à la bénéficiaire ». Ce n’est pas évident.

ii)       Pour faire un paiement on puise dans son compte «Caisse». Si ce compte est vide on emprunte pour le garnir. Il n’y a qu’une utilisation à l’emprunt : c’est alimenter le compte « Caisse ». Le seul lien réel, confirmé par les écritures comptables, c’est le lien entre l’emprunt et le compte «Caisse». Ne pas se contenter de cela c’est créer du trouble et organiser la pagaille. 

17. Au ¶ 17 le juge Dickson  écrit :

« En Cour d’appel fédérale, le juge en chef Thurlow, [1983] 2 C.F. 797, à l ’avis duquel le juge suppléant Hyde s’est rangé, a accueilli l ’appel de la fiducie. Le juge en chef Thurlow a conclu que c’est l’affectation des fonds empruntés au paiement des prélèvements sur le capital qui a permis aux fiduciaires de conserver les placements productifs de revenu et de les exploiter en assurant à la fiducie le revenu en provenant. Le juge en chef Thurlow a dit aux pp. 800 et 801 :

Si les fiduciaires avaient vendu les placements productifs de revenu pour payer les prélèvements, le revenu de la fiducie aurait été réduit  d  ’autant. S’ils avaient donné à la bénéficiaire les placements productifs de revenu, le revenu de la fiducie aurait été réduit d’autant. En évitant ces solutions, en empruntant de l ’argent pour payer les prélèvements, les fiduciaires ont conservé intacte la capacité  productive des placements de la fiducie. Dans les circonstances, cela suffit, à mon avis, pour dire que l ’argent emprunté a été utilisé dans les années fiscales en question en vue de tirer un revenu des biens de la fiducie.

( C’est moi qui souligne )

Avec égards, j’ai de la difficulté à accepter ce passage. Dans un sens étroit, on pourrait prétendre que les fiduciaires ont conservé intacte la capacité productive des placements. Mais la réalité pratique et commerciale était que la capacité productive nette de la fiducie a été réduite par la charge annuelle que représentaient les emprunts bancaires, charge qui, comme je l’ai déjà fait remarquer, revenait à 110 114 $ en 1970. Le juge en chef Thurlow a cependant conclu que l’argent emprunté avait été utilisé en vue de tirer un revenu de biens et, selon lui, peu importait que l ’usage immédiat auquel les fonds étaient destinés ait été le paiement direct des sommes prélevées sur le capital plutôt que le rachat de placements qui avaient pu être liquidés pour payer lesdites sommes. À mon avis, la Loi attachait de l’importance surtout au but dans lequel les fiduciaires ont conservé les placements en fiducie, ce but étant en l ’espèce d’en tirer un revenu. De plus, il n’importait pas  que les fiduciaires, en conservant les placements, aient pu également envisager une hausse possible de leur valeur. La majorité a toutefois fait une réserve significative quant à la portée de sa conclusion. En effet, elle a soin de limiter l’application de sa décision aux fiducies, par opposition aux particuliers aux pp. 801 et 802 :

Il faut souligner qu’une fiducie du genre de celle en l ’espèce n’a pas d’objet particulier et que les fiduciaires n’ont pas de but précis si ce n’est de détenir les biens de la fiducie, d ’en tirer un revenu et de disposer du revenu et du capital conformément aux dispositions de l’acte de fiducie. À cet égard, une fiducie est différente d ’un particulier qui peut avoir plusieurs buts, à la fois commerciaux et personnels. On peut établir une comparaison avec l’affaire Sternthal v. Her Majesty The Queen ( ( 1974 ), 74 D.T.C. 6646 ( C.F. 1re inst.) ) dans laquelle le contribuable, un particulier, n’était pas tenu de prêter de l ’argent à ses enfants mais a placé ses emprunts dans des prêts qu’il leur a consentis sans intérêts.

Commentaires :

i) Le juge Dickson, semble avoir une vue irréaliste des choses. On ne paie pas un prélèvement, on prélève pour faire un paiement.

ii) Le lecteur du jugement doit comprendre, lorsque le juge Dickson  parle « de prélèvements sur le capital »  qu’il s’agit « d’un paiement à la bénéficiaire de la fiducie».

iii) Le raisonnement du juge Thurlow nous apparaît très correct, contrairement à ce qu’en pense le juge Dickson. Pour payer des impôts, il faut, entre autres choses, avoir des actifs productifs de revenus. Pour avoir des actifs productifs de revenus il faut :

-         soit emprunter pour les acquérir;

-         soit, si on les possède, emprunter, parfois, pour les conserver et  ne pas les vendre.

iv) Quand on emprunte pour acquérir des actifs productifs d’intérêt, il faut déduire les intérêts des emprunts pour connaître le revenu net.

C’est la même chose lorsqu’on emprunte pour conserver des actifs productifs de revenus . Ici encore, il faut déduire du revenu des actifs, les intérêts payés sur le emprunts pour connaître, le revenu net.

Il n’y a aucune différence entre emprunter pour acquérir des actifs productifs de revenus et emprunter pour conserver des actifs productifs de revenus. Le traitement fiscal différent de ces deux opération est injustifiable.

v) Ni le juge Thurlow, ni le juge Dickson ne se seraient enfargés dans leurs propos, s’ils avaient su ce que toute personne qui tient commerce sait, que l’usage des fonds empruntés est de garnir le compte «Caisse », quand, pour un motif quelconque, qui relève de l’entière discrétion du titulaire du compte «Caisse», il s’avère insuffisamment garni.

vi) Le juge Dickson semble ne pas savoir comment l’on calcule le rendement d’un portefeuille, qui comprend le coupon , qui est un revenu imposable, plus le gain ou la perte en capital. Le gain en capital est un revenu imposable lui aussi, bien qu’à des conditions différentes que le revenu proprement dit. Prétendre, comme le fait le juge Dickson, que la Loi ne s’intréresse qu’au coupon et non à l’autre élément du rendement, le gain en capital, c’est, à notre avis, faire une interprétation étroite de la Loi qui n’est pas conforme à la pratique de la gestion d’un portefeuille.

vii) La gestion d’un portefeuille d’actifs se fait selon certains principes et selon certaines règles, que l’on retrouve dans des ouvrages intitulés Investment Management ou Portofolio Management, que ce portefeuille d’actifs appartienne à une fiducie ou à un particulier. Les propos du juge Thurlow, rapportés le juge Dickson parce qu’ils semblent, faussement, très pertinents, que la gestion du portefeuille d’une fiducie diffère de celle d’un particulier, sont de la plus haute fantaisie. C’est comme conduire une voiture. Il n’y a qu’une seule façon de conduire, pour tout le monde c’est conduire attentivement et prudemment.

18. Au ¶ 18 de son jugement le juge Dickson écrit :

« Le juge Pratte était dissident. Comme le juge Marceau, il a estimé que les fonds empruntés avaient en réalité été utilisés pour verser à la bénéficiaire des prélèvements sur le capital. Il est impossible de conclure que ces prélèvements ont été utilisés pour produire un revenu. Selon le juge Pratte, l ’arrêt Trans-Prairie ne s’appliquait pas. Dans cette affaire, les sommes que les actionnaires privilégiés avaient souscrites auparavant ont été utilisées par la compagnie en vue de tirer un revenu de son entreprise, tandis qu  ’en l’espèce les sommes versées à la bénéficiaire n’avaient pas déjà été utilisées par la fiducie pour produire un revenu. Le juge Pratte dit à la p. 804 :

Suivant les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’intérêt dont il s’agit en l’espèce n’est pas déductible à moins que l’argent emprunté à la Banque de Montréal « n’ait été utilisé en vue de tirer un revenu d ’une entreprise ou d’un bien » . Ce n’est pas à cette fin qu’il a été utilisé, mais pour payer les prélèvements sur le capital  que les fiduciaires ont accordés à Mlle Bronfman. L’argument de l’appellante, à mon avis, ne fait aucun cas des termes de la Loi.

Avec égards, je suis d’accord. »

Commentaires :

i) Avec égards, nous ne sommes pas d’accord, ni avec le juge Pratte, ni avec le juge Dickson.

ii) On retrouve toujours chez le juge Dickson cette façon malheureuse de s’exprimer et d’appeler « prélèvements sur le capital »  ce qui s’appelle, en fait, « un paiement à la bénéficiaire» à partir du compte « Caisse ». Le juge Dickson, n’est pas naif. On a la nette impression qu’en utilisant l’expression « prélèvements sur le capital»,  il cherche à faire ressortir que, suite au paiement à la bénéficiaire de la fiducie, il y a eu réduction du capital de la fiducie et par conséquent, réduction des revenus imposables de la fiducie, ce qui fait qu’ il n’y a pas de revenus associés à l’emprunt, donc pas de déductibilité des intérêts.  Or , à toute réduction du capital investi, il n’y a pas nécessairement réduction du rendement, puisque ce dernier dépend non seulement du volume du capital, mais aussi du coupon ou du taux d’intérêt, et du gain éventuel en capital.

 iii) Le juge Pratte ne semble pas réaliser que les fonds empruntés par la fiducie n’avaient, comme d’ailleurs tous les fonds empruntés, qu’un seul but et qu’une seule utilisation possible, celui d’augmenter les disponibilités liquides du compte «Caisse». Que cette augmentation des disponibilités liquides ait pour but, par la suite, de ne pas vendre des actifs, ou pour faire des paiements, ou d’acheter des actifs etc. , cela relève de la responsabilité des fiduciaires et, ni le fisc ni les juges, n’ont à substituer leur jugement à celui des fiduciaires et à chercher à savoir et à discuter, l’utilisationnon pas de l’emprunt, mais des fonds disponibles.

iv) Le législateur ( fonctionnaires qui rédigent et parlementaires qui votent) reste un être humain, exposé à l’erreur. Il appartient aux juges de corriger les erreurs du législateur, pour ne pas provoquer de la part du public une méfiance en son jugement et ses connaissances. Quand donc la Loi sur l’impôt sur le revenu parle « d’utilisation de prêts en vue de tirer un revenu »  elle commet une erreur, car la seule utilisation possible d’un prêt est d’accroître les liquidités de l’emprunteur et elle méconnaît le fait que, lorsque les fonds empruntés sont entrés dans le grand réservoir que constitue le compte «Caisse», ils se mélangent aux autres fonds et perdent leur statut de fonds empruntés, pour acquérir le statut de fonds liquides. L’emprunt n’est plus qu’une obligation légale et autonome de payer des intérêts et de rembourser le capital, sans aucun lien avec un actif précis. Le Bilan Comptable du contribuable énumérera, au passif, les emprunts et, à  l’actif, les emplois ou les utilisations, sans mentionner de liens précis entre les deux, parce qu’il n’est pas possible de le faire. A la question de savoir si c’est l’emprunt X ou l’emprunt Y ou encore l’emprunt Z qui a servi à acquérir l’actif A, ou une autre source de fonds, on ne peut répondre qu’une seule chose, que ce sont toutes les sources de fonds qui ont concourrues à l'acquisition de l'acrif A.

19. Aux ¶ 19, 20, 21, et 22 de son arrêt, le juge Dickson  disserte sur les utilisations admissibles et inadmissibles des fond empruntés.

Au ¶ 19 le juge Dickson écrit :

« Il est peut-être superflu de souligner dès le départ que, à défaut d  ’une disposition telle que l’al. 20 (1)c), qui autorise expressément que les intérêts payés soient dans certaines circonstances déduites du revenu, le contribuable ne peut en règle générale bénéficier d  aucune déduction de ce genre. Les intérêts sur les emprunts contractés pour augmenter les immobilisations ou le fonds de roulement relèveraient de l ’interdiction de déduire tout « paiement à titre de capital », prévue à l al. 18(1) b) : Canada Safeway Ltd v. Minister of National Revenue, [ 1957] R.C.S. 717, aux pp. 722 et 723 des motifs du juge en chef Kerwin et à la p. 727 des motifs du juge Rand.

Commentaires :

i) Le fait que le législateur accepte dans certains cas la déductibilité des intérêts et le refuse dans d’autres cas est une aberration économique, qui freine, contrecarre et nuit à l’activité dans l’important secteur de l’industrie du bâtiment ainsi que dans le secteur du commerce de détail des voitures et des appareils ménager. Le Législateur n’a certainement pas voulu cela. S’il a prescrit la non déductibilité dans certains cas, c’est par ignorance, imputable aux rédacteurs de la loi sur l’impôt et aux parlementaires qui l’ont voté.

ii) La non déductibilité des intérêts dans le cas d’achat d’une maison est une aberration sociale.

iii) La non déductibilité des intérêts dans certains cas, constitue une double imposition, une fois entre les mains de celui qui reçoit ce revenu et une autre fois entre les mains de celui qui le paie.

iv) Face à la nuisance que constitue la non déductibilité des intérêts, le juge Dickson aurait dû éviter d’en accepter le principe comme il le fait dans ses commentaires. 

20. Au ¶ 20 de son arrêt le juge Dickson écrit :

 

« Je partage l’avis du juge Marceau quant au but  de la disposition permettant la déduction d’intérêts. Le législateur a conçu le sous-al. 20(1)c) (i) et lui a donné effet nonobstant l’ al. 18(1)b) pour favoriser l ’accumulation de capitaux productifs de revenus imposables. Ce ne sont pas tous les intérêts qui sont déductibles. L ’intérêt sur l’argent emprunté pour produire un revenu exempt d’impôt ne l’est pas . L’intérêt sur l’argent emprunté pour acheter des polices d ’assurance vie ne l’est pas . L’intérêt sur les emprunts utilisés à des fins non productives de revenus, telles que la consommation personnelle ou la réalisation de gains en capital, ne l'est   pas non plus. La déduction prévue par la loi exige donc qu'on determine si l'argent emprunté a été utilisé en vue de tirer un revenu imposable d'une entreprise ou d'un bien, ce qui constitue une utilisation admissible, ou s'il a été affecté à quelqu'une des possibles utilisations inadmissibles.  Il incombe au contribuable d'établir que les fonds empruntés ont été utilisés à une fin identifiable ouvrant droit à la déduction. Par conséquent,  si le contribuable mélange des fonds utilisés à différentes fins, dont une partie seulement est admissible, il ne peut pas pouvoir réclamer la déduction : voir, par exemple, Mills c. Ministre du Revenu National, 85 D.T.C. 632 ( C.C.I. ); No.616  v.  Minister of National Revenue, 59 D.T"C. 247 ( C.A.I. ).

Commentaires :

i ) Il est impossible au contribuable de prouver une utilisation ( admissible ou non) d'un emprunt, du fait du transit des fonds empruntés par le compte « Caisse ».

ii ) A l'impossible nul n'est tenu.

iii ) Il est difficile d'accepter, comme le fait le juge Dickson, que le législateur ait voulu la double imposition de l'intérêt, qui est l'un des 4 grands revenus générés par l'activité économique, les autres étant le salaire, le revenu du capital humain ( connaissances, habilités ), le loyer, le revenu de la location des biens meubles et  immeubles, le profit ou le bénéfice, le revenu de l'entrepreneur, le revenu de celui qui combine les facteurs de production parce que les facteurs de production n'ont pas la propriété de se combiner ensemble  spontanément, pour faire des combinaisons intelligentes. Tous ces revenus sont déductibles de celui qui les paye.

iv) Lorsque  l’assureur utilise les primes reçues pour acheter des actifs, il distribue des revenus imposables aux vendeurs des actifs .

Lorsque l’intérêt sur l’argent emprunté est déductible du revenu imposable du contribuable il y a incitation à emprunter et à dépenser  et création de revenus imposables.

v) Lorsqu’un contribuable emprunte pour s’acheter une maison, l’intérêt de l’emprunt constitue un revenu imposable pour le prêteur et l’État y trouve son compte. L’argent emprunté ayant permis un paiement en faveur du constructeur de la maison, il y a revenu imposable pour ce dernier et l’État y trouve encore son compte.

vi) Les fonds liquides en provenance de diverses sources se mélangent nécessairement dans le compte cash. C'est donc nier l'existence, le rôle et la mécanique du compte cash que de dire, comme le fait le juge Dickson, que « si le contribuable mélange des fonds utilisés à différentes fins, dont une partie seulement est admissible il ne peut pas pouvoir réclamer la déductibilité».  Rappelons ici que l'emprunt alimente le compte cash et que l'on puise par la suite dans le compte cash pour faire un paiement. L'emprunt se mélange nécessairement au solde du compte cash au moment de l'emprunt et l'augmente. Lorsque le contribuable puise dans son compte cash pour faire un  paiement, il puise dans le solde du compte cash qui a pu augmenter, après l'emprunt, grâce aux versements en provenance d' autres sources de liquidité, que l'emprunt.

vii) Ce qui a manqué au juge Marceau et au juge Dickson c’est la connaissance du phénomène du multiplicateur de la dépense ( Voir section  V )  ainsi que celle du rôle du compte cash dans la mécanique des affaires.

21. Au ¶ 21 de son arrêt le juge Dickson  écrit :

« La disposition prévoyant la déduction des intérêts exige non seulement la détermination de l’usage auquel ont été affectés les fonds empruntés , mais aussi la détermination  de la « fin ». L’admissibilité à la déduction est soumise à la condition que l  ’argent emprunté soit utilisé pour produire un revenu. Cependant, il est bien établi par la jurisprudence que le point pertinent n ’est pas la fin de l’emprunt lui-même. Ce qui est pertinent est plutôt la fin qu’à visée le contribuable en utilisant l ’argent emprunté d’une manière particulière :  Auld v. Minister of National Revenue, 62 D .T.C. 27 ( C.A.I. ). Il s’ensuit donc que l’examen de la situation doit être centrée sur l’usage que le contribuable a fait des fonds empruntés ».

Commentaires ;

i) Il n’y a qu’un seul usage aux fonds empruntés, c’est celui de grossir et d’augmenter les fonds liquides du compte « Caisse ».

ii) Lorsque par la suite on puise dans le compte « Caisse » pour faire un paiement en règlement d’une opération ou d’une obligation, il est impossible de prouver que ce sont les fonds d’un emprunt précis qui ont été utilisés pour une opération précise.

iii)Toute dépense à partir du compte « Caisse » à titre d’intérêts ou à un autre titre, constitue nécessairement un revenu pour le bénéficaire de la dépense et ce revenu est imposable.

iv) Il saute aux yeux ici que le juge Dickson ignore un important mécanisme de l’activité commerciale et financière, le transit par le compte « Caisse » des fonds empruntés et l'accumulation et le mélange dans le compte cash des fonds liquides en provenance des diverses sources de fonds liquides.

v) Si, dans son coin « bar », le contribuable conserve dans des bouteilles séparées les différentes boissons alcoolisées ( whisky, gin, vins etc..) pour garder et conserver la saveur de chacune, il n'en est pas de même pour les fonds liquides. Les fonds liquides se tiennent dans un seul compte, le compte cash. Un dollar en provenance d'un emprunt a la même saveur qu'un dollar en provenance d'une vente et il n'y a acunne nécessité de conserver dans des comptes différents les dollars en provenance des diverses sources de fonds. Et à supposer qu'on le fasse, il serait pratiquement impossible de suivre le chemin que parcourt chaque dollar quand il est utilisé pour faire un paiment.  

22. Au ¶ 22 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« À mon avis, la distinction entre les utilisations admisibles et les utilisations inadmissibles de fonds empruntés s'applique aussi bien aux contribuables qui sont des sociétés ou des fiducies qu'à ceux qui sont des personnes physiques. Certes, il est moins probable que les sociétés ou les fiducies soient motivées par la consommation personnelle, mais il existe néanmoins plusieurs façons inadmissibles dont les personnes morales peuvent utiliser l'argent emprunté. Une fiducie peut, par exemple, se porter acquéreur de bien en vue de la réalisation d'un gain en capital. Ou, comme c'est le cas en l'espèce, elle peut verser une partie du capital à un bénéficiaire de la fiducie. Cela étant, avec égards, je ne puis accepter la suggestion de la Cour d'appel fédérale, à la majorité, que presque n'importe quel usage  qu'une fiducie, par opposition à un particulier, fait de fonds empruntés suffira pour remplir les conditions d'admissibilité prévue par la loi quant à la déduction des intérêts. Il faut en toute justice que les mêmes principes de droit s'appliquent à tous les contribuables, indépendamment de leur qualité de personne physique ou de personne morales, à moins que la Loi ne dise expressément le contraire »

Commentaires :

i ) Emprunter et payer des intérêts et dépenser le principal, pour une utilisation admissible ou non admissable, constitue, pour une entreprise ou un ménage ou une fiducie, une dépense.

ii ) La dépense étant du point de vue économique bienfaisante et productive de revenus imposables pour le gouvernement, les distinguos du juge Dikson sont sans pertinence.

iii ) Il n'y a qu'une seule utilisation possible à un emprunt, c'est celui de garnir le compte « Caisse » et d'augmenter les liquidités de l'emprunteur.

23. Au ¶ 23 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« La juriprudence étaye la proposition selon laquelle c'est l' utilisation actuelle plutôt que l'utilisation primitive des fonds empruntés par le contribuable qu'on doit retenir pour déterminer si les intérêts sont déductibles : voir, par exemple, Lakeview Gardens Corp. v. Minister of National Revenue [ 1973 ] C.T.C.586 ( C.F.D.P.I. ), le juge Walsh, pour une application correcte de ce principe. Un contribuable ne peut    pas, du simple fait que l'argent emprunté a servi originairement à l'achat de biens productifs de revenu, continuer à déduire les intérêts après qu' il a vendu ces biens et qu' il a affecté le produit  à une utilisation inadmissible. Permettre au contribuable d 'agir ainsi aurait pour conséquence qu'on emprunterait des fonds pour financr l'achat de biens productifs de revenu, lesquels pourraient être revendus immédiatement, les intérêts restant néanmoins déductibles pendant une péroide indéfinie »

Commentaires :

i ) La science juridique, ce n'est pas simplement le fait de connaître la loi, la jurisprudence et la doctrine, c'est aussi avoir de solides connaissances en comptabilité, en finances corporatives , en  finances publiques et en économie, du moins pour les juges qui doivent statuer en matière commerciale, financière, fiscale et économique.

ii ) Même si l'on oublie un instant les deux faits majeurs :

- que les emprunts tansitent par le compte « Cash » et qu'il est par conséquent impossible d'attribuer à un actif précis un passif précis ;

- que les banques préfèrent prêter sur la base de la capacité de remboursement  actuelle et non future de l'emprunteur et que les utilisations actuelles ou futures des emprunts ainsi que les utilisations admissibles ou non admissibles des emprunts sont pour les banques des considérations entourées de trops d'aléas;

on ne voit pas pourquoi le fait de vendre un actif et le remplacer dans le bilan du contribuable par un actif liquide ( le produit de la vente ) constituerait un motif pour ne pas pouvoir déduire les intérêts des emprunts. 

Suivons le juge Dickson et faisons les bilans d'un contribuable qui a emprunté 100 000 $ à 5 % pour acquérir un immeuble locatif rapportant 10 %, et par conséquent productif de revenu et qui vend quelque temps après cet immeuble. 

On a alors les bilans suivants :

Bilan I ( après l'achat de l'immeuble )

 Actif

 

 Passif

 

 Immeuble

 100 000 $

 Banque

 100 000 $

Bilan II  (après la vente de l'immeuble )

 Actif

 

 Passif

 

 Cash

 100 000 $

 Banque

 100 000 $

Selon le juge Dickson, le contribuable en question, n'aurait plus le droit de déduire les intérêts de son emprunt après la vente de l'immeuble.

On ne voit vraiment pas pourquoi.

Dans le bilan I, le contribuable avait un actif peu liquide, l'immeuble locatif. Après la vente de cet actif peu liquide, il dispose dans le bilan II d'un actif liquide et même très liquide. C'est là un avantage à ne pas dédaigner. Que ce nouvel actif rapporte moins ou même pas du tout importe peu, le seul fait d'être très liquide constitue une qualité qui justifie le paiement d'intérêts.

iii ) Il est impossible de suivre le chemin que parcours 1 $ emprunté comme semble le croire les juges Walsh et Dickson. Le produit d'une vente transite lui aussi par le compte « Cash ». 

24. Au ¶ 24 de son arrêt el juge Dickson écrit :

« Inversement, un contribuable qui utilise ou qui entend utiliser de l'argent emprunté pour une fin inadmissible, mais qui s'en sert ultérieurement pour tirer un revenu imposable d'une entreprise ou d'un bien, ne devrait pas se voir privé de la déduction à l'égard de l'utilisation actuelle, qui est admissible : Sinha c. ministre du revenu National, [ 1981 ] C.T.C.2599(C.R.I.) ; Attaie c. Ministre du Revenu National, 85 D.T.C. 613(C.C.I.), qui fait présentemment l'objet d' un appel. Par exemple, dans le cas où un contribuable emprunte pour acheter un bien meuble qu' il vend par la suite, les intérêts payés deviendront déductibles si le produit de la vente est affecté à l'achat de biens admissibles productifs de revenu. »

Commentaires :

i ) Les seules opérations commerciales et financères, réelles et authentiques, sont celles qui s'appuient sur des écritures comptables et des obligations juridiques précises. Le reste n'est que fantaisie.

ii ) L'opération, ou la succesion d'opérations, mentionée par le juge Dickson dans le paragraphe 24 précédent, à savoir, l'emprunt par un contibuable pour acheter un bien meuble, vendu par la suite et dont le produit de la vente a été affecté à l'achat de biens productifs de revenu, donne lieu aux écritures comptables suivantes :

 

DÉBIT

CRÉDIT

Emprunt pour acheter un meuble (voiture)

Banque

Caisse

Achat de la voiture

Caisse

Actifs (voiture)

Réparation de la voiture

Caisse

Actifs (voiture)       

Vente de la voiture

Actifs (voiture)

Caisse

Achats d'actions

Caisse

Actifs (actions)

Intérêts sur emprunts

Caisse 

Banque

Revenus sur actions

Actifs (actions)

Caisse

Remboursements du prêt

Caisse

Banque

iii ) Il ressort nettement, des écritures comptables précédentes, qu'il n'y a qu'une seule et unique utilisation  possible de l'emprunt, c'est l'alimentation du compte «Caisse».

iv) Une et unique utilisation possible d'un emprunt est, nécessairement, une utilisation admissible au sens de la loi.

v ) Une utilisation admissible autorise une déduction des intérêts de l'emprunt, du revenu du contribuable emprunteur et non du revenu du bien productif de revenu ou de l'entreprise productive de revenus.

vi ) Le remboursement de l'emprunt est l'obligation juridique de l'emprunteur et de son compte «Caisse» et non du bien productif de revenu.

vii ) Le paiement des intérêts est l'obligation juridique de l'emprunteur et de son compte «Caisse» et non du bien ou de l'entreprise productifs de revenu.

viii ) Tout cela est conforme à la théorie et à la pratique financière qui stipulent que les intérêts sur emprunts ne font pas partie des «outflows» des biens d'investissements. « In evaluating new projects and determining cash flows, we must separate the  investment decision from the financing decision. Interest payments and other financing cash flows that might result from raising funds to finance a project should not be considered incremental flows. If accepting a project means we have to raise new funds by issuing new bonds, interest charges associated with raising funds are not relevant cash outflows. When we discount the incremental cash flow back to the present at the required rate of return we are implicitly accounting for the cost of raising funds to finance the new project. In essence the required rate of return reflects the cost of the funds needed to support the project. Managers must first determine the desirability of the project and then decide how best to finance it. » Keown, Scott, Petty, McPeak, Basic Financial Management, Prentice Hall Canada Inc, Scarborough, Ontario, 1997, pages 497 et 498.

ix ) La tentation ou la prétention de Revenu Canada et de Revenu Québec, de vouloir déduire les intérêts des fonds empruntés du revenu des biens ou de l'entreprise acquis, prétendument, avec les fonds empruntés et non du revenu du contribuable emprunteur, constitue une entorse à la logique financière.

25. Au ¶ 25 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Ce principe souffre toutefois une importante restriction naturelle. Si le contribuable veut réclamer la déduction en raison d'une utilisation actuelle qui est admissible, il faut que les fonds empruntés soient encore en sa possession, ce qui peut être établi en retraçant le parcours du produit de la disposition des biens qui constituaient l'utilisation inadmissible antérieure. Lorsque le contribuable a dépensé les emprunts pour un usage inadmissible, sans recevoir en contrepartie aucun bénéfice durable ni aucun bien vendable, il est évident que ce contribuable ne dispose pas de l'argent emprunté et qu'il ne peut pas s'en servir par la suite à une autre fin , que celle-ci soit admissible ou inadmissible. Par conséquent, une obligation continue de payer des intérêts au créancier ne prouve pas  de façon concluante que le contribuable fait encore usage de l'argent emprunté. »

Commentaires :

i) Suivons le parcours, imaginé par le juge Dickson, de fonds empruntés avec utilsation inadmissible (achat d'une voiture ), puis vente du bien inadmissible (voiture ), et enfin achat avec le produit de la vente du bien inadmissible d'un bien admissible. Dans ce cas on a les écritues compatbles suivantes :

 

DÉBIT

CRÉDIT

Emprunt

Banque

Cash

Utilisation admissible ou non admissible

Cash

Actif

Poduit de la vente du bien admissible ou non admissible 

Actif

Cash

Utilisation du produit de la vente à une fin admissible ou non

Cash 

Actif

ii) Tout ce qu'il est possible de prouver, avec des écritures comptables à l'appui, c'est que la seule utilisation de l'emprunt, est l'alimentation du compte « Cash ».

iii) Ce qu'on utilise ce ne sont pas les fonds empruntés, mais les fonds disponibles dans le compte « Cash ».

iv ) Quand donc le juge Dickson écrit au ¶ 25  ci-haut mentionné, « qu'une obligation continue de payer des intérêts ne prouve pas de façon concluante que le contribuable fait encore usage de l'argent emprunté », il se trompe carrément, car l'usage unique des fonds empruntés c'est l'alimentation du compte « Cash » et tant que le contribuable n'a pas remboursé l'emprunt, il en fait usage.

26. Au ¶ 26 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« En l'espèce, l'argent emprunté a été utilisé primitivement pour verser à la bénéficiaire des prélèvemets sur le capital en contrepartie desquels la fiducie n'a reçu rien du tout. Incontestablement, il s'agissait là d'une utilisation des emprunts qui ne produisait pas de revenu. Dans ces circonstances, à moins qu'il n'y ait lieu de faire abstraction de l'utilisation directe de l'argent et de retenir plutôt un prétendu usage indirect qui produisait un revenu, on ne saurait permettre à la fiducie de déduire les intérêts présentemment en cause . »

Commentaires :

i) Retraçons les écritures comptables effectuées par la fiducie, à savoir, l'emprunt et le paiement à la bénéficiaire des sommes d'argent. On a alors ce qui suit 

 

DÉBIT

CREDIT

Emprunt

Banque

Cash

Paiements à la bénéficiaire

Cash

Bénéficiaire

ii ) Quand donc le juge Dickson écrit que « l'argent emprunté a été utilisé primitivement pour verser à la bénéficiaire des prélèvemts sur le capital en contrepartie desquels la fiducie n'a reçu rien du tout » il ( le juge Dickson ), se trompe et montre qu'il n'a pas une vision correcte des choses, parce que « l'utilisation primitive »  et nous ajouterons, la seule et unique utilisation possible, a été d'alimenter le compte « Cash ».

iii ) Maintenant est-ce que les paiements à la bénéficaire vont engendrer des revenus imposables ? La réponse est oui si l'on se reporte à nos propos sur les effets bienfaisants de la dépense à la section V.

27. Au ¶ 27 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Comme je l'ai déjà fait remarquer, la fiducie intimée allègue que les emprunts lui ont permis de conserver des biens productifs de revenu qu'elle aurait sans cela vendus afin de pouvoir verser à la bénéficiaire les prélèvements sur le capital. Cette utilisation des fonds empruntés, soutient-elle, suffit en droit pour qu'elle puisse déduire les intérêts. En bref, on demande à la Cour de qualifier l'opération en fonction d'une pétendue utilisation indirecte des emprunts pour en tirer un revenu, plutôt qu'en fonction d'une utilisation directe qui nuisait à la capacité de la fiducie de gagner des revenus. » 

Commentaires :

La fiducie intimée aurait dû faire valoir, par le canal de ses procureurs Phillips & Vineberg les arguments suivants :

i) On emprunte pour alimenter le compte Cash.

ii) Le compte Cash est alimenté par les fonds propres et les fonds empruntés.

iii) Dans le compte Cash, les fonds propres et les fonds empruntés se mélangent pour devenir une nouvelle source de fonds sui generis.

iv) On puise dans le compte Cash pour faire des paiements libératoires d'obligations dont notamment l'acquisition d'actifs.

v) Le problème pour les tribunaux consiste à savoir s'il faut qualifier d'utilisation admissible le fait d'emprunter  pour alimenter le compte Cash en fonds liquides.

vi) Comme il n'y a qu'une et une seule utilisation possible de l'emprunt, soit l'alimentatioin  du compte Cash, cette utilisation est nécessairement admissible et la déductiblité des intérêts des emprunts s'impose.

vii) Quand donc le juge Dickson parle d'utilisation directe ou indirecte des fonds empruntés, il méconnait que ce ne sont pas les fonds empruntés qui sont utilisés pour acquérir ou éviter de vendre des actifs, mais les fonds disponibles dans le compte Cash.

28 . Au ¶ 28 de son arrêt , le Juge Dickson écrit :

« À mon avis, ni la  Loi de l'impôt sur le revenu ni la juriprudence n'autorisent les tribunaux à ne pas tenir compte de l'usage directe qu'un contribuable fait d'argent emprunté. Il suffit d'envisager les conséquences de l'interprétation préconisée par la fiducie pour qu'on arrive à la conclusion que cette interprétation ne peut pas être celle qu'a voulue le législateur. La fiducie ne peut obtenir gain de cause que si le sous-al. 20(1)c)(i) s'interprète de manière à permettre une déduction à l'égard des emprunts contractés par un contribuable qui possède des biens productifs de revenu. Suivant cette thèse ce contribuable pourrait se servir du produit de l'emprunt pour acheter une police d'assurance-vie, pour s'offrir des vacances, pour se porter acquérueur de biens spéculatifs ou pour se livrer à n'importe quel autre activité non productive de revenu ou inadmissible. L'intérêt serait néanmoins déductible. Un contribuable moins nanti, par contre , qui ne possède pas de biens productifs de revenu, ne pourrait pas déduire les intérêts payés sur des emprunts utilisés de manière identique. Un telle interprétation  serait injuste envers certains comtribuables et, en même temps, contituerait une entorse criante à l'exigence légale selon laquelle la déductibilité des intérêts  est conditionnelle à l'utilisation de l'argent emprunté à des fins biens pécises pruductives de revenu». 

Commentaires :

i) Si, selon le juge Dickson « ni la Loi sur l'impôt sur le revenu ni la jurisprudence n'autorisent les tribunaux à ne pas tenir compte de  l'usage direct qu'un contribuable fait d'argent emprunté » il faut ajouter que la Finance Corporative, la Comptabilité, la logique et la pratique des affaires, indiquent qu'il n'y a qu'un et un seul usage direct de l'argent emprunté, c'est l'alimentatation en fonds liquides du comptre « Cash ».

ii) Lorsque le juge Dickson écrit que « la déductibilité des intérêts est conditionnelle à l'utilisation de l'argent emprunté à des fins biens précises productives de revenu »,  il ignore qu'on n'emprunte pas pour investir mais, pour alimenter le compte « Cash » en fonds liquides et qu'on investit et qu'on fait l'acquisition d'actifs productifs de revenu en puisant dans le compte «Cash ». Du fait du transit des fonds empruntés par le compte «Cash », il n'existe aucune relation précise et directe entre les fonds empruntés et les actifs acquis. Ce dernier fait est encore confirmé par le bilan, document comptable, qui ne mentionne aucune relation entre un emprunt précis et un actif précis.

iii) Revenu Canada, Revenu Québec et les tribunnaux n'ont qu'un seul choix, celui d'accepter ce fait, que les fonds empruntés n'ont qu'un et un seul usage, l'alimentation en fonds liquides le compte «Cash».( Voir section IV, page 7, du présent document. )

29. Au ¶ 29 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« On trouve dans la Loi non seulement la distinction que fait le sous-al.20(1)c)(i) entre les utilisations admissibles et inadmissibles des fonds, mais d'autres dispositions qui exigent également que des fonds aient été affectés à des usages particuliers, ce qui vient contredire l'argument de la fiducie. Le paragraphe  20(3), anciennement le par. 11(3b), prévoit par exemple, que l'intérêt sur l'argent emprunté pour rembourser un emprunt existant est réputé avoir été utilisé aux fins pour lesquelles l'emprunt antérieur a été utilisé. Il va sans dire que cette disposition serait superflue si l'intérêt sur l'argent emprunté était déductible dans le cas où le contribuable avait des biens productifs de revenu à conserver. Au contraire, toutefois, pour les années d'imposition antérieures à l'adoption du par. 11(3b) dans S.C. 1953-54, chap. 57, par.2(6), on avait conclu à la non-déductibilité de ces intérêts parce que les emprunts étaient utilisés pour rembouser un autre emprunt et non pas pour produire un revenu : Interior Breweries Ltd v. Minister of National Revenue, 55 D.T.C. 1090, à la p. 1093 

( C. de l'é.) »

Commentaires :

i) Mis à part le fait que la distinction entre les utilisations admissibles et inadmissibles est une distinction fantaisiste puisqu'il n'y a qu'une et une seule utilisation possible aux fonds empruntés, soit l'alimentation en fonds liquides du compte «Cash» du contribuable, le juge Dickson, dans le ¶ 29 précédent tient des propos qui ne sont pas en harmonie avec une importante opération de bonne gestion financière: la consolidation de dettes.

ii) Grosso modo une consolidation de dettes est une opération qui consiste :

- à faire d'abord l'inventaire des dettes d'un contribuable et à en calculer le montant total;

- à emprunter pour alimenter en fonds liquides le compte «Cash» à des conditions plus favorables que les anciennes dettes du point de vue intérêts et du point de vue étalement dans le temps du remboursement du capital;

- à rembouser les anciennes dettes, en puisant dans le compte «Cash».

iii) La consolidatioin est très avantageuse, non seulement pour les débiteurs mais, encore plus pour les créanciers dont le fisc. La consolidation évite très souvent la cessation des paiements et la faillitte du contribuable qui l'entreprend.

iv) Dans son essence la consolidation est l'extinction des anciennes dettes et leur remplacement par une nouvelle dette ayant des caractéristiques propres, nécéssairement différentes des caractéristiques des anciennes dettes.

v) Si la nouvelle dette, si « l'argent emprunté pour rembourser un emprunt existant est réputé avoir été utilisé aux fins pour lesquelles l'emprunt antérieur a été utilisé»,   fins qui condionnent la déductibilité des intérêts de la nouvelle dette, on complique la consolidation, sans aucune utilité, puisque l'alternative à la consolidation est la cessation des paiements et la faillitte. C'est vouloir empêcher l'enterrement des morts ( les anciennes dettes ).

vi ) A notre humble avis, le juge Dickson aurait dû écrire, en substance, qu'il faut interpréter le paragraphe 20(3) à la lumière du fait qu'il n'y a qu'une et une seule utilisation possible aux fonds empruntés, anciennement comme nouvellement, c'est l'alimentation en fonds liquides du compte «Cash», et que les intérêts sur les emprunts nouveaux sont déductibles, tout comme d'ailleurs les intérêts sur les emprunts anciens.

30. Au ¶ 30 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« Il n'est donc pas surprenant que les décisions interprétant le sous-al. 20(1)c)(i) et les dispositions qu'il a remplacées n'ont pas adopté le point de vue  selon lequel on doit ne pas tenir compte d'une utilisation inadmissible directe de l'argent emprunté chaque fois qu'il est possible de découvrir une utilisation admissible indirecte des fonds. Voir l'affaire Sternthal ainsi que Garneau Marine Co. c. Ministre du Revenu national, 82 D.T.C. 1171 ( C.R.I. )

Commentaires :

i) Lorsqu'on puise de l'eau de la mer, il est impossible de dire de quel fleuve qui s'y verse ni de quel ciel l'eau qui y tombe, cette eau provient, bien que tous les fleuves et toutes les pluies, concourrent à la formation de la mer.

ii) Lorsqu'on puise des fonds dans son compte «Cash», il est impossible de dire de quelle source de fonds, les fonds puisés proviennent, bien que toutes les sources concourrent à l'alimentation du compte «Cash».

iii) Les distinguos que fait le juge Dickson  entre:

- les utilisations inadmissibles directes;

- et les utilisations admissibles indirectes;

n'ont aucun intérêt, si l'on sait qu'il n'y a qu'une et une seule utilisation possible des fonds empruntés, c'est l'alimentation  en fonds liquides du compte «Cash». C'est la seule chose qui peut être prouvée à l'aide des écritures comptables.

iv) Le juge Dickson aurait dû écrire ici, que les décisions interprétant le sous-al. 20(1)c)(i), n'ayant pas tenu compte du fait que les emprunts transitent par le compte Cash, il y a lieu de ne pas tenir compte de ces décicions.

31. Au ¶ 31 de son arrêt le juge Dickson écrit:

« Dans le même ordre d'idées, on a conclu à maintes reprises  qu'un particulier ne peut pas déduire l'intérêt payé sur l'hypothèque grevant une habitation personnelle , même s'il allègue que l'emprunt lui a évité d'avoir à vendre  des  placements productifs de revenu. Parmi les affaires les plus récentes, on peut mentionner :  Toolsie c. La Reine, [1986] 1 C.T.C. 216 (C.F.D.P.I.); Jordanov c. Ministre du Revenu  national, 86 D.T.C. 1136 (C.C.I. ); Day c. Ministre du Revenu national, 84 D.T.C. 1184 (C.C.I.); Eelkema c. Ministre du Revenu national,  83 D.T.C.  253 ( C.R.I. ) ; Zanyk c. Ministre du Revenu national, 81 D.T.C. 48 (C.R.I.) ; Holman c. Ministre du Revenu national, 79 D.T.C. 594 ( C.R.I. ) ; Huber c. Ministre du Revenu national,  79 D.T.C. 936 (C.R.I. ) ; Dorman c. Ministre du Revenu national, 77 D.T.C. 251 ( C.R.I.); Verhoeven c. Ministre du Revenu national, 75 D.T.C.230 (C.R.I.). En outre , un bon nombre de décisions établissent qu'une succession ne peut pas déduire l'intérêt payé sur des emprunts utilisés pour acquitter des taxes ou des droits de successoraux, même  si la succession prétend avoir emprunté plutôt que de vendre des placements productifs de revenu :  Shields v.  Minister of National Revenue, 68 D.T.C. 668 (C.A.I.); Auld v. Minister of National Revenue; Cutten v. Minister of National Revenue,56 D.T.C. 454 ( C.A.I. ); No. 228 v. Minister  of National Revenue, 55 D.T.C. 39 (C.A.I.); No. 185 v. Minister of National Revenue, 54 D.T.C. 395 (C.A.I.) .

Commentaires:

i) Une hypothèque est un droit réel accessoire accordé à un créancier sur un immeuble en garantie du paiement d'une dette, sans que le propriétaire du bien grevé en soit dépossédé. Au point de vue forme, on se serait attendu de la part d'un juge d'abord, d'un juge à la Cour suprême du Canada ensuite, enfin, d'un Juge en Chef de la Cour suprême du Canada, l'emploi d'un vocabulaire et des termes précis et juridiques. Quand donc le Juge Dickson écrit, dans le ¶ précédent, « l'intérêt payé sur l'hypothèque grevant une habitation personnelle » il semble oublier que l'intérêt est payé sur un emprunt et non sur une hypothèque et qu'une hypothèque est une garantie et non un emprunt.

ii) Le juge Dickson semble faire, dans le ¶ 31 de son jugement, grand cas d'autres décisions judiciaires et semble s'inspirer et se nourrir de ces autres décisions judiciaires. C'est là une méthode très criticable. C'est pour avoir voulu nourrir des animaux de leur propres carcasses, converties en farines, que d'importants troupeaux de bétail ont contracté la maladie de la vache folle et qu'il a fallu les abattre, engendrant des pertes économiques astronomiques.

 

iii) Lorsqu'un contribuable ne peut pas déduire de son revenu l'intérêt payé sur un emprunt ayant servi, selon les allégations de l'emprunteur ( allégations qui n'ont aucune valeur parcequ'elles ne peuvent prévaloir sur des faits ) à acquérir une habitation personnelle, il s'avère que l'intérêt, un des 4 grands revenus d'une économie, est taxé 2 fois, une fois entre les mains de celui qui le reçoit et une autre fois entre les mains de celui qui le paie. Il faut de solides raisons économiques pour justifier une telle aberration. Ni La Reine, ni le juge Dickson n'avancent des motifs convaincants.

iv) Dans un emprunt garantie par une hypothèque la succession des faits et des écritures comptables sont les suivants. La banque qui prête crédite le compte cash de l'emprunteur. L'emprunteur puise dans son compte cash pour payer l'acquisaition de l'habitation  personnelle. Le compte cash est alimenté par différentes sources de fonds dont l'emprunt et il est impossible d'attribuer à une source précise de fonds,  l'acquisition d'une habitation. Un hypothèque est prise sur un bien immobilier pour garantir le remboursement de l'emprunt. Un emprunt pour alimenter le compte cash est une opération et une hypothèque sur un bien immobilier pour garantir le remboursement de l'emprunt est une autre opération ou acte et ces deux actes sont autonomes l'un de l'autre en ce sens que l'hypothèque n'a pas nécessairement à être sur l'habitation acquise, prétendument, avec les fonds empruntés.

v) Le juge Dickson, très interessé  par les autres décisions judicaires canadiennes, ne semble pas s'intéresser, ne fut-ce que par curiosité, à ce qui se passe ailleurs et notamment aux États-Unis, ou les intérêts sur les emprunts hypothécaires sont déductibles du revenu. Le juge Dickson ne se demande pas pourquoi cette différence de traitement entre le Canada et les États-Unis et qu'est-ce qui peut bien la justifier.

vi) Est-ce que la différence de traitement des intérêts sur les emprunts hypothécaires, entre le Canada et les Éats-Unis, est attribuable à une morale protestante plus vive au Canada, qui voit dans la dépense et l'achat d'une habitation personnelle un acte immoral et malfaisant ?

vii) Le juge Dickson cite un bon nombre de décicions qui établissent « qu'une succession ne peut pas déduire l'intérêt payé sur des emprunts utilisés pour acquitter des taxes ou des droits successoraux, même si la succession prétend avoir emprunté plutôt que de vendre des placements productifs de revenu ».

Le juge Dickson ne se demande jamais si une décison à du bon sens. Après avoir cité une abondante juriprudence il aurait été beaucoup plus intéressant et plus utile pour le juge Dickson d'avancer des motifs économiques, financiers, moraux  etc. justifiant les décisions judiciaires.

Si l'on examine le bilan d'une succession avant et après un emprunt pour alimenter le compte cash en fonds liquides et pour payer, en puisant dans le compte cash, les taxes et droits successoraux on constate que rien n'appuie, ni ne justifie, la non déductibilité des intérêts des emprunts.

1) Bilan d'une succession avant emprunt.

Actif

          $          

Passif

          $

Biens meubles et immeubles       

 1 000 000 

Impôts et droits successoraux

    300 000 

 

 

Avoir net

    700 000 

Total

 1 000 000 

 

  1 000 000 

2 ) Bilan d'une succession après emprunt et après paiement des impôts et droits successoraux.

Actif

$

Passif

$

Biens meubles et immeubles

 1 000 000 

Banque

   300 000 

 

 

Avoir net

   700 000 

Total

 1 000 000 

 

 1 000 000

3 ) Bilan d'une succession après paiement des impôts et remboursement de l'emprunt bancaire.

Actif

$

Passif

$

Biens meubles et immeubles

   700 000 

Avoir net

     700 000 

Total

   700 000 

 

     700 000

4 ) Bilan d'une succession après paiement des impôts par liquidation d'actifs.

Actif 

$

Passif

$

Biens meubles et immeubles

    700 000 

Avoir net

    700 000 

Total

    700 000 

Total

    700 000

 Comme on le voit, qu'une succession liquide des actifs pour payer ses impôts ou qu'elle emprunte avant de liquider, aboutit au même résultat et on ne voit pas pourquoi elle serait pénalisée pour avoir choisi d'abord d'emprunter. Additioner une colonne de chiffres en commençant par le haut ou par le bas de la colonne donne le même résultat. Pour un juge, enfiler sa toge en commençant par la manche droite plutôt que par la manche gauche ne constitue pas une différence tellement notable que dans un cas on est pénalisé par la non déductibilité des intérêts et que dans l'autre cas on bénéficie de cette déductibilité.

Les avantages de l'emprunt pour la succession sont les suivants :  

- La Reine encaisse rapidement les impôts dûs;

- Les liquidateurs de la succession achètent le temps nécessaire pour une liquidation ordonnée et non précipitée;

- La déductibilité des intérêts est, pour La Reine, compensée par l'imposition des intérêts perçcus par le créancier;

 - La déductibilité des intérêts est compensée par les revenus que la succession perçcoit sur les biens qu'elle n'a pas liquidée;

Le seul inconvénient, pour La Reine, de la non déductibilité des intérêts des emprunts d'une succession c'est, de ne pas taxer deux fois l'intérêt, une fois enttre les mains de celui qui le paie et une seconde fois entre les mains de celui qui l'encaisse, ce qui est non seulement inéquitable mais encore, particulièrement nuisible au point de vue économique.

32. Au 32 de son arrêt le juge Dickson écrit :

L'arrêt Canada Safeway Ltd v. Minister of National Revenue de cette Cour, qui fait jurisprudence sur la question de la déductibilité des intérêts, traduit lui aussi une réticence à ne pas tenir compte d'une utilisation directe manifestement inadmissble afin d'aider le contribuable en qualifiant l'opération en fonction d'une utilisation admissible, mais moins directe, des emprunts. Dans cette affaire-là, la société-contribuable  cherchait à déduire les intérêts sur une série  de débentures qu'elle avait émises pour financer l'achat d'actions d'une autre société, qui lui état affiliée. Pendant la période en cause, c'est-à-dire de 1947 à 1949, les dividendes provenant d'actions de sociétées canadiennes  ne faisaient pas partie du revenu imposable. Dans la mesure où elle utilisait les débentures pour produire un revenu sous la forme de dividendes provenant d'actions, la contribuable  ne pouvait pas bénéficier de la déduction au titre des intérêts. La société-contribuable a toutefois soutenu que l'achat d'actions lui a non seulement procuré un revenu tiré de dividendes, mais, en faisant passer sous son contrôle un grossiste, cet achat a entraîné aussi une augmentation du revenu tiré de ses opérations commerciales existantes. Cela avantageait considérablement la contribuable par rapport à ses concurrents et lui a permis d'augmenter sensiblement son revenu net. La Cour néanmoins, le juge Locke étant dissident, a conclu à la non-déductibilité des intérêts payés. Le juge Rand a dit , à la p.726 :

[ TRADUCTION ] Sans doute, il existe en réalité un lien causal entre l'achat des actions et les bénéfices finalement reçus , mais on ne saurait étirer la portée du texte législatif de manière qu'il s'applique à une conséquence à ce point indirecte; cela pourrait n'avoir aucune limite dans une chaîne de filiales; et prétendre que tel est le sens de l'expressioin courante employée dans la loi c'est se livrer à la conjecture plutôt que faire de l'interprétation.

Parlant de la déduction au titre de l'intérêt sur l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise, le juge Rand a conclu, à la p. 727 :

[ TRADUCTION ] Ce qu'envisage l'article est l'utilisation immédiate des fonds empruntés dans l'entreprise  et non pas une utilisation dont le but est atteint d'une manière aussi indirecte et aussi détournée.

Sur la question de l'utilisation d'emprunts pour tirer un revenu d'un bien, il fait les observations suivantes, à la p. 728 :

[ TRADUCTION ] Il n'y a rien dans cette formulation qui permette d'étendre l'application à l'acquisition du "pouvoir " qui s'attache à des actions ainsi que les effets indirects et médiats qu'aurait sur la société une mesure prise dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de la filiale.»

Commentaires :

Dans l'affaire Canada Safeway Ltd v. Minister of National Revenue,  la mécanique financière a été la suivante:

i) Canada Safeway émet des débentures dont le produit vient alimenter son compte Cash.

ii) Canada Safeway a puisé dans ses disponibilités monétaires, c'est à dire dans son compte Cash, des fonds pour acheter des actions d'une autre société.

iii) Le compte Cash étant alimenté par toutes sortes de recettes et notammant par tous ses emprunts, il est impossible d'attribuer à un emprunt précis, une utilisation précise. 

iv) A vrai dire il n'y a qu'une seule utilisation possible et immédiate des fonds empruntés c'est celle d'alimenter le compte Cash.

v) Comme il n'y a qu'une et une seule utilisation possible et immédiate des fonds, cette utilisation est nécessairement admissible et les intérêts des emprunts, de tous les emprunts, sans exception, sont déductibles du revenu imposable. Nous avons ici un argument qui s'ajoute aux autres arguments en faveur de la déductibilité des intérêts, comme celui de la double imposition de l'intérêt, une fois entre les mains de celui qui le reçoit et une autre fois entre les mains de celui qui le paie.

vi) Le juge Rand a raison de dire qu'il faut s'en tenir à l'utilisation immédiate des fonds. Cette utilisation immédiate des fonds empruntés est l'alimentation du compte Cash, écritures comptables à l'appui.

33. Au paragraphe 33 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« Bien que l'arrêt  Canada Safeway ne porte pas directement sur une allégation d'utilisation indirecte de fonds pour conserver des biens productifs de revenu, le fait que les motifs du juge Rand insistent sur le caractère direct de l'utilisation des fonds empruntés s'oppose diamétralement à l'argument  de la contribuable en l'espèce. »

Commentaires

i) Le juge Rand a raison quand il insiste sur l'utilisation directe des fonds empruntés.

ii) On mange pour vivre. Point. On va à la pompe pout remplir le réservoir de sa voiture. Point.On emprunte pour alimenter le compte Cash. Point.

iii) La Science Financière enseigne et la Comptabilité montre par ses écritures, qu'un emprunt alimente le Compte Cash. C'est la seule et unique utilisation possible d'un emprunt.

iv) Vouloir lier un emprunt précis à quelque chose d'autre que le compte Cash, à un actif par exemple, est impossible.

v) Il existe une relation entre l'emprunt et le compte Cash, puis une relation entre le compte Cash et un actif rentable ou non, mais il n'existe aucune relation entre un emprunt et un actif. Les écritures comptables sont là pour le prouver.

vi) En conséquence, vu qu'il n'y a qu'une et une seule utilisation possible pour un emprunt, soit l'alimentation du compte Cash, cette utilisation ne peut être qu'admissible et les inérêts déductibles.

34. Dans le ¶ 34 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« La fiducie intimée préfère la décision  Trans-Prairie  du président Jackett. Dans cette affaire, comme je l'ai déjà souligné, le président Jackett s'est fondé sur la proposition, en soi parfaitement correcte, selon laquelle c'est l'utilisation actuelle et non pas l'usage primitif des fonds empruntés qui détermine l'admissibilité à une déduction. Je répète cependant que ce n'est pas parce que le contribuable continue à payer de l'intérêt qu'on doit inévitablement conclure qu'il utilise encore l'argent emprunté et, à plus forte raison, qu'il l'utilise pour produire un revenu. Par exemple, un bien acheté avec de l'argent emprunté peut avoir été vendu, tandis que la dette contractée aux fins de l'achat reste impayée. »

Commentaires :

i) Quand il s'agit d'un bien immeuble on peut facilement imaginer qu'une bâtisse soit utilisée primitivement comme une école, puis comme un musée, puis encore comme un dépôt de marchanduses. Les notions d'utilisation primitive  et d'utilisatioin actuelle  sont très faciles à utiliser et à exploiter.

ii) Par contre, quand il s'agit de biens comme l'argent emprunté, qui se transforme en fonds liquides dans le compte Cash, puis en un actif lors de l'acquisition d'un bien, puis à nouveau en fonds liquides dans le compte Cash lors de la liquidation du bien, et qui perd la trace de son origine chaque fois qu'il tansite par le compte Cash et qu'il se mêle aux autres fonds du compte cash, les notions d'utilisation primitive  et d'utilisation actuelle sont très difficiles à manipuler, pour ne pas dire impossibles à manipuler, et exigent des contorsions intellectuelles qui obscursissent le jugement.

iii) Dans la succession des opérations suivantes 1) emprunter pour alimenter le compte Cash. 2) puiser dans le compte Cash pur acquérir un actif. 3) vente de l'actif. 4) alimentation à nouvesu du compte Cash avec le produit de la vente, on voit mal comment on peut intégrer les notions d'utilisation primitive et actuelle   des fonds empruntés, puisque ce n'est pas avec des fonds empruntés, comme on le croit communément, qu'on acquiert un actif mais avec les fonds disponibles dans le compte Cash, les écritures comptables faisant la preuve de ce fait.

iv) Après la vente d'un actif, le compte Cash s'accroit du produit de le vente. Le solde créditeur du compte Cash porte intérêt. La différence entre le taux d'intérêt perçu par le titulaire du compte et le taux d'intérêt qu'il paie sur l'emprunt, constitue le prix à payer pour disposer de fonds liquides, c'est à dire de fonds qui n'exigent pas de transformations pour devenir de la monnaie acceptée en paiement d'obligations. On paie un intérêt pour disposer de fonds liquides et non pour acquérir des actifs productifs ou non de revenu.

 

v) Quand donc le juge Dickson écrit dans le ¶ 34 de son arrêt « Je répète cependant que ce n'est pas parceque le contribuable continue à payer de l'intérêt qu'on doit inévitablement conclure qu'il utilise  encore l'argent emprunté et à plus forte raison , qu'il l'utilise  pour produire un revenu. Par exemple,  un bien acheté avec de l'argent emprunté peut avoir été vendu, tandis que la dette contractée aux fins de l'achat reste impayée »,   il,  le juge Dickson, se représente mal la réalité des choses. On paie un intérêt pour disposer de fonds liquides. C'est le service que rend l'emprunt et c'est ce service qui est rémunérer par l'intérêt. A ne pas vouloir s'en tenir à cette analyse c'est vouloir s'empêtrer dans des considérations inutiles et nuisisbles au bon déroulement des affaires et de la vie économique.

vi) Supposons qu'un contribuable emprunte 1 000 000 de $ pour acheter l'actif X et que ce motif soit mentionné dans le contrat d'emprunt en lettres majuscules. Suite à l'emprunt le compte Cash du contribuable est crédité du montant de l'emprunt.

Supposons maintenent que ce même contribuable, après son emprunt, mais avant l'achat de l'actif X, gagne 1 000 000 de $ à la Loto. Le solde de son compte Cash est maintenent de 2 000 000  de $.

Supposons maintenant que le contribuable  puise dans son compte Cash pour acheter l'actif X.

Est-ce l'argent emprunté qui a servi à acheter l'actif X ou bien est-ce l'argent gagné à la Loto ?

Il est impossible de répondre objectivement à cette question.

Le fisc a intétêt à prétendre que c'est l'argent de la Loto qui a servi à achetr l'actif X et que par conséquent le contribuable ne peut prétendre déduire l'intérêt de son emprunt.

Le contribuable a intérêt à prétendre que c'est l'emprunt qui a servi à acquérir l'actif X. 

Malheureusement, la mention dans le contrat d'emprunt, en lettres majuscules par dessus le marché, que le but de l'emprunt est l'acquisition de l'actif X, ne sert à rien, parceque le seul et vrai motif de l'emprunt c'est l'alimentation en fonds liquides du compte Cash, écritures comptables à l'appui.

En s'en tenant à cette dernière analyse,  c'est à dire au fait qu'un emprunt alimente le compte cash et que le service rendu est la mise à la disposition de l'emprunteur de fonds liquides, de moyens de paiement, un juge s'en tiendrait, comme l'invite d'ailleurs le juge Rand, à la réalité des choses.

vi) A remarquer, qu'une allégation, comme la mention du motif de l'emprunt dans le contrat d'emprunt, ne peut prévaloir sur un fait et contre le fait que l'emprunt a alimenté le compte Cash en fonds liquides.

35. Au ¶ 35 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« Donc, à l'exception de l'affaire Trans-Prairie, dont, à mon humble avis, le raisomnnement ne justifie pas  la conclusion que la fiducie intimée cherche à tirer, la jurisprudence s'est montrée généralement hostile  aux réclamations fondées sur des utilisations admissibles indirectes dans des cas où il y a utilisation directe mais inadmissible des fonds empruntés »

Commentaires :

i) La Science Financière montre que l'emprunt alimente le compte Cash de l'emprunteur. C'est le but et la fin de l'emprunt. La Science Financière montre aussi que le compte Cash joue un rôle pivôt, un rôle essentiel dans la gestion financière du patrimoine des individus, des entreprises et des administrations publiques.

ii) Les Principes Comptables indiquent les écritures comptables qu'il faut passer pour chaque opération.

iii) Après un emprunt bancaire le contribuable passe les écritures comptables sivantes : Débit Banque par le Crédit Cash, ce qui montre très nettement que l'emprunt est venu alimenter le compte Cash.

iv) Après un emprunt bancaire de 100 000 $ par exemple, le bilan du contribuable se présente comme suit :

Actif

 

Passif

 

Cash

       100 000 $

Banque

        100 000 $

Ce bilan après emprunt montre très bien que l'emprunt a servi à alimenter le compte Cash et que cette alimentation est la seule et unique utilisation directe et possible de l'emprunt.

v) Les distinguos du juge Dickson entre utilisations admissibles indirectes   et utilisations inadmissibles directes sont peut-être inspirées par la juriprudence, mais ils ne correspondent à aucune réalité ni à aucun fait, puique en fait, la seule et unique utilisation directe d'un emprunt est l'alimentation en fonds liquides du compte Cash.

36. Au ¶ 36 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Je reconnais toutefois que, tout comme il y a eu tendance dernièrement à s'éloigner d'une interprétation stricte des lois fiscales ( voir  Stubart Investments Ltd c. La Reine, [1984] 1 R.S.C. 536, aux pp. 573 à 579 et  La Reine c. Golden,[1986] 1 R.C.S., aux pp.214 et 215), de même la jurisprudence en matière fiscale a tendance à essayer de déterminer la véritable nature commerciale et pratique des opérations du contribuable. En effet, au Canada et ailleurs, les critères fondés sur la forme des opérations sont laissées de coté en favuer de critères fondés sur ce que lord Pearce a appelé une [ TRADUCTION ] " appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices " des événements en question : B.P. Australia Ltd v. Commisioner of Taxation of Australia, [1966] A.C. 224 ( P.C.) à la p. 264. Voir aussi  F.H. Jones Tobacco Sales Co. [1973] C.F. 825 (D.P.I.), à la p. 834, [ 1973] C.T.C. 784, à la p.790 le juge en chef adjoint Noël;  Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation (1946),8 A.T.D. 190 ( High Ct.), à la page 196, le juge Dixon, et  Cochrane ( Succession ) c. Ministre du Revenu national, 76 D.T.C. 1154 (C.R.I.), Me A.W. Prociuk, c.r.

Commentaires:

i) Nous sommes tout à fait d'accord avec ces propos. Mais il ne suffit de faire un baroud, en l'honneur de l'interprétation non littérale des lois fiscales, il faut le faire effectivement. Pour cela il faut non seulement une bonne culture juridique et une bonne connaissance de la jurisprudence, il faut aussi une bonne culture  économique, financière, historique etc. et une bonne connaissance des mécanismes financiers, choses qui ne s'enseignent pas dans les facultés de droit et qui plaident en faveur de la création d'une École Supérieure de la Magistrature, au Canada. Si un avocat peut plaider n'importe quoi sans comprendre nécessairemnt le fond de ce qu'il plaide ou sans comprendre la mécanique de la chose qu'il plaide, un juge ne peut se permettre un tel comportement lorsqu'il s'apprête à rendre une décision.

37. Au ¶ 37 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« Il s'agit là, je crois, d'une tendance louable, pourvu qu'elle soit compatible  avec le texte et l'objet de la loi fiscale. Si, en appréciant les opérations des contribuables, on a présent à l'esprit les réalités commerciales et économiques  plutôt que quelque critère juridique  formel, cela aidera peut-être  à éviter que l'assujettissement à l'impôt dépende, ce qui serait injuste, de l'habileté avec laquelle le contribuable peut se servir d'une série d'événements pour créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes d'admissibilité à une déduction d'impôt». 

Commentaires :

i) Ici, on sent que le juge Dickson n'est pas à l'aise en dehors d'un texte de loi et dans les chemins qui prolongent ce texte et qu'il aura tendance à vouloir s'accrocher aux mots.

ii) Dans le cas de la déductibilité des intérêts, les réalités commerciales et économiques  et nous ajouterons les réalités financières et comptables  sont que les emprunts n'ont qu'un seul rôle, celui d'alimenter en fonds liquides le compte cash, et c'est dans le compte cash qu'il faut chercher et que l'on trouve la source des actifs, productifs ou non de revenu, les écritures comptables confirmant ces faits

38. Au paragraphe 38 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Cela ne signifie toutefois pas qu'une déduction telle que la déduction  au titre d'intérêts prévue par le sous-al.20(1)c)(i), laquelle, de par le texte même de cette disposition, ne peut-être réclamée par un contribuable que dans des circonstances  bien précises, ne doive tout à coup plus faire l'objet d'aucune restriction. Il ne faut pas supposer à la légère qu'une utilisation effective et directe d'argent emprunté est moins réelle que les utilisations abstraites et indirectes  que les contribuables ont, à l'occasion, alléguées dans une tentative d'obtenir une qualification  avantageuse de l'utilisaion d'emprunts. En particulier, j'estime que, même si cela peut être décrit comme une façon indirecte de conserver un revenu, l'emprunt d'argent pour une fin directe inadmissible ne devrait pas conférer à un contribuable le droit de déduire les intérêts payés. »

Commentaires :

i) Un texte de loi, en l'ocurrence le sous al.20(1)c)(i)de la loi de l'impôt , n'a pas le pouvoir de modifier la mécanique d'une chose ou d'une opération et la succession des faits, comme la mécanique d'un moteur à explosion ou la mécanique d'un emprunt. A la suite d'un emprunt, les écritures comptables sont « Debit Banque par le Crédit de Cash » et l'acquisition d'un actif donne lieu aux écritures comptables « Débit Cash par le Crédit Actif » Cette mécanique de l'emprunt montre qu'un emprunt n'a qu'un but et qu'une seule utilisation, celui d'alimenter le compte Cash en fonds liquides.

ii) Lorsque le juge Dickson écrit « Il ne faut pas supposer à la léghère qu'une  utilisation effective et directe d'argent emprunté est moins réelle que les  utilisations abstraites et indirectes que les contribuables ont, à l'occasion, alléguées  dans une tentative  d'obtenir une qualification avantageuse de l'utilisation d'emprunts »   il fait montre d'une méconnaissance des mécanisnes de l'emprunt c'est à dire le circuit par lequel il passe et son transit par le compte cash.

iii) Aucune allégation ne peut prévaloir sur un fait. On peut alléguer, jusqu'au jour du jugement dernier, que la terre est carrée, il n'empêche qu'elle est ronde et il faut s'en tenir à cette réalité.

iv) La réalité est qu'il n'y a qu'une et une seule utilisation à un emprunt c'est celui d'alimenter en fonds liquides le compte cash. Cette utilisation étant unique est, nécessairement, admissible.

v) Lorsque le juge Dickson écrit « Cela ne signifie toutefois pas qu'une déduction telle que la déduction au titre d'intérêts prévue par le sous- al.20(1)c)(i), laquelle, de par le texte même de cette disposition, ne peut-être réclamée par un contribuable que dans des circonstances bien précises, ne doit tout à coup plus faire l'objet d'aucune restriction »,   il ( le juge Dickson ) erre, parceque, de par la mécanique même de l'emprunt, la déduction au titre des intérêts, ne doit faire l'objet d'aucune restriction.

39. Au ¶ 39 de son arrêt, le juge Dickson écrit :

« Dans une telle situation, le contribuable réduit doublement ses possibilités à long terme de produire des revenus: premièrement, en utilisant son capital d'une façon non productive de revenu imposable ; et deuxièmement, en subissant les frais de financement reliés à la dette. Bien entendu, il est loisible au contribuable de dépenser de l'argent d'une manière dont on ne peut attendre qu'elle produise  un revenu imposable, mais s'il prend ce parti, il ne peut s'attendre à ce que le fisc lui accorde un traitement avantageux. À mon avis, le texte de la Loi exige que les fonds empruntés aient été affectés à une utilisation admissible précise, car, à l'évidence, le but restreint qu'elle vise est d'encourager les contribuables a  améliorer leurs possibilités de produire des revenus. Voilà,  selon moi, qui vient empêcher qu'une déduction soit permise à l'égard de l'intérêt payé sur des fonds empruntés qui servent indirectement à conserver des biens productifs de revenu, mais qui ne sont pas utilisés directement  "en vue de tirer un revenu ... d'un bien ".

Commentairres :

i) Dans ce paragraphe le juge Dickson fait montre d'une méconnaissance totale et des mécanismes financiers et des mécanismes économiques.

ii) Ni la Loi, ni la jurisprudence, ni la Cour suprême, ni le fisc, ne peuvent modifier les mécanisnes physiques de l'emprunt et de l'investissement.

iii) On emprunte pour alimenter le compte cash en fonds liquides, puis on puise dans le compte cash pour effectuer des investissements.

iv) C'est en puisant dans le compte cash que les intérêts sont payés et que l'emprunt est remboursé et non en puisant dans un quelconque actif.

v) Il n'existe aucune relation précise entre un emprunt et un actif.

vi) La seule relation est une relation très générale entre l'ensemble des ressources et l'ensemble des actifs.

vii) De par la mécanique même de l'emprunt, du paiement des intérêts et du remboursement, on ne peut éxiger que la déductibilité des intérêts du revenu imposable soit lié a une quelconque affectation des emprunts a une fin admisible determinée par le fisc.

viii) Les intérêts payés par l'emprunteur, a partir du compte cash, sont des revenus, imposables, pour le créancier qui les perçoit, et le fisc n'est pas lésé par la déductibilité des intérêts.

ix) On emprunte pas pour rien, on emprunte pour dépenser. La dépense de l'emprunteur, a partir du compte cash, constitue un recette et un revenu pour le bénéficiaire de la dépense et, à ce titre, est imposable par le fisc. Le fisc n'est pas lésé puisque que les intérêts et le principal sont imposés. Rien donc ne justifie les gémissements du fisc quand un contribuable procède a la déductibilité des intérêts.

x) Lorsqu'un contribuable emprunte et que son compte cash est crédité en conséquence, il dispose de fonds liquides, ce qui est un avantage financier considérable ( Cash - not Profit - is King ).  C'est là une utilisation, la seule possible d'ailleurs, plus que légitime et plus qu'admissible, bien que non prévue, littéralement et mot pour mot, par la Loi.

xi) L'emprunt pour augmenter ses disponibilités monétaires est suffisamment contraignant en termes de paiements des intérêts et de rembousement du principal, et dont la sanction ultime est la faillitte en cas de manquement aux obligations qu'il impose, pour que ni la loi, ni les juges, ni le fisc ne soient justifiés de disputer au contribuable l'emploi des fonds disponibles.

40. Au ¶ 40 de son arrêt le juge Dickson écrit: 

« Même s'il est des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, selon une appréciation réaliste des opérations d'un contribuable, il pourrait convenir, en raison d'un effet indirect sur sa capacité de gagner des revenus, de lui permettre de déduire l'intérêt sur les fonds empruntés pour un usage inadmisible, je suis convaincu que de telles circonstances n'existent pas en l'espèce. Il me semble qu'à tout le moins, le contribuable doit convaincre la Cour que la fin réelle qu'il visait en utiliant les fonds empruntés était de gagner un revenu. À l'inverse de ce qui semble être le cas dans l'affaire Trans-Prairie,  les faits en l'espèce sont loins de faire cette démonstration. D'ailleurs, il n'est pas simplement anecdotique que les biens, qui ont été conservés pendant une brève période, ont eu un rendement bien en deça du loyer de l'argent emprunté. En 1970, l'intérêt sur les 2 200 000 $ d'emprunts dépassait les 110 000 $, tandis qu'une tranche  moyenne  de 2 200 000 $ de biens de la fiducie  (le montant du capital " conservé ") rapportait moins de 10 000 $. La contribuable  ne peut alléguer  aucune attente raisonnable que le rendement de l'ensemble du portefeuille de la fiducie, ou même d'un élément particulier de ce portefeuille, soit supérieur à l'intérêt payable sur un montant équivalent de la dette. Le fait que l'emprunt a pu servir à empêcher des pertes en capital ne peut aider la contribuable à obtenir une déduction prévue uniquement à l'égard de l'utilisation d'argent emprunté en vue de produire un revenu. »

Commentaires :

i) Dans la présente cause le juge Dickson ne réalise pas que le fisc se bat pour obtenir plus que sa juste et légitime part.

ii) La juste et légitime part du fisc est la perception de l'impôt sur le revenu.

iii) L'impôt sur le revenu est payé par celui qui le reçoit. C'est le salarié qui paie l'impôt sur le salaire parceque c'est lui qui le reçcoit et non l'employeur qui le verse.  C'est le créancier qui paie l'impôt sur l'intérêt parceque c'est lui qui le reçoit et non le débiteur qui le verse.

iv) Dans l'affaire Bronfman, le fisc, en contestant a la fiducie la déductibilité des intérêts cherche a taxer 2 fois l'intérêt, une fois entre les mains du créancier et une seconde fois entre les mains du débiteur. Il y a là une situation qui aurait du porter le juge Dickson à se demander si tout cela est bien juste et, surtout, si tout cela est bien dans l'intérêt de l'activité économique et n'est pas nuisible a cette activité.

v) Dans le bilan d'un ménage, d'une entreprise ou d'une administration publique, l'actif est présenté dans un ordre qui va des actifs très liquides, le cash, vers les actifs très illiquides, comme les actifs douteux et litigieux, en passant par les actifs plus ou moins liquides.

vi) Disposer d'actifs très liquides, disposer de cash, constitue, en soi, un avantage très apprécié et de la science financière et des praticiens expérimentés. Cet avantage justifie a lui seul le paiement d'intérêt. Il n'est nul besoin que le cash rapporte au moins autant que l'intérêt à payer sur l'emprunt qui a servi a le constituer. Les avantages n'ont pas nécéssairement a être en argent.

vii) Le fait que l'emprunt a pour but et pour effet d'alimenter le compte cash en fonds liquides, puis, le fait que l'on puise dans le compte cash pour acquérir des actifs productifs ou non de revenu, a pour effet et pour conséquence, qu'il est impossible d'accoupler un emprunt ou un passif précis à un actif précis. Si les écritures comptables constituent des preuves, et elles constituent effectivement des preuves, il est impossible de prouver  une relation quelconque entre un emprunt précis et un actif précis. Tout ce que les écritures comptables prouvent, c'est la relation entre l'emprunt et le compte cash.

viii) Les allégations, les mentions, dans le contrat d'emprunt, les aveux, ne peuvent prévaloir sur un fait. La Terre est en fait ronde. Avouer ou prétendre qu'elle est carrée n'a aucune valeur. Mentionner dans un contrat d'emprunt que le but de l'emprunt est l'acquisaition d'un actif précis ou ne rien mentionner du tout, ne peut modifier le fait que l'emprunt n'a qu'un but et une seul effet, celui d'alimenter en fonds liquides le compte cash.

ix) Lorsque le contribuable puise dans son cash pour acquérir un actif, il puise dans une source sui generis de fonds liquides et non dans un  prétendu emprunt.

x) C'est à partir du compte cash que s'effectuent le paiement des intérêts et le remboursement des emprunts et non à partir d'un quelconque actif acquis a l'aide de fonds empruntés, même quand un actif est hypothéqué en garanti d'un emprunt.

xi) Les écritures comptables, tant dans la comptabilité de la banque prêteuse que dans la comptabilité du contribuable emprunteur, ne prouvent qu'une chose, que l'emprunt a pour but et pour effet d'alimenter en fonds liquides le compte cash.

xii) Il résulte de ce qui précède que la déductibilité des intérêts, de tous les intérêts de tous les emprunts doit être la règle incontournable et non une circonstance exceptionnelle comme le prétend le juge Dickson au début du ¶ 40 de son arrêt, parcequ'il n'y a qu'une et une seule utilisation possible à l'emprunt, c'est l'alimentation en fonds liquides du compte cash et non son utilisation en vue de produire un revenu et encore moins un revenu supérieur au paiement des intérêts.

41. Au ¶ 41 de son arrêt le juge Dickson écrit :

« Avant de terminer, je veux aborder un dernier argument invoqué par l'avocat de la fiducie. On a soutenu -- et sa Majesté en a généreusement convenu -- que la fiducie  aurait obtenue une déduction au titre d'intérêts si elle avait vendu des biens en vue de payer les prélèvements sur le capital et avait ensuite emprunté pour remplacer ces biens. Par conséquent, selon ce point de vue, on ne devrait pas refuser à la fiducie une déduction au titre d'intérêts simplement parce qu'elle a obtenu le même résultat sans les formalités d'une vente et d'un rachat de biens. Il suffit pour répondre à cet argument d'invoquer le principe selon lequel les tribunaux doivent tenir compte de ce que le contribuable a réellememt fait et non pas de ce qu'il aurait pu faire:  Matheson c. La Reine, 74 D.T.C.6176 (C.F.D.P.I.),  le juge Mahoney, à la p.6179. Quoi qu'il en soit, j'avoue que j'ai des doutes sur la prémisse admise par Sa Majesté. Si, par exemple, la fiducie avait dans un court laps de temps vendu un bien précis productif de revenu, payé le prélèvement sur le capital à la bénéficiaire et racheté le même bien, les tribunaux auraient bien pu estimer que la vente et le rachat constituaient une formalité ou un simulacre conçu pour dissimuler le caractère essentiel de l'opération, c'est-à-dire que de l'argent a été emprunté et utilisé pour financer le paiement d'un prélèvement sur le capital à la bénéficiaire. Sur ce point, voir l'affaire  Zwaig c. Ministre du Revenu national,[1974]C.T.C. 2172 (C.R.I.), dans laquelle le contribuable a vendu des titres, s'est servi du produit pour acheter une police d'assurance-vie, puis a emprunté sur la police pour racheter des titres. Or, suivant le sous-al. 20(1)c)(i), l'affectation d'argent emprunté à l'achat d'une police d'assurance-vie n'est pas une utilisation ouvrant droit à une déduction au titre d'intérêts. C'est donc à bon droit que la Commission de révision de l'impôt a refusé d'accorder la déduction réclamée à l'égard de l'intérêt payé, quoique la forme des opérations du contribuable ait été de nature à créer une apparence de conformité avec les exigences de la disposition prévoyant la déduction au titre d'inérêts. Les contribuables ne sont pas toujours favorisés quand on qualifie leurs opérations selon leur véritable caractère commercial et pratique. En l'espèce, la fiducie-contribuable demande à cette Cour de lui donner le bénéfice d'une qualification fondée sur le prétendu caractère commercial et pratique de ses opérations. En même temps, toutefois, elle veut que ce caractère commercial et pratique soit déterminé par référence à une qualification hypothétique qui est la quintessence du formalisme. Je ne puis admettre qu'elle réussisse. »

Commentaires :

i) Peu versé en comptabilité, peu versé en finance personnelle, peu versé en finance corporative, peu versé en finance publique et en fiscalité, peu versé en économique, le juge en chef de la Cour suprême du Canada, le juge Dickson, va s'avérer piètre dialecticien et mauvais logicien, dans l'avant dernier paragraphe de son arrêt, le ¶ 41. Il sera dans ce paragraphe pour la  forme quand cela convient au fisc mais aussi pour le fond quand cela arrange le fisc.

ii) Un raccourci est un chemin plus court que le chemin ordinaire pour aller quelque part.

iii) Un raccourci et notamment un raccouci juridique, est une réalité et non quelque chose d'hypothétique.

iv) Quand un contribuable prend un raccourci, il serait injuste de ne pas en tenir compte et de ne pas le créditer de cela, au nom de l'économie dans l'utilisation des moyens et de l'efficacité.

v) Lorsque la fiducie invoque qu'elle aurait pu obtenir une déduction au titre d'intérêts si elle avait vendu des biens en vue de payer les prélévements sur le capital et avait ensuite emprunter pour remplacer ces biens, le juge Dickson veut s'en tenir à ce qu'elle a fait et non à ce qu'elle aurait pu faire. C'est là, à notre humble avis, le summum du formalisme.

vi) Si la fiducie pour respecter le formalisme inutile dans lequel s'enferme le fisc , « avait dans un court laps de temps vendu un bien précis productif de revenu, payé le prélèvement sur le capital  à la bénéficiaire et racheté le même bien »   le juge Dickson s'empresse de dire que « les tribunaux auraient pu estimer que la vente et le rachat constituaient une formalité ou un simulacre pour dissimuler le caractère essentiel de l'opération , c'est à dire que l'argent a été emprunté et utilisé pour financer le paiement d'un prélèvement sur le capital à la bénéficiaire ».  Il saute aux yeux que là le juge Dickson abandonne la forme pour s'attacher au fond et  favoriser le fisc.

vii) Il existe dans le Code Civil du Québec un opération qualifiée de vente avec faculté de rachat. C'est une possibilité réelle, un chemin réel qui existe en droit et que peut emprunter le contribuable. On ne peut pas ignorer cette réalité et la considérer comme une hypothèse, une supposition.

Lorsque le fisc québécois prétend que, s'il n'est pas mentionné dans un contrat d'emprunt, que l'emprunt a pour but l'achat d'un actif précis productif de revenu, cet emprunt est effectué pour n'importe quoi sauf l'achat d'un actif à revenu, on est en présence d'un formalisme que l'on condamne par ailleurs. 

Si, le contribuable, pour plaire au fisc et se couler dans le moule qu'il a façonné arbitrairement, en dépit du fait qu'un emprunt n'a qu'un but celui d'approvisionner en fonds liquides le compte cash, vend avec faculté de rachat un actif à  revenu, puis emprunte pour le racheter, en prenant soin de mentionner dans le contrat d'emprunt que le but de l'emprunt est l'acquisition de tel bien à revenu, il est certain, à la lumière des prospos qu'il a tenus, que le juge Dickson qualifierait cette opération de manoeuve, pour ne pas payer d'impôt ou pour bénéficier de la déductibilité des intérêts, et qu'il faudrait s'en tenir au fond et non à la forme.

viii) On n'emprunte pas pour s'amuser et pour le plaisir de déduire les intérêts du revenu imposable. Le contribuable n'est pas un écervelé qu'il faut protéger en l'obligeant à déduire de son revenu les intérêts ( voir ¶ 39 ) et à acquérir des actifs à revenus imposables. Emprunter comporte des avantages et des inconvénients et seul le contribuable doit pouvoir en prendre la responsabilité sans que le fisc ou les tribunaux viennent discuter sa décision . En autant que le fisc n'est pas lésé, et il ne l'est pas lorsqu'il se contente de taxer 1 fois ce revenu qu'est l'intérêt, entre les mains de celui qui le reçoit, la déductibilité généralisée de tous les intérêts, de tous les emprunts, est une necessité incontourtnable.

42. Au ¶ 42 son arrêt le juge Dickson écrit:

 « Il s'ensuit que je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de rétablir les cotisations établies par le ministre du Revenu national, avec dépens en cette Cour, en Cour d'appel  fédérale et en Division de première instance de la Cour Fedérale.»

Commentaires :

i) Sur la base de notre analyse et de nos commentaires, c'est à un rejet du pouvoi que le juge Dickson aurait dû conclure.

ii) Dans l'ensemble on peut dire que l'arrêt du juge Dickson ignore trop les mécanismes comptables, les mécanismes financiers, les analyses économiques de la dépense, il montre trop d'empressement à donner systématiquement  raison au fisc, en commettant au besoin des fautes de logique, que nous croyons que le fisc, les tribunaux et surtout la Cour supême du Canada, ont intérêt à envoyer aux oubliettes un arrêt qui est loin de rehausser le prestige de la magistrature.

XIV. CONCLUSION.

Quand Revenu Canada, Revenu Québec et le juge en chef de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt relatif à l'affaire Bronfman Trust c. La Reine de 1987, estiment, que les inérêts ne sont pas systématiquement déductibles du revenu imposable du contribuable, ils errent, et ce pour les motifs suivants :

1. L'emprunt n'a qu'un but, prouvé par les écritures comptables, celui d'alimenter en fonds liquides le compte Cash de l'emprunteur. Lorsque le contribuable investit, il puise dans son compte Cash pour payer ses acquisitions. Il n'existe aucune relation précise entre un emprunt, un passif donné et un actif actif donné parceque dans le compte Cash, les fonds liquides provenant des diverses sources possibles se mélangent. De plus, le paiement des intérêts et le remboursement du principal est la responsabilité du compte cash et non celui d'un quelconque actif acquis avec soit disant des fonds empruntés. 

2. Les ressources d'un contribuable sont formées des fonds propres et des fonds empruntés. Des fonds empruntés et utilisés pour l'achat d'actifs non productifs de revenus dégagent des fonds propres pour l'acquisition d'actifs productifs de revenus. On ne peut pas dire alors que les fonds empruntés ne servent pas à l'acquisition d'actifs productifs de revenus.

3. Deux contribuables identiques en termes de ressources et d'emplois doivent payer le même impôt. Le fait d'acquérir des actifs productifs de revenus, en commençant par utilisr des fonds propres plutôt que des fonds empruntés, ne constituent pas une différence suffisante pour justifier un traitement fiscal différent.

Pour deux juges, le fait que l'un endosse sa toge en commençant par la manche droite et que l'autre l'endosse par la manche gauche, ne constitue pas une différence telle que l'un pourra déduire les intérêts de son revenu imposable et l'autre ne le pourra pas.

4. Au sujet de la malfaisance de la non déductibilité des intérêts du revenu imposable des ménages, une dernière observation s'impose.

Un ralentissement de l'activité économique et, à plus forte raison, une récession, coûtent très cher, à tous les points de vue, à tout le monde, et surtout, au ministe des finances, qui voit ses recettes fiscales s'amenuiser et sa marge de marge de manoeuvre se réduire considérablement.

Depuis le début de l'année 2001 le Canada subit, sinon carrément une recession, au moins, un important ralentissement de l'activité économique. Toutes le analyses et en particulier celles de Statistique Canada, montrent que ce sont les dépenses du secteur des ménages pour l'achat de résidences, de voitures, de meubles, d'appareils ménagers etc.  qui ont soutenus l'activité économique et l'ont empêché de tomber à des niveaux encore plus bas. Toutes ces dépenses, « à gros ticket », comme disent les Américains, sont effectuées grâce au crédit.  Il est clair que, si on avait reconnu aux ménages le droit de déduire les intérêts des emprunts, comme c'est pratiquement le cas aux États-Unis, le ralentissement économique aurait été beaucoup moins prononcé et la reprise qui suit plus rapide.

5. Avant de se lancer dans des permissions ou des interdictions, il faut savoir si l'acte que l'on veut permettre est bienfaisant ou si celui que l'on veur interdire est, au contraire, malfaisant.

Avant d'interdire l'usage du tabac, il faut savoir si l'acte de fumer est nuisible ou non. Quand on sait que respirer la fumée de tabac est nuisible à la santé, interdire l'usage du tabac est justifié et emporte l'adhésion de tout le monde.

Il en est de même de la déductibilité des intérêts du revenu imposable des particuliers. Avant d'interdire la déductibilité des inérêts, il faut d'abord chercher à savoir si la déductibilité est un acte bienfaisant ou au contraire malfaisant à un ou plusieurs titres. S'il  s'avère que la déductibilité des intérêts est un acte malfaisant et nuisible à l'emprunteur, au fisc, à l'activité économique, à l'équité etc.  la décision d'interdire la déductibilité des intérêts est largement justifée et emporte facilement l'adhésion de tout le monde. Mais, s'il s'avère, comme nous venons de le montrer dans la présente analyse, que c'est la non déductibilité qui est nuisible à plus d'un titre, la bonne foi et l'honnêteté exigent que, le fisc et les tribunaux, se rallient de bonne grâce à cette idée.

Rédaction terminée le 1 mars 2002.