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L'EFFET DE RICHESSE

André Gouslisty
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques

3 septembre 2001

1. Au 31 août 2001, la situation économique aux Etats-Unis et au Canada se présentait de la façon suivante.

Situation économique au 31 août 2001 Etats-Unis Canada
* Coût de l'argent pour les banques
- Taux des fonds fédéraux ou taux cible
3,50 % 4,00 %
* Coût " minimum " de l'argent pour les entreprises
- " Prime rate "
6,50 % 5,75 %
* Activité économique
- PIB en $ courants ( 1t2001 )
- PIB en $ courants ( 2t2001 )
- PIB en $ courants ( 3t2001 )

4,60 %
2,40 %
?

7,60 %
1,60 %
?
" Prime rate " optimum = taux PIB 2,40 % 1,60 %

2. Pendant que le " soft landing " d'Alan Greenspan, le grand patron de la Réserve Fédérale, est en train de virer à la catastrophe aérienne, par sa faute et sa phobie de l'inflation, la Fed s'est trouvée une nouvelle préoccupation : l'effet de richesse et son impact sur la dépense.

3. La Banque de Réserve de Kansas City, organise chaque année un colloque sur l'économie et celui de 2001, vient d'avoir lieu en août, avec pour conférencier de marque M.Alan Greenspan, en personne.

4. Le discours de M. Greenspan a évité l'actualité économique et s'est concentré essentiellement sur l'effet de richesse. Il peut se résumer comme suit.

5. La hausse du prix des résidences, ainsi que celui des actions en bourse, ont des effets différents sur la dépense et la Réserve Fédérale travaille a mieux comprendre la différence pour mieux prévoir la direction que va prendre l'activité économique.

6. Lorsque les actifs haussent de valeur, les consommateurs tendent à dépenser plus et c'est ce qu'on appelle l'effet de richesse.

7. Certaines analyses économiques, aux Etats-Unis, montrent que pour chaque 1 dollar d'augmentation permanente de la richesse d'un ménage, ce ménage tend à augmenter sa consommation de biens et services de 3 à 5 cents.

8. Les agences gouvernementales en charge des statistiques appréhendent mal ce phénomène, tout particulièrement quand la valeur des actifs hausse ou baisse rapidement, comme cela s'est passé au cours des dernières années.

9. La mauvaise appréhension de l'effet de richesse rend difficile pour la Fed l'établissement d'une bonne politique monétaire.

10. L'énorme accroissement de la valeur des actifs au cours des 5 dernières années a un impact tout aussi énorme sur la production et le revenu national.

11. L'influence des gains en capital sur le comportement économique a certainement des conséquences sur les performances de l'activité économique.

12. En pourcentage, les consommateurs ont tendance à dépenser plus , lorsque le prix des résidences hausse que lorsque le prix des actions hausse. C'est parce que les ménages ont tendance à transformer en " cash ", en liquide, la valeur de l'avoir net ( équité ) sur leurs résidences, soit en vendant leurs résidences , soit en procédant à des refinancements.

La propension dépenser à partir de gains réalisés est plus grande que la propension à dépenser à partir de gains comptables et non encore réalisés.

14. Il n'existe aucunes études directes montrant comment l'avoir net dans une résidence est dépensé, mais des enquêtes indiquent que les ménages utilisent l'avoir net réalisé : - à rembourser les dettes non-hypothécaires ;
- à acheter des actions, des obligations ainsi que d'autres actifs financiers ;
- à acheter divers biens et services ;
et ce, dans des proportions égales.

15. Sur la base des enquêtes précédentes, Alan Greenspan estime que, pour chaque dollar en provenance de l'avoir net sur résidence et généré par la vente de la résidence, 10 à 15 cents sont affectés à la dépense de consommation.

16. Le traitement fiscal des gains en capital sur les actions et obligations d'une part, leur rotation plus rapide d'autre part, font, qu'il est difficile de suivre à la trace l'effet précis sur la consommation, des augmentations de richesse dues aux actifs financiers, par opposition aux actifs immobiliers.

17. Selon Alan Greenspan, bien que l'effet de richesse en provenance des résidences est plus important en termes de pourcentage, l'impact des gains en bourse a été supérieur en termes de $.

18. Les gains en capital des ménages détenant des actions ou des parts de fonds mutuels ont été , au cours des dernières années, de 2 à 4 fois supérieurs que les gains en capital en provenance des résidences.

19. Le résultat est que les gains en capital, en provenance des actions, ont été un facteur de dépense plus important que les gains en provenance des résidences.

20. L'effet est en général difficile à mesurer parce que les comptes de la nation, qui additionnent les produits domestiques, ne tiennent pas compte des gains en capital.

21. Le résultat est que le taux d'épargne, calculé à partir des Comptes du Revenu National, n'appréhende pas ou ne tient pas compte de la hausse de la valeur des actifs résidentiels et des actifs financiers.

22. Par contre, ces mêmes Comptes de la Nation, tiennent compte des impôts et taxes payés sur les gains en capital et ce fait explique que le taux de l'épargne nationale semble décliner.

23. Tel est, en résumé, le discours de M. Alan Greenspan. Sans doute, mieux appréhender l'effet de richesse sur la dépense est un sujet extrêmement intéressant, mais nous le trouvons moins urgent que celui de fouiller la notion de taux d'intérêt optimum.

24. Le taux d'intérêt optimum de long terme serait égal au taux de croissance du PIB, plus une prime de risque de 2 %. On a donc :


Taux de croissance du PIB
+ 2 % Prime de risque
= Taux d'intérêt optimum.

25. Comme le " prime rate " est un taux de court terme et que par définition c'est un taux exempt de risque, nous avons déduit de la notion de taux d'intérêt optimum, que le " prime rate " doit être égal au taux de croissance du PIB et n'a pas à être ni à la discrétion ni relever de la fantaisie des banques et de la Banque Centrale.

26. Le PIB est sans doute fonction du taux d'intérêt. Il est aussi fonction d'autres variables. Il se peut que ces autres variables viennent donner un coup de pouce ou carrément un coup de main à la Banque Cenrale et aux banques. Nous croyons cependant que la Banque Centrale et les banques ont le plus haut intérêt à établir le " prime rate " optimum si elles ne veulent pas être accusée, la première, d'incompétence et les secondes, de comportement usuraire, à un moment ou l'économie risque de sombrer dans une crise semblable à celle qui dévore le Japon.

Il ne faut pas croire qu'un " prime rate " de 2,60 %, aux Etats-Unis, soit un taux excessivement bas. En 1958, le taux des " fedfunds " a été, en moyenne, de 1,57 % et le " prime rate " de 3,83 %.