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L'EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LA DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS.

par André Gouslisty 
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques.

22 novembre 2001

Si le ralentissement de l'activité économique, depuis le début de l'année 2001, perdure et augmente, ou autrement dit, si le Produit Intérieur Brut ( PIB ) au Canada et aux États-Unis continue à diminuer à chaque trimestre, il est fort probable que les Banques Centrales seront poussées à baisser encore plus les taux d'intérêts jusqu'à faire tomber l'économie dans la trappe à liquidité.

La trappe à liquidité est une situation ou les taux d'intérêt sont tellement bas qu'il n'y a aucun avantage à prêter son argent et à souscrire à des obligations. Non seulement parce que les taux d'intérêt sont bas mais aussi parce qu'il y a le risque de faire des pertes en capital. Quand les taux d'intérêts sont historiquement très bas la seule chose qui puisse arriver c'est une hausse des taux d'intérêts et toute hausse des taux d'intérêts engendre une baisse de la valeur des obligations en cours. Le public préfère dans ce cas garder ses avoirs sous une forme essentiellement monétaire.

Si donc M. Paul Martin, le ministre des finances canadiennes, souhaite conserver le magot qu'il s'est constitué avec les surplus budgétaires des dernières années, il a le plus grand intérêt à ce que la politiques monétaire soit le plus efficace possible avant qu'il ne soit obligé d'entrer dans la danse et d'intervenir avec des dépenses massives.

Un moyen très économique pour M. Martin pour retarder son intervention consisterait à généraliser la déductibilité des intérêts du revenu imposable. Les intérêts sur les hypothèques, sur les prêts auto, sur les prêts pour l'achat d'articles ménagers, sur les cartes de crédit seraient déductibles du revenu des contribuables.En plus d'éliminer la double imposition de ce grand revenu qu'est l'intérêt, une fois entre les mains de celui qui le reçoit et une autre fois entre les mains de celui qui le paie, la généralisation de la déductiblité des intérêts permettrait une plus grande efficacité de la politique monétaire, en ce sens qu 'elle retarderait grandement et empêcherait même la chute de l'économie dans la trappe à liquidité. En effet, lorsque le taux marginal d'imposition est de 50 % et que le prime rate est de 4,50 % comme c'est actuellement le cas au Canada, le « prime rate effectif  » est alors de 2,25 %. Lorsque le taux d'intérêt sur les cartes de crédit est de 18 % et que le taux marginal d'imposition est de 50 % , le taux d'intérêt effectif, après impôts, est de 9 %.

La déductibilité des intérêts est déjà générale pour les entreprises. Il ne reste que quelques îlots ou elle ne l'est pas pour les ménages. Sa généralisation pour les ménages ne coûterait que très peu au ministre Martin , car la baisse des recettes fiscales serait compensée et largement par l'accroissement de l'activité économique, principale source des recettes fiscales. De plus, il y aurait harmonisation avec ce qui se passe aux États-Unis ou les intérêts sur les hypothèques residentielles sont déductibles du revenu imposable.

Le taux de croissance du PIB joue en macroéconomie le même rôle que le taux de rendement interne en microéconomie et au niveau de l'investisseur individuel. Avant d'investir on calcule le taux de rendement interne de l'investissement projeté, puis on le compare au taux d'intérêt que l'on aurait à payer  en cas d'emprunts des fonds nécessaires. Si le taux de rendement interne est supérieur au taux d'intérêt des fonds à emprunter, dans une proportion jugée satisfaisante par l'investisseur, il procédera à l'investissement.

En macroéconomie, il faut comparer le taux de croissance du PIB avec un taux d'intérêt représentatif du coût de l'argent, non pas pour la Banque Centrale, non pas pour les banques, mais pour les entreprises et les investisseurs. Ce taux d'intérêt representatif est à notre avis le « prime rate », et d'une façon très précise, le « prime rate effectif » après impôt. Si le taux marginal d'imposition est de 50 % pour la catégorie des gros et moyens investisseurs et si le prime rate avant impôt est de 4,50 %, ce qui est actuellement le cas au Canada, le prime rate effectif est de 2,25 % . C'est ce taux qu'il faut comparer au taux de croissance du PIB pour savoir si la reprise économique à des chances de se réaliser. Avec un taux de croissance du PIB au second trimeste de 2001 de 1,60 %, et un « prime rate effectif » de 2,25 % après impôts, on ne voit pas pourquoi les investisseurs seraient anxieux d'emprunter à 2,25% pour investir dans une économie dont le taux de rendement global est de 1,60 %.

Une autre mesure qui pourrait aider le ministre des finances du Canada , à conserver le magot accumulé grâce aux surplus budgétaires, et à éloigner le moment ou il sera obligé de débourser des sommes massives pour contrer le ralentissement économique, c'est l'élimination complète de l'impôt sur le gain en capital. Comme  50 % seulement de ce gain  est taxé , son élimination coûterait peu en termes de recettes fiscales perdues, lesquelles seraient largement compensées par le recettes fiscales gagnées du seul fait de la stimulation de l'investissement en bourse.Comme avec le ralentissenet économique les pertes en capital sont probablemet plus importantes que les gains, c'est vraiment l'occasion de se débarrasser à bon compte de cet impôt stupide et antiéconomique. De plus, comme nous sommes en novembre et que l'année fiscale 2001 est sur le point d'achever, une élimination rétroactive de l'impôt sur le gain en capital, tout comme la généralisation de la déductibilité des intérêts du revenu imposable, auraient des effets bienfaisants quasi immédiats sur l'activité économique