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L'ENCRASSEMENT BUREAUCRATIQUE DE LA BANQUE DU CANADA

Par : André Gouslisty

Le 23 Octobre 2001, la Banque du Canada a abaissé le taux cible du financement à un jour, le taux qui correspond au Canada au taux des fedfunds aux États-Unis, de 75 points de base, le faisant passer de 3,50 % à 2,75 %.

  A la suite de cette baisse, les banques commerciales ont abaissé le « prime rate », le taux préférentiel perçu des meilleurs clients, à 4,50 %.

 La question qui se pose est de savoir qu’est-ce qui a pu justifier une telle mesure ?

En cherchant attentivement on ne voit rien de concret et de sérieux. 

i) N’en déplaise à la Banque du Canada et malgré son sommaire des variables clés relatives à la politique monétaire, qu’elle publie dans son site web, il n’y a qu’une seule variable vraiment clé tant pour la politique monétaire que pour la politique fiscale, c’est le taux de variation trimestriel du Produit Intérieur Brut, le PIB. Cette statistique n’apparaît pas dans la liste sommaire des variables clés de la Banque du Canada, bien qu’elle contienne, toute sommaire qu’elle soit, 17 variables.

Or, le 23 octobre 2001, Statistique Canada ne donnait aucune information sur le taux de croissance du PIB pour le troisième trimestre de 2001.

 Il se peut que Statistique Canada disposait de cette information le 23 octobre 2001 et qu’elle l’ait glissé à la Banque du Canada, mais dans ce cas, Statistique Canada joue sa crédibilité et un jeu dangereux. Statistique Canada n’a pas à donner des informations privilégiées sur le taux de croissance du PIB, ni au ministre des finances canadiennes , ni à la Banque Centrale, avant le grand public, car cette information peut permettre de faire des ventes à découvert, au cas où les nouvelles sont mauvaises, ce qui est le cas actuellement. 

Le taux d’intérêt n’a pas pour seule fonction de combattre l’inflation, il a aussi pour fonction en période de récession, comme dans notre cas actuellement, de stimuler les investissements de la part des producteurs de biens et services et de stimuler les dépenses des consommateurs. Mais,  tout cela, à la condition que les baisses du taux d’intérêt au niveau de la Banque Centrale et des banques commerciales, se traduisent par des baisses effectives au niveau des entreprises et au niveau des consommateurs. Or, il n’est pas du tout certain que les baisses du taux d’intérêt décrétées par la Banque Centrale atteignent les emprunteurs actuels.

ii) La Banque du Canada a publié, le 1er octobre 2001, le calendrier des dates d’établissement du taux directeur pour l’année 2002.

Le calendrier des dates d’annonces préétablies pour le reste de l’année 2001 et pour 2002 est le suivant :

  • le mardi 23 octobre 2001
  • le mardi 27 novembre 2001
  • le mardi 15 janvier 2002
  • le mardi 5 mars 2002
  • le mardi 16 avril 2002
  • le mardi 4 juin 2002
  • le mardi 16 juillet 2002
  • le mercredi 4 septembre 2002
  • le mercredi 16 octobre 2002
  • le mardi 3 décembre 2002

  Avec ces annonces, on ne peut pas avoir un comportement plus bureaucratique.

  Les décisions en matière de politique monétaire doivent être prise à la lumière des informations statistique et surtout à la lumière de la plus importante des statistique, le taux de variation trimestriel du PIB.

C’est le jour de la publication de cette importante statistique, ni avant, ni après, ni une semaine après, ni un mois après, que la Banque Centrale doit réagir, d’autant plus que ses réactions prennent du temps à se concrétiser au niveau des producteurs de biens et services et au niveau des consommateurs quand elles se concrétisent,

iii) M. Dodge, l’actuel gouverneur de la Banque du Canada, ancien sous ministre des finances et ancien haut-bureaucrate, ressemble au héron de la fable de La Fontaine, « Il vit de régime et mange à ses heures ». Cela n’augure rien de bon pour le citoyen canadien. On comprend que le citoyen canadien soit anxieux de se débarrasser du $ canadien et de tout ce qui l’entoure. C’est quand Statitique Canada publie le taux de variation trimestriel du PIB que M. Dodge devrait se mettre à table, ni avant, ni après.

iv) Bien que le « prime rate » soit symbolique, en ce sens que les banques perçoivent en fait, de la majorité des emprunteurs, des intérêts supérieurs, et de beaucoup, au prime rate, nous croyons que ce taux doit être inférieur au taux de croissance en $ courants du PIB. A vouloir retarder cette mesure, la Banque du Canada, tout comme la Reserve Fédérale aux Etats-Unis, prennent le risque de se faire attribuer la responsabilité de la récession actuelle.

v) La libre entreprise c’est très bien. Mais il ne faut pas abuser de la liberté dont on dispose. Les banques commerciales, aussi bien aux Etats-Unis qu’au Canada, abusent de la liberté qu’elles ont de fixer les taux d’intérêt applicables aux emprunts des entreprises et des ménages. En se ménageant des marges de profit trop élevées et en fixant des taux d’intérêt trop élevés par rapport au taux de croissance du PIB, les banques commerciales sont en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises. Des taux d’intérêt sans rapport au taux de croissance du PIB, des taux d’intérêt supérieurs au taux de croissance du PIB, provoquent des faillites et obligent les banques à augmenter considérablement les provisions pour créances douteuses. De plus, des taux d’intérêt trop élevés, appellent sur les banques, à plus ou moins long terme, des contrôles qu’elles n’aimeront certainement pas.

vi) Pour stimuler l’activité économique, et les recettes fiscales du gouvernement, il faut que les ménages et les entreprises, disposent, immédiatement, d’argent frais. Pour cela, il n’y a pas cinquante moyens, mais deux.

- Il faut d’abord réduire les impôts avec effet immédiat sur le chèque de paie du consommateur.

- Il faut réduire le taux d’intérêt, non pas au niveau de la Banque Centrale et des banques commerciales, mais au niveau des emprunteurs actuels, avec effet immédiat, sur les paiements mensuels des emprunteurs.

vii) Si la première mesure, soit la réduction des impôts avec effets immédiat sur le chèque de paie du consommateur est relativement facile à introduire, c’est la seconde mesure qui est plus difficile.

Il faut absolument trouver des mécanismes qui font que chaque baisse du taux d’intérêt de la Banque Centrale se répercute au niveau des paiements mensuels des ménages quand elle se répercute, et dans la même proportion, à défaut de quoi, la politique monétaire est sans aucune efficacité.

Une solution consisterait :

- à généraliser la formule des prêts à taux variable, à rendre cette formule obligatoire. Pour les banques il n’y aurait aucune perte puisque, par le canal de la consolidation et de la renégociation des emprunts, les prêts, tous les prêts, sont pratiquement à taux variable.

- à fixer un plafond aux taux d’intérêt, à tous les taux d’intérêt. Le taux d’intérêt ne devrait pas dépasser le « prime rate » plus une prime de risque que l’on peut raisonnablement fixer à 2 %.

Seules de telles mesures peuvent rendre efficace la politique monétaire, aussi bien quand il s’agit de lutter contre l’inflation que quand il s’agit de stimuler l’activité économique.