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LES ERREURS D’ALAN GREENSPAN & CIE

André Gouslisty
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques

22 août 2001


La décision, en date du 21 août 2001, de baisser de 25 points de base ( ¼ de 1 % ) le taux des fonds fédéraux et de le faire passer de 3,75 % à 3,50 % constitue une mesure insuffisante et appelle les remarques et commentaires suivants.

1.D’abord la réunion du FOMC ( Federal Open Market Committee ), le 21 août 2001, n’a aucun sens ni aucune utilité. C’est le 27 juillet 2001 qu’il aurait dû se réunir, le jour de la publication des statistiques sur le Produit Intérieur Brut ( PIB ).

2. La seconde erreur, c’est de n’avoir pas fixé, le 27 juillet 2001, le taux des fonds fédéraux à 3 % parce que le taux de croissance du PIB en $ courants, pour le second trimestre de 2001, était de 3 % et que le taux des fonds fédéraux doit être égal au taux de croissance du PIB en $ courants.

3. Pourquoi le taux des fonds fédéraux aux Etats-Unis et le taux cible du financement à un jour au Canada doit être égal au taux de croissance du PIB en $ courants ?

Parce que cette règle se déduit d’abord, de la notion de taux d’intérêt optimum développée par deux brillants économistes l’un américain Edmund S. Phelps et l’autre français Maurice Allais, Prix Nobel d’économie en 1988, mais surtout, parce que cette règle correspond au sentiment des acteurs à la bourse et des manufacturiers de biens.

4. En se réunissant le 21 août 2001, un mois après la parution des statistiques du PIB, Alan Greenspan & cie montrent qu’ils négligent l’important message que véhicule cette importante et essentielle statistique pour la politique monétaire et c’est là une grave erreur.

5. La quatrième erreur est de faire grand cas des informations partielles et de tourner le dos aux informations sur le PIB. La demande des consommateurs, les profits des entreprises, les dépenses en capital des entreprises , le ralentissement de l’activité économique en dehors des Etats-Unis etc. sont , sans aucun doute des éléments intéressants à connaître et à suivre, mais ces informations ne valent pas et surtout ne remplacent pas les chiffres relatifs au PIB.

Quand les chiffres sur le PIB aux Etats-Unis sont sortis, le 27 juillet 2001, Alan Greenspan & Cie ont fait les morts.

6. Le PIB en $ constants c’est comme la température à l’extérieur. Le PIB en $ courants c’est la température plus le facteur éolien. Quand il fait – 25 degrés centigrade à l’extérieur et qu’en plus le vent souffle à 50 ou 75 kilomètres à l’heure, le distinguo entre la température selon le thermomètre et la température compte tenu du facteur éolien n’a aucune valeur . Seule compte la température avec facteur éolien.

7. La future réunion du FOMC est prévue pour le 2 octobre 2001. La parution des chiffres révisés du PIB sont prévus pour la semaine du 27 au 31 août 2001. C’est au cours de cette semaine que le FOMC devrait se réunir et non le 2 octobre 2001.

8. La Fed réduit le taux des fonds fédéraux, le taux applicable aux prêts interbancaires pour 24 heures, ainsi que le taux d’escompte , le taux applicable aux prêts directs de la Fed aux banques, pour encourager les grandes banques à baisser leurs propres taux, de façon à ce que beaucoup plus d’argent soit à la disposition des ménages et des entreprises et ce dans l’espoir que les dépenses des agents économiques augmenteront et stimuleront l’activité économiques.

C’est être vraiment naïf pour croire que chaque baisse du taux des fonds fédéraux va se traduire par une baisse égale du coût de l’argent emprunté par les ménages et les entreprises , présents et futurs. Il est en effet loin d’être certain que les banques soient anxieuses de faire profiter ses clientèles de la baisse pour elle du coût de l’argent. Les banques sont plutôt anxieuses d’augmenter leur marge bénéficiaire.

S’il faut 6 à 9 mois pour qu’une baisse du taux des fonds fédéraux se répercute au niveau des ménages et des entreprises il faut dire que ces délais dépendent aussi de la bonne volonté des banques.

La Fed ne contrôle pas tous les taux d’intérêt. Elle ne contrôle qu’un seul, le taux des fonds fédéraux. Il représente le coût de base de l’argent pour les banques qui empruntent court pour prêter long. La différence entre le taux des fonds fédéraux et les taux auxquelles elles prêtent ou les taux des titres qu’elles achètent constitue le profit des banques.

Il arrive parfois que l’écart entre le taux des fonds fédéraux et les possibilités de placement soit négatif. Par exemple, en janvier 2001, le taux des fonds fédéraux était de 6 % alors que le taux des obligations du Trésor à 30 ans était de 5.50 % et que le taux des échéances plus courte était inférieur à 5,50 %. Dans une telle situation les banques n’avaient aucun intérêt à emprunter des fonds fédéraux pour les placer en titres . Ce n’est que quand le taux des fonds fédéraux sont inférieurs aux taux des obligations du Trésor que la politique monétaire devient réellement expansionniste. Ce n’est qu’en mai 2001 que le taux des fonds fédéraux qui était en moyenne de 4,20 % étaient aussi et pour la première fois au cours de 2001, inférieurs au taux des obligations du Trésor à 2 ans et que l’on pouvait dire que la politique monétaire était expansionniste.

Durant les mois de juin et de juillet 2001, l’écart entre le taux des fonds fédéraux c’est à dire le coût de l’argent pour les banques et les taux d’intérêt du marché s’est élargi. Comme les banques peuvent acheter avec profit des titres du Trésor du marché secondaire elles alimentent l’économie en liquidités monétaires.

9. Les petites baises du taux des fonds fédéraux sont des leurres. Ils ont pour but d’apaiser les investisseurs en bourse sans pour autant avoir des effets réels. Des petites baisses du taux des fonds fédéraux de 25 points de base ( ¼ de 1 % ) dans la mesure ou elles se traduisent par des baisses effectives des taux applicables aux ménages et aux entreprises, sont insuffisantes pour inciter les emprunteurs à se mettre en frais pour renégocier à des taux plus bas leurs emprunts. De petites baisses du taux des fonds fédéraux n’ont aucun impact sur les ménages et les entreprises.

10. Le président de l’Association Nationale des Manufacturiers des Etats-Unis, M. Jerry Jarinowski, qui représente des agents économiques qui n’encombrent pas leur cervelle de hautes théories économiques mais qui entendent mieux que n’importe qui le pouls de l’activité économique aurait demandé à M.Greenspan, avant la baisse du taux des fonds fédéraux du 21 août 2001, que cette baisse soit d’au moins de 50 points de base.

Ce fait confirme notre thèse que le taux des fonds fédéraux doit être égal au taux de croissance du PIB en $ courants.

11. Les investisseurs en bourse c’est à dire les détenteurs d’actifs financiers, qui eux aussi ne s’encombrent pas de grandes théories économiques mais qui ressentent ce que signifie une baisse de la valeur de leurs avoirs souhaitaient eux aussi avant la baisse du taux des fonds fédéraux le 21 août 2001, que cette baisse soit substantielle et dépasse 50 points de base.

12. Les gestionnaires de portefeuilles à travers les Etats-Unis qui eux aussi ne s’encombrent pas au cours de leur activités commerciales de hautes considérations économiques mais qui sentent très bien à quel niveau doit se situer le taux d’intérêt pour que cela marche, réclamaient de M.Greenspan, avant la baisse du taux des fonds fédéraux le 21 août 2001,que celle-ci soit substantielle et soit égale au moins à 50 points de base.

Ce fait confirme la règle que le taux des fonds fédéraux doit être égal au taux de croissance du PIB en $ courants.

13. La réduction du taux des fonds fédéraux stimule en principe la demande des biens et services de 3 façons:
- en réduisant les taux d’intérêt de long terme qui sont la base des nouveaux prêts hypothécaires et même des anciens prêts par le canal de la renégociation;
- en réduisant la valeur du dollar;
- en augmentant la valeur des actifs financiers ( actions et obligations )

14. Conclusion.

Malgré les sept baisses du taux des fonds fédéraux depuis le 3 janvier 2001, totalisant 250 points de base en passant de 6 % le 3 janvier à 3,50 % le 21 août 2001,la politique monétaire aux Etats-Unis reste, malgré les apparences, essentiellement restrictive. Dans ces conditions on peut se demander, très sérieusement, si Alan Greenspan & Cie gèrent au mieux non seulement l’économie des Etats-Unis mais pratiquement l’économie de la Planète.

Nous avons sur ce point les plus grands doutes.