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FIXÉ À 4,75 %, LE 29 MAI 2001, AU LIEU DE 7,50 %, LE TAUX D’ESCOMPTE DE LA BANQUE DU CANADA EST UNE NUISANCE POUR L’ÉCONOMIE

Par:

André Gouslisty
Docteur en Droit d’État Français
Diplômé d’Études Supérieures d’Économie Politique
Ancien Professeur Agrégé de Sciences Économiques à la Faculté d’Administration de l’Université de Sherbrooke
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques

1 Juillet 2001

Mieux vaut prévenir que guérir dit le dicton. Ce n’est cependant pas l’opinion de la Banque du Canada actuellement.

Une Banque Centrale nuit à l’économie quand, constatant que l’économie commence à s’emballer, elle n’applique pas immédiatement, mais légèrement, les freins afin de n’avoir pas à en donner de grands coups plus tard comme cela s’est passé en 1980 et 1981 ou le taux d’intérêt privilégié des banques devait atteindre 19,25 % et celui applicable aux gens ordinaires près de 22%.

Une Banque Centrale nuit aussi à l’économie lorsque, constatant un ralentissement de l’activité économique au vu des statistiques du PIB, elle ne stimule pas immédiatement l’activité économique pour ne pas tomber dans la trappe à liquidité de Keynes, situation qui a prévalue après la crise de 1929, durant laquelle le taux d’intérêt était tellement bas que toute baisse du taux n’avait aucun effet sur l’activité économique.

Le 29 mai 2001, le gouverneur de la Banque du Canada annonce que le taux d’escompte de la Banque passera de 5 % à 4,75 %.

La question qui se pose est celle de savoir si cette décision de la Banque Centrale est correcte et conforme aux intérêts économiques du Canada ou si, au contraire, elle est incorrecte et néfaste à l’activité économique c’est à dire néfaste à tout le monde , particuliers, entreprises, gouvernements.

Pour le savoir nous avons un point de repère, c’est le taux d’intérêt optimum.

Nous avons dans un précédent article intitulé Le taux d’intérêt optimum et le taux d’escompte de la Banque Canada, daté du 7 mars 2001 et paru dans le présent site web, signalé que l’ oeuvre de deux grands économistes, l’un américain, Edmund S. Phelps, et l’autre français, Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie en 1988, suggère très fortement la notion d’un taux d’intérêt optimum

Le taux d’intérêt optimum se calculerait comme suit :
Taux de croissance du PIB ( cadence annuelle ) + Prime de risque de 2 % = Taux d’intérêt optimum.

Nous avons dans notre article du 7 mars 2001, calculé le taux d’intérêt optimum pour le Canada, après la parution des statistiques relatives au PIB canadien au Ier trimestre de 2001 cadence annuelle. Ces calculs donnaient les résultats suivants :

Taux de croissance du PIB au IVème trimestre de 2000 (cadence annuelle) 3,20 %
+ Prime de risque de 2 % 2,00 %
= Taux d’intérêt optimum 5.20 %

Ce taux d’intérêt optimum de 5,20 % a deux caractéristiques :

- c’est un taux de long terme comprenant par conséquent une prime pour le risque de variation du taux d’intérêt ;
- c’est un taux applicable aux agents économiques du secteur privé et comprenant une prime pour le risque de défaillance du débiteur.

Comme le taux d’escompte au Canada et le taux des fonds fédéraux aux Etats-Unis sont :

- des taux de court terme, ne comprenant qu’un risque très faible de variation du taux d’intérêt au cours de la durée du prêt ;
- des taux quasi publics ou le risque de défaillance du débiteur est nul au cours de la durée du prêt ;

on peut éliminer la prime de risque de 2 % pour la fixation du taux d’escompte optimum au Canada ou pour la fixation du taux optimum des fonds fédéraux aux Etats-Unis.

En fixant, le 6 mars 2001, le taux d’escompte à 5,25 % ( le taux d’escompte optimum étant de 3.20 % ) la Banque du Canada établissait un taux d’intérêt trop élevé, peu conforme et peu profitable à l’économie canadienne.

Le 29 mai 2001, le taux d’intérêt optimum pour le Canada se calculait comme suit :

Taux de croissance du PIB au Ier trimestre de 2001 (cadence annuelle) 7.6 %
+ Prime de risque de 2 % 2,0 %
= Taux d’intérêt optimum 9.6 %

En fixant, le 29 mai 2001, le taux d’escompte à 4,75 % au lieu de 7,50 %, la Banque du Canada l’a fixé à un niveau peu élevé, incompatible avec le taux de croissance du PIB de 7,6 % ( taux annuel ) en dollars courants. Le PIB en dollars courants comprend et intègre l’inflation et il est inutile et très nuisible de chercher dans les statistiques séparées de l’inflation une inspiration pour la politique monétaire.

En fixant, le 29 mai 2001, le taux d’escompte à 4,75 % au lieu du taux optimum de 7.5 %, la Banque du Canada, cause à l’économie canadienne un tort irréparable sous l’œil indifférent du ministre actuel des finances canadiennes, M. Paul Martin. Autant n’avoir personne à la tête du ministère des finances canadiennes , si le ministre des finances est incapable de contrôler les agissement de la Banque du Canada. C’est comme si le ministre de la défense est incapable de contrôler les agissements de l’armée.

La situation aux Etats-Unis

Le 29 mai 2001, les statistiques du PIB pour le Ier trimestre de l’année 2001 indiquait une croissance de 1,11 % en dollars courants soit une croissance de 4,5 % en taux annuel ( 1,11 x 4 = 4,44 % ).

Le calcul du taux d’intérêt optimum pour les Etats-Unis donnerait les résultats suivants :

Taux de croissance du PIB au Ier trimestre de 2001( cadence annuelle ) 4,5 %
+ Prime de risque de 2 % 2,00 %
= Taux d’intérêt optimum 6.5 %

Le taux des fonds fédéraux a évolué depuis le début de l’année 2001 comme suit :

Date Taux des fonds fédéraux Variation du PIB ( taux annuel )
3 janvier 2001 6,00 %
4 janvier 2001 6,00 %
13 janvier 2001 5,50 %
20 mars 2001 5,00 % taux optimum 3,00 % 2000q4 + 3,00 %
18 avril 2001 4,50 %
15 mai 2001 4,00 % taux optimum 4,50 % 2001q1 + 4,50 %
27 juin 2001 3,75 % taux optimum 4,50 %

Qu’est-ce qui pousse la Réserve Fédérale à multiplier ses interventions sans attendre calmement les statistiques du PIB ?

« Everything except GDP is screaming recession » ( Tout, sauf le PIB, hurle à la récession ) declare Steven Wieting, économiste chez Salomon Smith Barney. C’est probablement la bonne réponse à notre question. La Réserve Fédérale cherche à partir des statistiques partielles qui sont publiées entre les publications des statistiques du PIB à prévoir le futur PIB et à adopter à l’avance le taux des fonds le plus approprié. La manoeuvre semble avoir plus ou moins réussi puisque le taux des fonds fédéraux fixé à 5 % le 20 mars 2001 se rapprochait du taux optimum de 3 % et avait été préparé par les baisses du mois de janvier. Par contre les baisses du mois d’avril, de mai et de juin 2001 n’ont pas été justifiées, après coup, par le taux de croissance du PIB de 4,5 % en $ courants et en cadence annuel. Seul le taux de croissance du PIB américain au II ème trimestre de 2001 et qui ne sera connu que vers la fin du mois de août 2001, permettra de dire si, encore une fois, la manœuvre de M.Alan Greenspan, aura réussi.

Le rôle nocif des banques

Les Banques Centrales ne doivent pas perdre de vue que les banques ordinaires n’agissent pas de la même façon quand le taux d’escompte ou le taux des fonds fédéraux monte ou baisse.

Lorsque la Banque Centrale hausse ses taux d’intérêt, les banques s’empressent de faire répercuter sur les débiteurs les hausses, arguant de la hausse des coûts.

Par contre, lorsque la Banque Centrale baisse ses taux d’intérêt et par conséquent le coût de l’argent pour les banques, ces dernières ne montrent aucun empressement à faire bénéficier les débiteurs et le public des baisses, pour elles, du coût de l’argent. Elles préfèrent répercuter la baisse des coûts sur les bénéfices.

Le public aux Etats-Unis commence à réaliser le rôle néfaste des banques lorsque la Fed mène une politique de baisse des taux d’intérêt. La Presse de Montréal, du dimanche 1er juillet 2001, à la page A11, rapporte, qu’une reporter du Los Angeles Times, Kathy S. Kristof, « a examiné le dossier – fabuleux en volume – des cartes de crédit. Depuis le 1er janvier, le taux auquel les banques empruntent a chuté de 26,3 % aux États-Unis ; celui des détenteurs de cartes de crédit de 8,1 %. Qui éponge ? Les banquiers, bien sûr. En principe, les taux d’intérêt sur les cartes de crédit sont variables et devraient normalement s’ajuster aux décisions prises au sommet de l’Olympe. Il y a là comme l’augure d’un doute, venu de la vraie vie, sur l’infaillibilité, issue de Zeus, de M.Greenspan ».

Conclusion

Sans doute un taux optimum d’escompte de 7,50 % au Canada, freine provisoirement, l’activité économique. Mais, il a aussi des avantages comme :

- tuer dans l’œuf les tendances inflationnistes ;
- augmenter la valeur du dollar canadien qui est une misère par rapport au dollar américain ;
- diminuer le coût des importations et en particulier le coût des importations de pétrole.

La Banque du Canada dit une chose mais pratique cependant autre chose.

La Banque du Canada se dit préoccupée par l’inflation mais ne fait cependant rien pour la contrer. On ne cravache pas un cheval qui s’emballe. En faisant passer le taux d’escompte de 5 % à 4,75 %, le 29 mai 2001, au lieu de le fixer à 7,50 %, la Banque du Canada n’a rien fait d’autre que de cravacher un cheval qui s’emballe, aujourd’hui, de crainte que demain ou dans trois mois, il ne traîne la patte.

Le présent article annule et remplace un précédent article sur le même sujet daté du 29 mai 2001.