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POURQUOI LE « PRIME RATE » DOIT ÊTRE INFÉRIEUR AU TAUX DE CROISSANCE DU PIB

André Gouslisty
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques

27 août 2001

1. Nous avons, jusqu’à présent, dans nos différents articles , attiré l’attention sur la notion de «taux d’intérêt optimum», notion développée, comme nous l’avons plusieurs fois répété, par deux brillants économistes, l’un américain, Edmund S. Phelps et l’autre français, Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie en 1988.

D’une façon plus précise, Maurice Allais, suggère que le taux d’intérêt de long terme, pour les producteurs de biens et services, doit être égal au taux de croissance du PIB plus une prime de risque de 2 %. On a donc :


Taux de croissance du PIB
+ Prime de risque de 2%
= Taux d’intérêt optimum de long terme.

2. Nous avons, dans une première approximation, déduit de la suggestion précédente que le taux des fonds fédéraux aux États-Unis et le taux cible de financement à un jour au Canada, étant des taux de court terme, ils devraient être égaux au taux de croissance du PIB, la prime de risque n’étant pas nécessaire.

3. Mais est-ce suffisant ?

A la réflexion, nous pensons, aujourd’hui, que ce n’est pas suffisant, et que c’est plutôt le « prime rate » , le taux de base des banques pour les prêts aux producteurs de biens et services, qui doit être inférieur au taux de croissance du PIB et ce pour les raisons qui suivent.

4. Supposons que l’importance d’une forêt, exprimée en termes du volume de bois ( mètres cubes ) que l’on peut en tirer, soit fonction du temps qui s’écoule.

Supposons de plus que le prix du bois reste constant et que le taux de croissance des arbres soit élevé au commencement puis décline par la suite.

S’il existe un marché concurrentiel du bois , quand faut-il couper le bois de la forêt ?

La réponse de l’analyse microéconomique à cette question est : quand le taux de croissance de la forêt est égal au taux d’intérêt.

Avant cette égalisation, la forêt bénéficie d’un rendement supérieur à celui de l’argent déposé en banque mais après cette égalisation du taux de croissance de la forêt et du taux d’intérêt, le taux de croissance de la forêt est inférieur au taux d’intérêt. Le « moment optimal » pour couper le bois d’un boisé est quand son taux de croissance est juste égal au taux d’intérêt. ( voir pour plus de détails, Hal R. Varian, Intermediate Microeconomics : a modern approach,W.W . Norton & Company, New-York, 1990. p.204 )

5. Tant que le taux de croissance de la forêt est supérieur au taux d’intérêt , dans une proportion qu’il appartient à l’investisseur de décider, il y a intérêt à emprunter et à acheter des boisés. Dès que le taux de croissance des boisés est égal au taux d’intérêt, il y a intérêt à abattre les arbres, à vendre le bois, à rembourser l’emprunt, à empocher la différence et, finalement, à placer l’argent encaissé en banque et à percevoir un taux d’intérêt supérieur au taux de croissance des arbres.

6. Si un gouvernement souhaite favoriser la production de bois et le développement des exploitations forestières, il faut qu’il s’arrange pour que le coût de l’argent pour les producteurs forestiers soit inférieur au taux de croissance des forêts, soit en créant une société de financement ad hoc, soit en subventionnant etc.

7. Il n’existe aucune différence fondamentale entre le bois produit et le PIB, le produit intérieur brut c’est à dire la masse des biens et services produits au cours d’une période, le trimestre ou l’année.

Tant que le taux de croissance du PIB est supérieur au taux d’intérêt, il y a intérêt à emprunter et à produire des biens et services.

8. Quand le taux de croissance du PIB est inférieur au taux d’intérêt, il n’est plus payant d’emprunter pour produire des biens et services. Il y a même intérêt à réduire la production de biens et services et de placer l’argent sauvé en banque et percevoir un taux d’intérêt supérieur au taux de croissance du PIB.

C’est ce phénomène qui explique les mises à pied et les réductions de production que l’on entend chaque jour ces derniers temps.

9. Si le gouvernement et la banque centrale ne souhaitent pas que les réductions de production se multiplient avec leurs conséquences sur les finances publiques, il faut qu’ils s’arrangent pour que le taux d’intérêt que doivent payer les producteurs de biens et services soit inférieur au taux de croissance du PIB.

10. Conclusion.

Le taux d’intérêt pour les firmes qui empruntent est, en principe, le « prime rate » des banques.

Le coût de l’argent pour les banques est le taux des fonds fédéraux aux Etats-Unis et le taux cible du financement à un jour au Canada.

Au 27 août 2001, nous avons la situation suivante.

Comme le tableau précédent le montre, aux Etats-Unis, il n’est pas du tout intéressant d’emprunter à 6,50% pour se lancer dans la production des biens et services qui ne rapporte que 3%. C’est le contraire qui est intéressant à faire. Il va falloir qu’Alan Greenspan se réveille s’il ne veut pas plonger les Etats-Unis dans une profonde crise et qu’il oublie qu’il est le défenseur de ceux qui détiennent leurs avoirs en monnaie.

Par contre, c’est au Canada qu’il est intéressant d’emprunter, en principe, à 6,00 % pour se lancer dans la production de biens et services, qui rapporte 7,60 %.

Malgré le fait que, toute notre sympathie va à la Fed et à Alan Greenspan et toute notre antipathie à la Banque du Canada et à David Hodge , ancien sous-ministre des finances, nous sommes obligés, objectivement , de reconnaître, que tout compte fait et pour le moment, la Banque du Canada gère mieux que la Fed la part qui lui est dévolue de la politique économique.