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TROP RESTRICTIVE AUX ETATS-UNIS, LA POLITIQUE MONÉTAIRE EST TROP EXPANSIONNISTE AU CANADA

André Gouslisty
Conseiller en Fiscalité et en Finances Publiques

27 Juillet 2001

Les banques centrales occidentales ( la Fed aux Etats-Unis, la Banque Centrale Européenne, la Banque du Canada ), laissent l’impression de ne pas très bien savoir ce qu’il faut faire pour stimuler l’économie sans stimuler en même temps l’inflation.

La raison, c’est qu’elles ignorent la notion de taux d’intérêt optimum, malgré l’importance de leurs services d’études et de recherches économiques. A la Banque du Canada on préfère finasser et raffiner les indices des prix, avec ou sans carburant, avec ou sans les fruits , avec ou sans tabac, avec ceci et sans cela, plutôt que de fouiller la notion de taux d’intérêt optimum.

On ne cravache pas un cheval qui s’emballe aujourd’hui de crainte que demain ou dans trois mois, il ne traîne les pattes. On ne calme pas encore plus, un cheval qui traîne aujourd’hui, de crainte que demain ou dans trois mois il ne s’emballe. C’est aujourd’hui qu’il faut le traiter de la bonne façon. C’est à la parution des statistiques du PIB, qu’il faut opter franchement pour le taux d’escompte optimum ou le taux des fonds fédéraux optimum et non tâtonner.

Et pourtant, c’est ce que vient de faire la Banque du Canada, en fixant, le 17 juillet 2001, le taux d’escompte à 4,50 % ( le taux précédent étant 4,75 % et le taux optimum de 7,60 % ).

Rien de vraiment sérieux ne justifie une telle mesure et cette décision de la Banque du Canada appelle les commentaires suivants.

1. La seule statistique qui compte vraiment, pour la politique monétaire, c'est le Produit Intérieur Brut (PIB) trimestriel et en $ courants .

Entre les publications, tous les trois mois, de cette statistique, deux ou trois mois après la fin d’un trimestre, un tas d’autres statistiques partielles est publié comme, par exemple, l’indice des prix à la consommation ou le taux de chômage. Ces statistiques partielles ressemblent au tonnerre et aux éclairs qui précédent l’orage, quand orage il y a. Parfois de grands tonnerres et de gros éclairs accouchent de gros orages, mais parfois aussi ils n’accouchent que de petits orages et même de rien du tout .

Il faut donc être très prudent avant d’utiliser les statistiques partielles pour prévoir le futur PIB et décréter des hausses ou des baisses des taux d’intérêt. Mais, quand les chiffres du PIB sont publiés, il ne faut pas craindre d’en tirer les conséquences et d’adopter le taux d’intérêt qui s’impose à la lumière de la notion de taux d’intérêt optimum.

2. Aux Etats-Unis, « Everything except GDP is screaming recession » ( Tout sauf le PIB hurle à la recession ) déclare Steven Wieting, économiste chez Salomon Smith Barney, de New-York. En multipliant les modifications du taux des fonds fédéraux, en multipliant notamment depuis le début de 2001, les baisses, entre deux publications des statistiques du PIB, M. Alan Greenspan semble paniquer et montre qu’il n’a pas un point de repère précis contrairement à ce qui se passe lorsqu’il s’agit de combattre l’inflation.

3. Lorsque la Banque du Canada, dans son communiqué de presse du 17 juillet 2001, déclare « The slower pace of economic growth in Canada, largely stemming from developments in the United States continued through the second quarter of 2001 », elle affirme des choses basées sur rien de sérieux.

Nous avons examiné les chiffres publiés par Statistique Canada et nous n’avons rien trouvé qui justifie les propos et les affirmations de la Banque du Canada. Pour Statistique Canada, la dernière information disponible sur le PIB, le 17 ainsi que le 27 juillet 2001, est son taux de croissance de 1,9 % au cours du Ier trimestre de 2001 soit un taux de croissance annuel de 7,6 % ( 1,9 % x 4 = 7,6 % ).

Bien que les statistiques mensuelles du PIB. par branche d'activité et en $ dollars de 1992, soient pratiquement inutilisables pour la politique monétaire, les propos de Statistique Canada, à l'occasion de la publication des chiffres du PIB par industries, au coût des facteurs de production, le 31 juillet 2001, contredisent les propos de la Banque du Canada. En effet Statistique Canada écrit dans sont bulletin « En mai le produit intérieur brut a augmenté de 0.3, alimenté par des circonstances inhabituelles dans le secteur public. Il sagit du meilleur taux de croissance depuis sept mois. »

4. Au Canada, la Banque Centrale tantôt prétend que l’économie canadienne est autonome de celle des État-Unis et que ce fait justifie sa présence, sa politique et l’existence du dollar canadien, tantôt prétend et agit comme si l’économie canadienne était dépendante de celle des Etats-Unis, comme elle vient de le faire dans son communiqué de presse du 17 juillet 2001.

Sans doute, l’économie canadienne est fonction de celle des Etats-Unis, mais le degré de dépendance semble assez lâche comme le montre les chiffres suivants.

5. Tant qu’il s’agit de lutter contre l’inflation les Banques Centrales n’ont pas de problèmes intellectuels, en ce sens qu’elles ont un point de repère. Ce point de repère est le suivant :
- durant tout le XIXème siècle on assiste à une très grande stabilité des prix ;
- la monnaie en circulation est, directement ou indirectement, l’or ;
- le stock d’or mondial augmente d’environ 2 % par an.

On a déduit de ces faits que si la masse monétaire n’augmente que de 2 % par an, on peut facilement assurer la stabilité des prix et profiter des avantages qu’elle engendre.

L’ennui c’est que le PIB ce n’est pas l’inflation, ce n’est pas l’IPC. Le PIB, en dollars courants, est un mélange d’inflation et de choses réelles. Comment stimuler le progrès des choses réelles sans stimuler l’inflation ou comment combattre l’inflation sans freiner le progrès des choses réelles, constitue un problème pour les Banques Centrales et pour lequel elles n’ont pas un point de repère précis comme dans le cas l’inflation. Elles manipulent le taux d’intérêt sans trop savoir jusqu’où il faut aller. Les risques sont donc grands, de, tantôt, ne pas aller assez loin, ou de, tantôt, aller trop loin.

Or la notion de taux d’intérêt optimum, de taux d’escompte optimum ou de taux des fonds fédéraux optimum, peut constituer l’arme qui permet de combattre l’inflation sans porter atteinte au progrès économique.

Malheureusement cette notion du taux d’intérêt optimum semble complètement étrangère aux Banques Centrales.

Conclusion

En résumé, nous avons, actuellement, au 27 juillet 2001, la situation suivante :

États –Unis
Canada
PIB en $ courants 2000q4 + 3,00 % + 3,20 %
2001q1 + 4,50 % + 7,60 %
2001q2 + 3,00 % ?
Taux optimum des fonds fédéraux + 3,00 %
Taux actuel des fonds fédéraux (au 27 juillet 2001) + 3,75 %
Taux d’escompte optimum + 7,60 %
Taux d’escompte actuel ( au 17 et 27 juillet 2001) + 4,50 %


Comme le tableau précédent le montre, il y a, aux Etats-Unis, une stimulation insuffisante de l’activité économique, le taux actuel des fonds fédéraux étant supérieur au taux optimum de 0,75 %. Mais au Canada il y a une stimulation plus qu’exagérée de l’activité économique, le taux d’escompte étant de 3,10 % au dessous du taux d’escompte optimum.

A la lumière de la notion de taux d’intérêt optimum, ainsi qu’à la lumière des derniers chiffres relatifs au PIB parus le 27 juillet 2001,on peut dire que la politique monétaire aux Etats-Unis est trop restrictive et que cette politique est trop expansionniste au Canada.

A la lumière de la notion de taux d’intérêt optimum et de la notion de taux des fonds fédéraux optimum, il n’y a qu’à espérer que M. Alan Greenspan :

- abaisse le taux des fonds fédéraux à 3,00 % ( de 3,75 % qu’il est actuellement , au 27 juillet 2001 ), immédiatement, sans attendre la future réunion de la Fed prévue pour le 21 août 2001 ;
- et qu’il s’assure que les banques commerciales ne détournent pas à leur profit la baisse pour elles du coût de l’argent.